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Samir Ragheb : Le problème n’est pas la succession de Sinwar, mais les défis qu’affronte aujourd’hui le mouvement

Sabah Sabet , Mercredi, 23 octobre 2024

Quel sera l’avenir politique et militaire du Hamas suite à l’assassinat de son chef, Yahya Sinwar ? Quel sera son rôle futur dans la gouvernance de la bande de Gaza ? Eléments de réponse avec Samir Ragheb, politologue et expert militaire et stratégique.

Samir Ragheb

Al-Ahram Hebdo : L’assassinat de Yahya Sinwar est certainement un coup dur pour le Hamas. Quel en est l’impact et qui sont les potentiels successeurs ?

Samir Ragheb : Après la mort de Yahya Sinwar, le Hamas se trouve de nouveau face à un dilemme : en général, les décisions sont prises par le chef militaire qui se trouve sur le terrain à Gaza et non par le chef politique qui vit en dehors de la bande de Gaza. Sinwar, qui était au champ de bataille, endossait les deux tâches, politique et militaire. Quant aux candidats, il y en a plusieurs : Khalil Al-Hayya, le chef adjoint du Hamas, Mohamad Sinwar, Mahmoud Al-Zahar, Musa Abu Marzouk ou Khaled Mechaal. Ce sont tous des personnalités connues et influentes. Mais le problème n’est pas dans la succession de Sinwar, il réside dans les défis qu’affronte le mouvement.

— Justement, quels sont ces défis et quelle est la situation militaire actuelle du mouvement ?

— La force militaire du Hamas est en jeu, d’autant plus que le mouvement souffre d’un manque de financement. Les combattants du mouvement ne sont même plus en mesure de lancer des roquettes. En plus, l’opération dans laquelle Sinwar a été assassiné reflète à quel point les forces israéliennes se déplacent librement dans la bande de Gaza, d’autant plus que la zone dans laquelle elles ont ciblé le chef de Hamas est située à l’ouest de Rafah, assez loin l’enveloppe de Gaza. D’ailleurs, les forces d’occupation divisent le territoire pour mieux le maîtriser. Maintenant, l’incursion des forces d’occupation n’est plus aussi difficile qu’auparavant. Par contre, c’est le peuple palestinien qui paie toujours le plus lourd tribut.

— Quel impact peut avoir un affaiblissement militaire du mouvement sur sa position politique ?

— Il faut d’abord savoir que le mouvement va poursuivre sa résistance d’une manière plus tactique que stratégique, c’est-à-dire qu’il va s’appuyer sur les opérations d’usure individuelles, à travers des cellules dormantes, et non pas une résistance organisée. Cependant, ce genre d’opérations ne permettra pas de récolter des bénéfices politiques. Le Hamas se trouve donc dans une véritable impasse. Les Israéliens placent la barre plus haut dans leurs revendications, surtout après l’assassinat de Sinwar. Auparavant, le Hamas pouvait se permettre de poser des conditions ou de rejeter certains points dans les discussions.

Le Hamas traverse aujourd’hui une phase difficile, la plus dure depuis sa création. Certes, militairement parlant, il a réalisé plus que ce à quoi on s’attendait par rapport à ses capacités, mais malheureusement, cela n’a pas débouché sur des résultats tangibles sur le terrain.

— Avec cette situation, y aura-t-il une chance pour un règlement politique ?

— Israël ne prend pas du tout au sérieux tout règlement politique et veut récupérer ses prisonniers sans conditions. En plus, l’extrême droite israélienne ne fait pas de la libération des otages une priorité. Quant au Hamas, les otages sont la seule carte qu’il possède, mais il sait que rien ne garantit pour autant qu’Israël respecte un éventuel accord en échange de la libération des otages. A mon avis, avec les difficultés qu’affronte le Hamas sur le terrain et au cas où Israël continuerait de cibler ses leaders, le mouvement pourra se venger en tuant le reste des otages. Au moins, pour asséner un coup dur à Netanyahu et provoquer une grogne populaire à même de renverser le gouvernement.

En plus, quand bien il y aurait un accord, il resterait un autre gros problème : le Hamas est en quelque sorte lié au Hezbollah, qui est intervenu dans ce conflit pour le soutenir.

— Mais la guerre va finir un jour ou l’autre. Comment se fera alors la gestion de Gaza ?

— Israël ne laissera en aucun cas le Hamas diriger de nouveau Gaza. Et il insiste sur le désarmement du mouvement en échange de son existence à la bande. Il y aura peut-être un gouvernement de gestion des affaires courantes ou bien l’Autorité palestinienne prendra le relais. La bande de Gaza sera gérée de la même manière que la Cisjordanie, c’est-à-dire des points de passage contrôlés par les forces israéliennes, des approvisionnements contrôlés par les Israéliens, qui vont ainsi intervenir directement dans la vie quotidienne des Palestiniens.

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