La 16e édition du Festival international de jazz, financée essentiellement par l’Union européenne, rend un hommage spécial au latino-jazz, mettant en avant sa longue et riche histoire, issue d’un triple héritage : américain, européen (essentiellement portugais) et africain. Et ce, à travers la présence du célèbre chanteur-compositeur et guitariste brésilien Mário Bakuna (le 2 novembre, dans le jardin de l’AUC, centre-ville) et la participation du duo Umbê (le 3 novembre, à l’Ewart Hall).
« Qu’est-ce qu’il y a de mieux que de célébrer 100 ans de relations égypto-brésiliennes, en organisant deux soirées de latino-jazz, lequel combine rythmes latino-américains et harmonies et structures de jazz. Le latino-jazz trouve ses origines dans la musique jazz populaire des Etats-Unis dans les années 1920. Il a commencé à émerger comme un genre à part dans les années 1940, en piochant dans les bas-fonds des grandes villes : la musique des Antilles et des Caraïbes, les musiques cubaine et brésilienne ... Le public cairote apprécie beaucoup cette musique, qui a marqué le cinéma égyptien dans les années 1960 ; on retrouve souvent ses influences dans les bandes sonores des vieux films, notamment la bossa nova et la samba. Ce n’est pas la première fois que le festival invite des artistes brésiliens. Déjà, en 2013, nous avons invité le grand Gilberto Gil, la voix engagée du Brésil, et en 2022, le groupe Olodum, qui lutte contre le racisme et oeuvre au soutien de la communauté afro-brésilienne », indique Amro Salah, pianiste-compositeur et président-fondateur du festival.
Cette année, ce dernier a invité Mário Bakuna, célèbre musicien brésilien basé à Londres, doté de plus de 20 ans d’expérience, qui tient fort à la bossa nova, ce genre musical groovy, issu du croisement de la samba et du cool jazz, qui a émergé vers la fin des années 1950 à Rio de Janeiro. Les accords de sa guitare acoustique lui offrent de nouveaux arrangements plus épurés. De quoi lui insuffler une vie nouvelle, plus éclectique. « Il en fait une musique sans frontières, il navigue du rock au funk, tout en restant sur des rythmes brésiliens », précise Amro Salah.
Diplômé de l’Université libre de musique de Sao Paulo, Bakuna a étudié avec des musiciens tels Olmir Stocker, Roberto Sion et Roberto Bomilcar. Il a ensuite voyagé en Europe, et à travers le Brésil, pour approfondir ses recherches sur la richesse rythmique et harmonique. Cette richesse est issue de chansons forró (musique traditionnelle de la région nord-est du Brésil), baião (rythme de musique populaire et genre de danse de la région Nordeste, au Brésil), xaxado (rythme et danse traditionnelle du nord-est du Brésil), ijexá (rythme afro-brésilien originaire des territoires de la religion afro-brésilienne ou candomblé de Bahia).
« Les exemples de la samba brésilienne, de la cumbia colombienne et du candombe uruguayen sont au coeur de la construction des nations du plus grand laboratoire de métissage : l’Amérique latine. Les déclarations d’indépendance latino-américaines ont créé des Etats marqués par une forte diversité ethnique, culturelle et linguistique. Au XIXe siècle, il a fallu rassembler des populations hétérogènes autour d’une même identité encore inexistante, la musique a été un vecteur essentiel d’unité. Au Brésil, et avec un mélange harmonieux de rythmes africains, de mélodies jouées par une petite guitare portugaise à quatre cordes (cavaquinho) et de paroles inspirées des mythologies indigènes, la samba et la bossa nova, associées, au milieu des années 1960, aux mouvements de contestation sociale qui ont agité le pays ont explicité l’émergence d’une identité commune et ont témoigné de l’intégration des différentes ethnies composant le Brésil », souligne Salah.
A l’aide d’une voix chaude et envoûtante, de la technique finger-picking/classique, Bakuna propose, le 2 novembre, un programme regroupant des oeuvres de plusieurs grands compositeurs comme Marcos Valle, Claudio Bertrami, Gilberto Gil, João Bosco, Dominguinhos et Luiz Gonzaga. Il présentera également des chansons de ses albums Where Rio de Janeiro Meets Bahia (2018) et Brazilian Landscapes (2021). Il jouera avec les musiciens égyptiens Diaa Tass (percussions) et Ihab Tass (basse).
Un duo infernal
Le duo Umbê, composé de Rodrigo Bezerra (guitare électrique) et Larissa Umaytá (percussions), mélange paysages sonores futuristes et rythmes électroniques. Il va de la samba à la bossa nova, de la musique folklorique brésilienne au jazz moderne, en passant par le funk, le reggae, le rock … jouant, entre autres, ses propres compositions : Centopéia, Vida Nova, Antmosférica, Samba Modernista, Samba Quadrado, Perigo, Relax …
La musique « tropicaliste » du duo amalgame tragédies et joies, en évoquant l’histoire coloniale du pays et de toute l’Amérique latine. Les musiciens ont récupéré les héritages musicaux des indigènes et celui des esclaves africains.
Par ailleurs, un film intitulé Samba (Rio de Janeiro) & Jazz (Nouvelle-Orléans) sera projeté le 3 novembre à l’Oriental Hall. Il s’agit d’un documentaire, sorti en 2014, qui plonge dans l’histoire de la samba et ses liens avec le jazz.
Le documentaire Samba & Jazz est un long métrage de 90 minutes, réalisé par Jefferson Mello, qui établit un parallèle entre ces deux cultures, selon une approche polyvalente et sans prétention. Il part à la recherche d’une synergie entre les deux villes dans lesquelles ils sont le plus présents : Rio de Janeiro (Brésil) et Nouvelle-Orléans (Etats-Unis). Et dépeint, à travers des situations insolites, l’expression artistique de ces peuples qui, bien que séparés par des frontières géographiques, partagent un sentiment commun et une même passion pour la musique et ses manifestations populaires qui font évoluer les univers de la samba et du jazz.
Le programme détaillé du festival est disponible sur sa page Facebook « Cairo Jazz Festival », et toutes ses activités se déroulent dans l’ancien campus de l’Université américaine du Caire, entrée rue Mohamad Mahmoud, centre-ville.
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