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Randa El-Mahdi : L’instinct de réussir

Manar Attiya , Mercredi, 06 novembre 2024

Randa El-Mahdi est la première femme au monde à traverser à la nage le lac d’Annecy en France. Pourtant, elle a commencé à faire de la natation à l’âge de 37 ans. Cette Egyptienne quadragénaire n’a jamais imaginé qu’elle deviendrait un jour une icône !

Randa El-Mahdi

« Je ne suis pas une championne, mais plutôt une amatrice. Pour moi, faire du sport, c’est exprimer ma liberté d’apprendre, de m’amuser, de vivre et de se dépasser ». A 44 ans, Randa El-Mahdi prend soin de sa peau et de son look, elle apparaît plus jeune que son âge. Elle sait parfaitement défier l’effet du temps qui passe. « Gymnastique, running, cyclisme, natation, le sport est une composante essentielle de mon équilibre », dit-elle.

Cette gymnaste svelte, aux yeux grands et aux cheveux noirs très courts, a débuté sa carrière sportive à l’âge de 37 ans. Elle ne renonce jamais à ses rêves. En 2017, elle a réussi à faire de la plongée sous-marine à la mer Rouge. Quelques mois plus tard, son objectif était de courir un semi-marathon, parfois à Gouna, à Assouan et parfois même à Maadi, c’est-à-dire dans le quartier résidentiel où elle habite. Ensuite, elle a commencé ses premières randonnées à vélo, qui ne dépassaient pas les 21 kilomètres. « J’avais besoin de faire preuve d’endurance pour aller de la ligne de départ à la ligne d’arrivée. Mais pas d’inquiétude : ça se travaille, quand on veut, on peut. Vu que je n’arrivais même pas à respirer en courant quelques mètres dans le passé ».

Avant ces objectifs sportifs, Randa a surmonté bien des épreuves ; ceux-ci auraient pu briser bien des esprits et des corps. Mais ce n’est pas du tout son cas. En 2016, à cause de l’insupportable vie de couple qu’elle menait, elle a demandé le divorce. Et du jour au lendemain, elle s’est retrouvée, « dans la rue, sans le sou, étant responsable de trois enfants : deux filles et un garçon, de 15, 13 et 10 ans », raconte-t-elle, pour expliquer la crise psychologique qu’elle affrontait.

Elle a quand même réussi à chasser le stress, les pensées négatives et à faire table rase de ses problèmes. « A l’époque, je voulais prouver à mon entourage que j’étais tenace et courageuse », dit cette femme déterminée à réussir sa vie et à surmonter les douleurs de la séparation. Elle a alors décidé de faire quelque chose de spécial afin d’être montrée du doigt.

En avril 2018, elle était prête à parcourir de longues distances à vélo, soit 35 kilomètres sur la route Le Caire-Aïn Sokhna. « En arrivant au point final, j’étais épuisée. J’avais des maux et des courbatures dans les jambes et les cuisses ». Mais, très vite, en mai, elle avait pris goût, et le running est devenu plus qu’une simple distraction : une véritable passion. Elle a participé à la Journée mondiale du vélo. « C’est un événement qui a lieu aux quatre coins du monde et dont l’objectif est de sensibiliser le public aux bienfaits du vélo pour la santé, l’environnement et l’économie. C’est un moyen de transport accessible à tous, en plus économique et écologique ».

Au départ, ses parents ne pouvaient imaginer le parcours hors du commun qui attendait leur fille. A chaque fois, la cycliste était à la recherche d’une nouvelle aventure, et sa famille n’avait aucunement confiance en ses capacités, que ce soit son père, gynécologue, ou son frère. Les deux passaient leur temps à la critiquer. « Imaginez-vous qu’ils répétaient tout le temps que je ne pourrais pas atteindre mon but et que je n’avais aucun talent ! ». Tandis que sa mère, une femme au foyer, lui disait : « Au lieu de faire du sport, mieux vaut passer plus de temps avec ses enfants ?! ».

Pourtant, on ne pouvait rien lui reprocher, car elle a toujours agi de façon intelligente en matière d’éducation. Elle a compris qu’il était très important de se mettre à la hauteur de son enfant en communiquant avec lui. « D’habitude, je fais des réunions avec les enfants. Depuis leur âge tendre, j’ai fait tout ce que je pouvais pour leur expliquer sereinement tout ce qui se passait dans notre vie. Ce contact en permanence a joué en faveur de notre relation ».

