Al-Ahram Hebdo : L’Ethiopie a annoncé l’achèvement à 100 % du barrage de la Renaissance. Comment analysez-vous cette déclaration ?
Abbas Sharaky : La construction du barrage a été achevée à 100 % en termes d’infrastructure. Cette annonce, essentiellement politique, vise à rassurer la population éthiopienne qui attend depuis six ans ce résultat, notamment en raison des coûts importants engagés. Or, la moitié des 110 millions d’Ethiopiens souffre d’un manque d’électricité et le reste est confronté à des coupures régulières. Seules quatre des neuf turbines nécessaires à la production d’électricité ont été installées. Les cinq restantes, dont le coût est élevé, attendent d’être mises en place.
— L’Egypte sera-t-elle affectée par ce développement ?
— L’Egypte a indéniablement été affectée par les cinq phases de remplissage du réservoir, qui ont réduit temporairement le débit du Nil bleu. Pour pallier cette perte, l’Egypte a investi environ 550 milliards de L.E. dans des projets de dessalement, de traitement des eaux et de construction de centrales électriques. Grâce aux réserves du Haut-Barrage à Assouan, l’impact a été relativement limité.
— L’achèvement du barrage signifie-t-il que la part de l’Egypte en eau sera regagnée ?
— Le réservoir du barrage ayant atteint sa capacité maximale de 64 milliards de m³, l’Egypte peut s’attendre à des débits d’eau plus réguliers. Toutefois, l’achèvement de la construction ne garantit pas le retour à la situation antérieure, surtout en cas de diminution du débit du Nil liée au changement climatique.
— L’Ethiopie a annoncé son intention de construire de nouveaux barrages. Ces projets peuvent-ils réellement voir le jour ?
— L’annonce par l’Ethiopie de son intention de construire d’autres barrages soulève de nouvelles questions concernant la faisabilité et les impacts de ces projets supplémentaires. L’Ethiopie, motivée pour développer ses ressources hydroélectriques, affirme son intention de construire trois autres barrages et la possibilité de démarrer de nouveaux projets pour stimuler son économie et devenir un exportateur d’énergie dans la région. Pour l’Egypte, tout nouveau projet sans un accord trilatéral entre l’Egypte, l’Ethiopie et le Soudan pourrait être perçu comme une menace pour les parts d’eau des pays riverains, augmentant le risque de conflit régional. Il est donc crucial de parvenir à un accord trilatéral clair sur le partage et la gestion des eaux du Nil, garantissant un accès stable pour l’Egypte et le Soudan. De nouvelles négociations doivent être engagées, avec une approche flexible permettant de définir des quotas spécifiques et d’explorer des opportunités de coopération.
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