Entre le hezbollah et israël, la guerre se poursuit sans répit. Au Sud-Liban où les frappes israéliennes s’intensifient et où des villages sont tout simplement dynamités et où des sites de la Finul sont toujours ciblés. A Beyrouth, dans sa banlieue sud, fief du Hezbollah, mais aussi dans d’autres quartiers de la capitale, et dans l’est du pays, dans la région de la Bekaa. Cette guerre, c’est aussi une énorme crise humanitaire avec le déplacement forcé de plus d’un million de chiites du sud du pays, de la banlieue sud de Beyrouth et de la plaine orientale de la Bekaa, en raison des bombardements dévastateurs de l’armée israélienne.
C’est donc une guerre qui touche le Liban dans son ensemble. Et qui remue le couteau dans la plaie. Une plaie toujours ouverte, celle des luttes confessionnelles, de la militarisation du Hezbollah, de la crise économique, de la crise politique et du blocage qui dure depuis plus de deux ans, empêchant l’élection d’un président. C’est dans ce contexte que le médiateur américain Amos Hochstein, désigné pour apporter une solution diplomatique à la guerre entre Israël et le Hezbollah, mais aussi pour faciliter l’élection d’un président libanais, s’est rendu lundi 21 octobre à Beyrouth.
Deux tâches aussi compliquée l’une que l’autre. Pour commencer, les médiateurs s’attèlent à une cessation des hostilités. Pour ce qui est du cessez-le-feu, le Liban réclame une application de la résolution 1701 du Conseil de sécurité, quitte à discuter plus tard des modalités d’un plan qui garantira, dans la durée, la stabilité au Sud-Liban, alors que Tel-Aviv pose des conditions pour la mise en oeuvre de la 1701. Cette résolution, qui a mis fin à la guerre entre le Hezbollah et Israël en 2006, prévoit la cessation des hostilités entre les deux parties et stipule que seuls l’armée libanaise et les Casques bleus doivent être déployés dans le sud frontalier d’Israël.
Au terme de son entretien avec le président du Parlement libanais, Nabih Berry, Hochstein a plaidé pour l’application de cette résolution, affirmant qu’il n’est pas dans l’intérêt des Libanais que leur pays soit lié aux conflits de la région. Il a réaffirmé la détermination de Washington à soutenir le gouvernement libanais dans ses efforts pour rétablir la stabilité dans le pays. Les Etats-Unis veulent mettre fin au conflit « au plus vite », a assuré l’émissaire américain. « L’engagement que nous avons est de résoudre ce conflit sur la base de la résolution 1701 (de l’ONU), c’est à cela que la solution va devoir ressembler », a-t-il ajouté. « La résolution 1701 a réussi à mettre fin à la guerre en 2006, mais (…) personne n’a rien fait pour la mettre en oeuvre », a déploré le responsable américain. Hochstein, qui effectue sa deuxième visite au Liban en deux mois, a également déclaré que « si la résolution reste une base pour mettre fin au conflit, des mesures supplémentaires sont nécessaires pour garantir sa mise en oeuvre de manière juste, précise et transparente ».
Nouveau texte en gestation ?
Ce qui semble confirmer les informations divulguées par le journal libanais L’Orient-Le Jour et selon lesquelles le Conseil de sécurité de l’ONU se dirigerait vers une sorte de 1701 plus, soit une sorte de fusion entre les résolutions 1701 et 1559 (adoptée en 2004, cette dernière appelle au strict respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale, de l’unité et de l’indépendance politique du Liban sous « l’autorité unique et exclusive » du gouvernement libanais). Le texte en gestation appellerait notamment au retrait du Hezbollah du Sud-Liban, à son désarmement et à la restauration de la souveraineté de l’Etat libanais sur l’ensemble de son territoire. Le texte appellerait également à la tenue de législatives anticipées, à l’élection d’un président — dont le poste est vacant depuis maintenant deux ans — et à la formation d’un gouvernement technocrate.
Pour autant, de nombreux analystes estiment qu’un nouveau vote au Conseil de sécurité serait difficile par les temps qui courent, compte tenu des divergences entre les Etats-Unis et la Russie d’un côté et entre les Etats-Unis et la Chine de l’autre.
Les exigences des uns et des autres
La presse libanaise a en outre fait état d’informations selon lesquelles la proposition de l’émissaire américain vise à établir des mécanismes de mise en oeuvre de la résolution 1701 côté libanais, détaillant le déploiement de l’armée et des forces de la Finul, le désarmement du Hezbollah dans le sud du Litani, ainsi que les mesures et procédures nécessaires pour garantir l’absence d’armes illégales et de groupes armés dans la région.
