Al-Ahram Hebdo : Quels sont les principaux thèmes qui seront débattus lors du WUF12 ?

Atef Salem : Le thème central de cette édition est « Tout commence à domicile : actions locales pour des villes et des communautés durables ». L’action locale est essentielle pour parvenir au développement durable et promouvoir le concept de villes sûres, inclusives et résilientes. Le principe de la localisation, discuté lors de ce forum, reconnaît les conditions et priorités de chaque région, ville et communauté. L’idée est de tirer le meilleur parti du potentiel des villes, en stimulant leur transformation mondiale par l’action locale. Tout commence à domicile, tout commence chez soi, tout commence ensemble. Ces thèmes invitent à rassembler les rôles des gouvernements, du secteur privé, des acteurs internationaux, des leaders d’opinion, des entrepreneurs et surtout des acteurs locaux et habitants des zones urbaines. Les discussions aborderont les nouvelles vérités de notre monde de plus en plus urbanisé. Ce forum arrive à un moment où la communauté internationale est confrontée à une menace sans précédent, cinq ans seulement avant la date limite fixée pour réaliser les Objectifs de l’Agenda 2030 de l’ONU pour le Développement Durable (ODD). En plus, l’accent sera mis sur des initiatives tangibles et concrètes. A travers les plateformes et dialogues, penseurs et décideurs mondiaux partageront leurs visions, idées et solutions, y compris une discussion active avec le public.

— Le forum aborde le sujet de l’expansion rapide des villes. Quels sont les changements majeurs que les villes ont connus, surtout dans notre région ?

— Le forum tente de répondre à l’un des problèmes les plus urgents auxquels le monde est confronté aujourd’hui : l’urbanisation rapide et son impact sur les communautés et les villes. D’après les estimations de UN-Habitat, en 2030, plus de 60 % de la population mondiale habitera dans des villes. Cette urbanisation très rapide nous oblige à discuter de l’état actuel des villes. L’Afrique est le continent qui connaît la plus rapide urbanisation, suivie par l’Amérique latine et les Caraïbes. Le forum permet d’examiner la préparation des villes à accueillir ce flux. Nous sommes témoins du plus important passage du rural à l’urbain : flux migratoires, sécurité alimentaire, inégalités ... Est-ce que leurs infrastructures sont capables d’absorber ce surplus ? Existe-t-il des offres d’emploi pour ce nombre croissant d’habitants ? Le changement accéléré a un impact sur le coût du logement, la qualité de l’air, l’accès à des espaces publics, ainsi que sur le changement climatique, des sujets qui sont au coeur de l’urbanisme partagé par l’humanité. Comment les 4,4 milliards d’habitants des villes vivent, travaillent et partagent cet espace ? C’est pourquoi le thème « Tout commence à domicile » englobe toutes les dimensions physiques, culturelles, sociales, environnementales et économiques des villes. Il est donc temps de repenser les villes, de redéfinir leur rôle, avec innovation. Lorsqu’on s’attaque à des sujets comme le déplacement forcé, l’avenir des villes doit être réimaginé. La perte de son foyer, les conflits régionaux, le déplacement et les sans-abris, une situation qui n’a jamais été aussi pesante. Le monde est de plus en plus témoin de conflits et les zones urbaines sont au centre de ces conflits. Les villes sont devenues à la fois des champs de bataille et le seul refuge qui reste.

— Le thème du logement n’a jamais été aussi important. Comment le forum abordera-t-il ce sujet complexe ?

— D’après les chiffres de UN-Habitat, 4,4 milliards de personnes vivent, travaillent et souhaitent trouver leur bonheur dans les villes. La crise mondiale du logement touche 2,8 milliards de personnes, créant des situations critiques en matière de logement. La question d’un logement abordable n’a jamais été aussi d’actualité. Le forum tente d’ouvrir un dialogue qui vise à montrer qu’un logement adéquat est réalisable. Nous aborderons le sujet du coût de la localisation, des sources de financement qui permettent d’optimiser le rôle des villes, ainsi que des mécanismes et politiques qui permettent d’autonomiser les habitants et de faciliter leur accès à un logement adéquat. La question du financement est interconnectée à celle de l’accès. Il est donc temps de s’attaquer à la question de la facture urbaine. Aucune région, aucun pays ou aucune ville n’est épargné aujourd’hui par les effets dévastateurs de l’inadéquation du logement. Le forum discutera ainsi de l’utilisation du capital privé pour soutenir le financement et la mise en oeuvre du développement urbain. Les questions de l’accessibilité (création de logements abordables), de la résilience et de la durabilité dans les zones urbaines ne peuvent être abordées sans un financement adéquat. La participation de partenaires de développement, tels que la Banque mondiale, permet de discuter des opportunités d’investissement pour combler les lacunes en matière de financement et d’infrastructure. Les villes ont un potentiel immense pour générer des revenus. Pourtant, de nombreuses villes disposent d’un potentiel qui reste inexploité alors qu’elles offrent d’énormes opportunités. Le forum permet d’explorer des domaines d’expertise et de dialogue, ainsi que de soulever des questions comme l’adaptation des programmes mondiaux aux réalités locales.

