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L’Egypte comme acteur de la désescalade

Samar Al-Gamal , Mercredi, 23 octobre 2024

Le ministre iranien des Affaires étrangères a été reçu cette semaine au Caire par le président Al-Sissi. Une visite inédite après un froid de plusieurs décennies, alors que la tension est à son comble dans la région.

L’Egypte comme acteur de la désescalade

Le chef de la diplomatie iranienne, Abbas Araghchi, déjà en tournée dans les capitales de la région, a fait une escale le jeudi 18 octobre au Caire pour des pourparlers de haut niveau avec des responsables égyptiens, marquant un tournant dans des relations tendues depuis la chute du Shah en 1979. Cette visite diplomatique rare, la première d’un responsable iranien en 12 ans, intervient alors que le Proche-Orient est au bord d’un conflit plus large, dans une dynamique de plus en plus volatile entre Israël et l’Iran. Téhéran compte sur le rôle de stabilisateur et de médiateur du Caire en faveur de la sécurité dans la région, un rôle qu’Araghchi a salué durant sa visite.

« L’ouverture de l’Iran envers l’Egypte, un acteur-clé de la région avec des liens forts à la fois avec Israël, les Etats-Unis et les pays du Golfe, signale un effort stratégique de Téhéran pour apaiser les tensions et éviter une confrontation totale », explique une source diplomatique au Caire. Les relations égypto-iraniennes ont connu une amélioration significative ces dernières années après des décennies de tensions depuis la Révolution islamique en Iran et le traité de paix entre l’Egypte et Israël en 1979. En 2023, les efforts diplomatiques ont été revitalisés, conduisant à une série de réunions de haut niveau, signalant l’intention des deux nations de normaliser leurs relations, notamment après le début de la guerre israélienne à Gaza, et le ministre des Affaires étrangères, Badr Abdelatty, avait rencontré son homologue iranien à New York lors de l’Assemblée générale des Nations-Unies et ils ont eu plusieurs échanges téléphoniques depuis la nomination d’Araghchi en tant que nouveau ministre des Affaires étrangères.

Eviter l’embrasement

La visite d’Araghchi au Caire s’inscrit dans le cadre de cette tournée plus large visant à éviter une frappe militaire israélienne importante contre des cibles iraniennes, en réponse au lancement de missiles iraniens contre Israël, une attaque qui est elle-même une riposte à des assassinats israéliens de commandants iraniens en Syrie, ainsi qu’à ceux du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, à Beyrouth, et du Hamas, Ismaïl Haniyeh, à Téhéran. L’Iran est parfaitement conscient qu’une frappe israélienne est imminente et qu’il ne peut l’empêcher, mais il travaille à en modifier la nature pour pouvoir la supporter, explique l’ancien assistant du ministre des Affaires étrangères, Mohamed Hegazi, dans un entretien avec l’Hebdo.

Le haut diplomate iranien cherche à convaincre qu’un conflit élargi avec Israël déstabiliserait toute la région. Selon le diplomate égyptien, « Israël a des objectifs militaires en Iran, avec lesquels l’Iran peut coexister ou s’accommoder. Mais il y a aussi un autre objectif qui est d’attaquer les installations pétrolières, ce qui affecterait les approvisionnements en énergie pour l’Europe, car l’Iran est actuellement un facteur de stabilité sur le marché pétrolier mondial, alors que la guerre en Ukraine se prolonge depuis quatre an », explique Hegazi.

Une attaque contre l’Iran et son éviction du marché pétrolier entraîneraient une perturbation des prix du pétrole et de la sécurité américaine à la veille de l’élection présidentielle, d’où le désir de maintenir les événements loin des raffineries de pétrole iraniennes. Hegazi ajoute qu’un autre objectif stratégique est « l’élimination du programme nucléaire iranien et la prise de contrôle du pétrole iranien, à l’instar de ce qui a été fait en Iraq. Un objectif stratégique, mais qui n’est pas nécessairement immédiat ».

« Bien que Le Caire ait longtemps pris le parti de l’Arabie saoudite et des monarchies du Golfe contre les ambitions régionales de l’Iran, il est maintenant propulsé au centre des efforts pour désamorcer la crise croissante », explique la source. Le Caire est en position de jouer un rôle-clé de médiation, bien qu’il demeure méfiant à l’égard des milices armées dans la région.

« Le Caire est l’un des piliers de la région, la capitale la plus influente, et dispose d’une crédibilité dans la région, ainsi que de canaux de communication avec Israël, lui permettant de transmettre des messages sensés aux Américains, Israéliens et aux autres parties », estime Hegazi. « Il est certain qu’elle a fait part à l’Iran de l’importance de contrôler ses acteurs et de dépasser les réactions aux limites que chaque partie peut supporter », ajoute-t-il.

La visite d’Araghchi en Egypte s’inscrit dans un effort diplomatique plus large visant à empêcher le conflit de dégénérer. Ces dernières semaines, Le Caire a également accueilli des dirigeants-clés du Golfe, dont le prince héritier saoudien, Mohammed bin Salman, et le président des Emirats arabes unis, Mohammed bin Zayed. Al-Sissi a clairement fait savoir que son objectif principal était la désescalade.

Outre la situation alarmante à sa porte est à Gaza, l’Egypte est particulièrement préoccupée par les implications économiques et sécuritaires d’une guerre régionale plus large. La perturbation du trafic dans le Canal de Suez, une voie maritime cruciale pour le commerce mondial, qui a déjà été visée par des attaques des rebelles houthis alignés sur l’Iran au Yémen, a entraîné une baisse significative des revenus du canal, ajoutant une instabilité à l’économie du pays.

L’Egypte a déjà engagé des médiations avec les Israéliens pour un cessez-le-feu à Gaza, tout en travaillant avec les factions palestiniennes, dont le Hamas et le Fatah, sur des arrangements de partage du pouvoir qui pourraient permettre à l’Autorité palestinienne de reprendre le contrôle de Gaza.

Vue du Caire, la solution passe par Gaza. Lors de cette rencontre, le président Abdel Fattah Al-Sissi a réitéré l’appel de l’Egypte à une désescalade pour éviter de plonger la région dans une guerre totale, qui pourrait avoir des conséquences dangereuses pour tous les pays et peuples de la région. Il a souligné « l’importance de poursuivre et d’intensifier les efforts internationaux pour obtenir un cessez-le-feu à Gaza et au Liban, ainsi que pour arrêter les violations et l’agression en Cisjordanie ». Le chef du Shin Bet, le service de renseignements israélien, était dimanche au Caire pour la deuxième fois en moins d’une semaine pour des entretiens avec les responsables égyptiens sur un potentiel accord de cessez-le-feu à Gaza.

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