En effet, lors de sa rencontre avec le premier ministre qui gère les affaires courantes au Liban, Najib Mikati, Hochstein a exhorté toutes les parties « à oeuvrer pour parvenir à une formule d’entente sur la manière de mettre en oeuvre cette résolution », alors que Mikati a souligné que « la priorité est le cessez-le-feu et la mise en oeuvre globale et complète de la résolution 1701, car elle constitue le fondement de la stabilité dans la région ».
Selon des responsables israéliens et américains, cités par le site Axios, Hochstein préconise « un déploiement important des forces armées libanaises dans le Sud-Liban, avec au moins 8 000 soldats qui seront stationnés dans la région ». D’après Axios, l’envoyé américain veut aussi « le renforcement du mandat de la Finul, afin d’aider l’armée libanaise à empêcher la présence d’individus ou de groupes armés qui ne sont pas sous le contrôle du gouvernement libanais de se déployer ».
Or, Israël veut plus. Toujours selon Axios, l’Etat hébreu aurait présenté la semaine dernière ses conditions à Washington. Parmi ces conditions, Israël demande que son armée de l’air ait une liberté d’opération dans l’espace aérien libanais et veut s’assurer activement que le Hezbollah ne se reconstitue pas dans le Sud-Liban. Ces demandes sont cependant en contradiction avec la résolution 1701.
Et le Hezbollah dans tout cela ? Pour le moment, le parti reste silencieux et se concentre sur sa guerre avec Israël. Seul Najib Mikati a déclaré sur la chaîne Al-Arabiya que le Hezbollah a accepté les termes de la résolution 1701 et que l’armée libanaise devait avancer ses positions au sud du Litani.
Paris à la manoeuvre, Aboul-Gheit à Beyrouth
Outre les Etats-Unis, la France, qui a toujours joué un rôle de protecteur au Liban, est elle aussi à la manoeuvre. Paris accueille ce jeudi 24 octobre une conférence internationale sur le Liban, qui, au-delà des questions humanitaires, vise à donner les moyens à l’armée libanaise pour « assurer la souveraineté du Liban ». Façon de dire que le Hezbollah doit se retirer. Sur la chaîne LCI, le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, a d’ailleurs mis en garde, lundi 21 octobre, contre un effondrement du pays et le risque d’une « guerre civile imminente ». Paris n’a cependant pas parlé ouvertement des violations israéliennes de la résolution 1701.
Cette résolution, il en a également été question lors de la visite à Beyrouth du secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul-Gheit, le même jour que celle de l’envoyé spécial américain. Ce dernier a appelé à appliquer « à la lettre » la fameuse résolution. « Il est essentiel que le Liban reçoive des garanties qu’Israël ne répétera pas ses attaques » contre le pays, a-t-il poursuivi, avant d’affirmer de « rejeter toute ingérence étrangère sur le sol libanais », en allusion à l’Iran, récemment accusé par Najib Mikati de s’immiscer dans les affaires intérieures libanaises, à cause de propos tenus par son président de la Chambre, Mohammad Ghalibaf, au sujet de l’application de la 1701.
Brouille avec Téhéran
C’est, en effet, une première. Vendredi 17 octobre, Mikati a protesté contre les propos du président du Parlement iranien, Mohammad Ghalibaf, publiés la veille dans une interview, dans lesquels il suggérait que Téhéran serait prêt à négocier un cessez-le-feu avec Paris au Liban sur la base de la mise en oeuvre de la résolution 1701. Une déclaration qui établit l’Iran comme porte-parole du Liban à la place de ses autorités officielles. Dans un communiqué, M. Mikati s’est dit « surpris » par la déclaration faite par le chef du corps législatif iranien dans son entretien avec le quotidien français Le Figaro, qui « constitue une ingérence flagrante dans les affaires libanaises et une tentative d’établir une tutelle inacceptable sur le Liban ». Ce n’est que trois jours plus tard que l’Iran a répondu. « L’Iran n’a jamais eu l’intention de s’immiscer dans les affaires intérieures du Liban et n’a jamais agi de la sorte », a affirmé le porte-parole du ministre iranien des Affaires étrangères.
Autant de donnes qui nous rappellent une fois de plus que le Liban, c’est l’affaire de tous.
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