Randa El-Mahdi était également critiquée par les autres sportifs, souvent jaloux d’elle. Elle était parfois même maltraitée par les uns et les autres. Personne ne la choisissait pour se joindre à son équipe. Bref, elle n’était pas du tout intégrée. Pire encore, elle était harcelée, objet de moquerie, etc. Mais cela l’a rendue plus résolue à reconstruire sa confiance en elle-même et à surmonter les blessures du rejet.

En 2019, elle est partie à Barcelone, afin de faire du triathlon. Lors de cet événement qui attire de nombreux athlètes du monde entier, elle devait nager 750 mètres en Méditerranée, ensuite faire un tour de 20 kilomètres à vélo dans la ville et une course de 5 kilomètres à pied dans les rues de la ville. « C’était une vraie chance pour moi, puisque cela offre une gamme de distances allant du super sprint à l’Olympique ». Cela lui a offert une autre opportunité, celle d’être membre de la communauté triathlète en faisant une longue distance sur le littoral méditerranéen, dans le village de Calella, situé entre Barcelone et la Costa Brava. Elle a donc réussi à faire 3,8 km à la nage, 180 km de cyclisme et 42,195 d’athlétisme.

D’ailleurs, elle se souvient de cet événement majeur, comme si c’était hier : le triathlon regroupait plus de 6 500 concurrents venus du monde entier. Le top départ de l’épreuve de natation était donné sur la plage de Calella. Tous les athlètes plongeaient pendant 2 heures et 20 minutes dans les eaux chaudes de la mer, dont la température avoisinait les 22 degrés. Le parcours à vélo, réputé pour être extrêmement rapide, s’étendait de Calella à Montgat, pendant une durée de 9 heures et 10 minutes. Quant au marathon de l’IronMan Barcelona, les athlètes devaient longer le bord de mer et la magnifique plage dorée de Pineda de Mar.

La triathlète part en Europe, deux ou trois fois par an, afin de participer à des concours ou à des compétitions similaires. Parfois, elle se demande : « Pourquoi devrais-je verser autant de dollars pour me rendre en Europe et exercer un sport très spécial ? », et la seule réponse qui ne tarde pas à venir : « Pour le plaisir et le succès ! ».

Mais le vent ne souffle pas au gré des navires. En 2022, Randa El-Mahdi a dû stopper ses activités sportives. Elle souffrait d’une lombalgie commune, donc une douleur intense au bas du dos. « Ceci était dû à un entraînement trop rapide et dur. Mon corps n’a pas eu le temps de s’habituer à la pression qui lui est infligée. C’était l’avis de l’ostéopathe ». Pendant un certain temps, elle a souffert de troubles dépressifs car elle ne pouvait pas supporter la difficulté des activités physiques qu’elle menait. Donc, elle devait mettre un point final au cyclisme et à l’athlétisme qui auraient pu aggraver les pathologies déjà existantes.

Comme d’habitude, Randa n’a pas pu renoncer à ses désirs ardents et ce, en dépit de ses douleurs chroniques. « La natation est le sport idéal à mes yeux. Traverser le lac d’Annecy, en France ? J’y ai pensé ». Le 17 septembre 2024, la sportive a réalisé 14.50 km en 5 heures et 11 minutes sur le lac d’Annecy, situé dans les Alpes, en Haute-Savoie. Elle a réussi à traverser le lac annécien à la nage libre dans une eau allant de 17 à 19 degrés, courants d’air variés. « Malgré les crampes dans les mains et les jambes, à la suite des séances d’entraînement, j’ai continué la course ».

La nageuse a poursuivi son challenge, avec l’aide de son coach Mohamad Marouf, ancien champion du monde en eau libre et entraîneur de nageurs en Egypte et au Canada. « Elle ne ratait aucune séance. Elle faisait 6 heures de natation par jour, entre 6h et 17h, se jetait à la piscine du club Maadi », témoigne son entraîneur qui a toujours cru en elle et l’a surnommée « l’icône ». Pour lui, elle peut servir de modèle pour tant de femmes aux quatre coins du globe.

« Elle est la seule femme au monde à avoir réussi à traverser le lac d’Annecy. Sachant que 7 hommes, de par le monde, ont réalisé cet exploit. Le plus important aussi est qu’elle a encouragé la Fédération internationale de natation longue en France à organiser une traversée internationale par an, uniquement pour les femmes, qui aura lieu, pour la première fois, en septembre 2025 », conclut l’entraîneur.

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