Un tournant dans la guerre, mais pas la fin de la guerre. Tous les observateurs s’accordent à dire que l’assassinat du chef du Hamas, Yahya Sinwar, annoncé jeudi 17 octobre par l’armée israélienne, peut changer le cours du conflit, mais pas forcément y mettre fin. Au lendemain de cette élimination, les dirigeants américain, français, allemand et britannique, réunis à Berlin, ont appelé à une fin « immédiate » de la guerre à Gaza. La réponse d’Israël ne s’est pas fait attendre, que ce soit dans les paroles ou dans les actes. Sur le terrain, aucun répit n’a été observé. « Ce n’est pas la fin de la guerre, c’est le début de la fin », a aussi dit le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, reprenant cette formule de Winston Churchill pour résumer la situation créée par l’élimination de Sinwar, alors qu’il est soumis à des pressions occidentales et internes pour profiter de ce coup dur porté au moral du Hamas et conclure un accord pour un cessez-le-feu à Gaza et une libération des otages.
Car le premier ministre israélien sait parfaitement que les pressions occidentales ne sont que verbales, comme l’explique Dr Ahmed Youssef, analyste au Centre des études arabes et africaines. « La pression exercée sur Israël est inefficace, ce sont juste des paroles. Aucune action concrète n’est prise. Les pays occidentaux, surtout les Etats-Unis, continuent de fournir des armes à Israël. Ils poursuivent leurs aides financières et leur soutien politique à Tel-Aviv », dit-il.
D’où la hardiesse de Netanyahu, qui a réaffirmé que la fin des hostilités à Gaza n’était pas en vue et qu’il ne changerait pas son approche, qui privilégie l’usage de la force sur les négociations. « Ceci est un moment important de la guerre. Nous continuerons d’exercer pleinement la force », a-t-il lancé. « Netanyahu s’accroche à la poursuite de la guerre car pour lui, c’est une question de vie ou de mort en raison des poursuites en justice qu’il devra affronter », estime Dr Sameh Rashed, analyste au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. « Dès le premier jour de la guerre, Netanyahu a fait de la destruction du Hamas son objectif. Aujourd’hui, il exige le désarmement du Hamas et de toutes les factions palestiniennes à Gaza, ainsi qu’en Cisjordanie, en plus de la libération de tous les otages. Netanyahu place la barre très haut dans ses revendications car il sait que le Hamas va sans doute refuser. Et, si le Hamas accepte, ce sera une vraie victoire pour lui, car avec ce désarmement, il contrôlera Gaza et la Cisjordanie », explique-t-il.
Pas de vision précise
Du côté du Hamas, les combattants militaires sur le champ de bataille poursuivent leur combat, même si Israël a réussi à éliminer les dirigeants du groupe, ainsi que de hauts commandants. « Le Hamas a perdu 90 % de ses capacités militaires. On s’attend, dans la période à venir, à des attaques individuelles, des actes de vengeance car l’assassinat de Sinwar a causé un vrai choc dans les rangs du Hamas qui estiment qu’ils n’ont plus rien à perdre », affirme Ahmed Youssef.
Reste une question cruciale : l’avenir de la bande de Gaza. Pour Ahmed Youssef, Netanyahu va poursuivre cette guerre afin de faire pression sur la communauté internationale pour accepter ses exigences en ce qui concerne la gestion de la bande de Gaza. Cependant, jusqu’à présent, Netanyahu maintient le flou sur la manière dont le vide créé par une éventuelle sortie du Hamas pourrait être comblé. Il s’est contenté de rejeter le transfert du pouvoir à Gaza à l’Autorité palestinienne, préconisé par les Américains et les Européens. Aussi, selon les médias israéliens, l’armée israélienne est hostile à une réoccupation militaire permanente de la bande de Gaza, notamment en raison du coût financier et humain.
« Or, malgré les coups durs qu’il a subis, le Hamas ne va ni poser les armes, ni abandonner la gestion de la bande de Gaza si facilement. Le mouvement a d’ailleurs refusé les déclarations du président américain, Joe Biden, qui appelle à la préparation du jour d’après sans le Hamas », estime Youssef.
Les tensions sont donc loin d’être finies. Car, tout simplement, le conflit au Moyen-Orient dépasse de loin la guerre actuelle à Gaza.
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