— Quels sont les principaux avantages dont bénéficiera l’Egypte par son accueil du Forum urbain mondial ?

— L’organisation par l’Egypte d’un forum d’une telle ampleur revêt une grande importance. C’est une opportunité d’adresser de multiples messages. Tout d’abord, le forum montre que le pays est apte à accueillir les deux plus importantes conférences sur l’agenda de l’ONU en moins de deux ans. Après la COP27 à Charm Al-Cheikh en novembre 2022, l’Egypte accueille la 12e édition du Forum urbain mondial (WUF12). Cela reflète évidemment la confiance accordée par la communauté internationale à l’administration égyptienne et constitue aussi une preuve de la stabilité politique dans le pays. Créé en 2001, le forum est la principale conférence internationale sur le développement urbain, un événement multi-acteurs et un lieu d’échanges d’expériences. Ainsi, le forum est une opportunité pour l’Egypte de montrer au monde ses réformes globales en matière de développement, se traduisant dans divers secteurs, notamment le secteur urbain et l’infrastructure. C’est également une occasion pour l’Egypte d’exposer son expérience dans le développement des zones informelles et la création de logements alternatifs appropriés pour ses habitants. Le forum représente aussi une chance pour l’Egypte de conclure des accords de partenariat importants dans différents domaines avec les organisations internationales participantes. C’est d’ailleurs la première fois que ce forum se tient dans une ville aussi immense que Le Caire, forte d’une population dépassant les 20 millions d’habitants. Le forum est également une occasion pour l’Egypte d’explorer les expériences et les succès d’autres pays dans le secteur urbain qui peuvent, évidemment, nous inspirer.

— Quelle est la particularité de la 12e édition du forum ?

— Ce qui est impressionnant jusqu’à présent, c’est le nombre de participants qui dépasse de loin tous les chiffres des forums précédents. Nous continuons de recevoir des demandes d’inscriptions et nous avons dépassé les 17 000 participants provenant de 174 pays. UN-Habitat a, à elle seule, invité 1 536 membres. 193 chefs de diplomatie seront présents, ainsi que 207 ministres du Logement ou du Développement, gouverneurs et maires, hauts responsables, chefs d’entreprises, représentants d’organisations mondiales, de la société civile, du secteur privé, 59 intervenants et experts, et les chiffres continuent d’augmenter. 131 pays participent à l’exposition organisée en parallèle au forum. Des chefs d’Etat et de gouvernement seront présents au forum. 1 100 activités se dérouleront lors des cinq jours de cet événement, y compris des séances plénières, des dialogues et des tables rondes. Sans compter les expositions urbaines, artistiques, les films et les oeuvres d’art ... L’Egypte a présenté sa candidature en 2022 lors du 11e forum en Pologne pour accueillir la 12e édition. Elle venait de recevoir le prix mondial Scroll of Honour des Nations-Unies, le prix d’urbanisation durable, qui a été accordé à l’Organisme égyptien des sociétés urbaines pour son rôle dans l’amélioration des conditions de vie des habitants et leur accès à un logement adéquat et abordable. 170 villes avaient présenté leur candidature pour organiser le forum.

— Que faut-il attendre de la 12e édition du forum ?

— La 12e édition du forum se veut décisive. Après le dernier forum tenu à Katowice, en Pologne, nous sommes déterminés à en sortir avec des solutions concrètes pour améliorer le cadre de vie dans les villes. Nous souhaitons publier une déclaration finale qui traduise des promesses réalisables. Cela fait plus de 20 ans que le Forum urbain ne s’est pas tenu en Afrique, depuis Nairobi en 2002. Nous voulons également signer des accords de coopération permettant aux entreprises égyptiennes d’explorer de nouveaux marchés mondiaux, ainsi que d’attirer des investissements étrangers dans le pays. Nous nous appuyons sur l’expertise de multiples organismes et participants pour élaborer des politiques de planification urbaine, des mécanismes de financement et d’aménagement du territoire, tout en nous heurtant aux obstacles liés aux changements climatiques et à la croissance démographique. Pourtant, pour l’Egypte, comme cela a toujours été le cas, nous voyons dans chaque défi une opportunité à saisir et non un obstacle.