Alors qu’ils étaient en plein milieu de leurs vacances parlementaires, les députés de la commission législative ont achevé la formulation des éléments du nouveau code de procédure pénale tant attendu par une large partie de la société. Leur objectif est de préparer ce projet de loi pour qu’il soit examiné par les députés durant le mois d’octobre, date de la reprise des séances de la Chambre des députés, en vue de sa promulgation finale. Cependant, la formulation actuelle du projet de loi ne semble pas satisfaire plusieurs syndicats professionnels, tels que ceux des journalistes, des avocats et des juges, ainsi que plusieurs membres du Dialogue national, qui n’ont pas manqué d’exprimer leurs réserves. Mais cette semaine, le Parlement a entamé sa cinquième et dernière session et doit réviser le projet de loi qui a suscité une grande controverse.
Dialogue social
En exprimant ses objections, le syndicat des Journalistes a préparé un bilan de 44 articles du projet de loi, établi par des experts et des avocats, qui ont réclamé des amendements. « Le syndicat a recommandé de soumettre le projet de loi à un dialogue social et à un examen plus approfondi avant sa promulgation », a déclaré à l’Hebdo le président du syndicat des journalistes, Khaled El-Balshy, qui a souligné que plusieurs articles doivent être révisés. Il a affirmé que « malheureusement, le projet de loi ne réalise pas l’équilibre entre le respect des libertés et l’efficacité de la sanction pénale, qui est l’un des principaux fondements de cette loi très importante, considérée comme la deuxième Constitution de l’Etat ». El-Balshy précise que parmi les articles qui touchent les journalistes se trouve l’article 266. Cet article stipule que les audiences des tribunaux ne peuvent être diffusées ou enregistrées sans l’autorisation écrite du juge, après consultation avec le ministère public. « Cet article est un exemple parmi plusieurs autres qui doivent absolument être reformulés, car il entrave gravement le travail des journalistes », explique-t-il.
De leur côté, des organisations non gouvernementales, comme le Centre arabe pour l’indépendance du pouvoir judiciaire et des professions juridiques, ont présenté un document détaillant les articles nécessitant des amendements.
Les objections des avocats
Le syndicat des Avocats a également été l’un des premiers à émettre des objections au projet de loi sur les procédures pénales. Dans un communiqué, le syndicat a critiqué l’article 72 du nouveau projet de loi, qui interdit aux avocats de présenter des documents de défense sans l’autorisation du ministère public, affirmant que cela porte atteinte au droit à la défense.
Après plus de 74 ans, le gouvernement a présenté au Parlement des amendements au code de procédure pénale impliquant la modification de 365 articles sur un total de 540. Le projet de loi doit reposer sur les principes de la présomption d’innocence, le respect du droit de la défense et les garanties judiciaires durant les différentes phases de l’interrogatoire de l’accusé. Ces phases commencent par l’enquête effectuée par la police sous le contrôle du Parquet général, jusqu’à l’annonce du jugement. Cependant, le syndicat des Avocats ne croit pas que le projet de loi garantisse ces principes, souligne le document préparé par le barreau. Ainsi, l’avocat Nasser Amin explique que « bien que cet amendement soit important pour mettre en oeuvre les articles de la Constitution qui y sont liés, le résultat n’est pas satisfaisant ». Selon lui, le projet de loi n’a pas pu garantir le rôle des avocats et leur droit à la défense en imposant des restrictions aux avocats chargés de défendre et de représenter les intérêts de leurs clients.
Amin ajoute que l’article 105 enfreint également les garanties accordées aux avocats. L’article 105 du projet stipule que l’avocat de l’accusé doit pouvoir examiner l’enquête au moins un jour avant l’interrogatoire ou la confrontation, à moins que le procureur n’en décide autrement. Amin se demande : « Quelles normes pourraient être respectées après avoir privé le défenseur de l’accusé de son droit d’examiner les documents ? Comment l’avocat peut-il jouer son rôle sans consulter les documents nécessaires ? ». Ces détails doivent absolument être reformulés ; sinon, les amendements ne serviront à rien, conclut-il.
Les pouvoirs du Parquet en question
Le projet de loi a également élargi les pouvoirs du Parquet général par rapport au juge d’instruction. Amin explique que le ministère public a pris 20 % des pouvoirs du juge d’instruction dans le projet de loi par rapport à la loi actuelle. « Cela peut conduire à de graves violations et rendre difficile pour les accusés d’obtenir un procès équitable. Le procureur général représente le ministère public et l’Etat, donc il est toujours du côté de l’accusation, tandis que le juge d’instruction mène ses enquêtes à charge et à décharge contre les personnes suspectées. Le procureur dirige également la police judiciaire et décide des poursuites à engager, tandis que le juge d’instruction intervient lorsque l’affaire est complexe ou sensible et qu’il faut garantir les droits de la défense. Cela dit, le procureur n’est pas indépendant du pouvoir exécutif, contrairement au juge d’instruction qui est un magistrat du siège », ajoute-t-il.
Amin donne également l’exemple de l’article 116, qui octroie uniquement au procureur général et non aux membres du ministère public le pouvoir, dans certains crimes notamment ceux liés à la corruption ou à l’espionnage, d’ordonner par ordonnance motivée, pour un délai de 30 jours, la surveillance des réseaux sociaux et des messageries. Dans la loi actuelle, c’est le rôle du juge d’instruction, ce qui offre plus de sécurité.
Un autre exemple est l’article 64. « L’accusé, dans la loi actuelle, peut faire appel à la présence d’un juge d’instruction durant les enquêtes s’il n’a pas confiance en un membre du ministère public. Ce droit a été supprimé dans le nouveau texte. En plus, l’article 62 octroie au procureur adjoint le pouvoir de mener seul une enquête sur un procès. Ce procureur est un nouveau diplômé et n’a pas d’expérience », affirme Amin.
La détention provisoire
Pendant plusieurs années, un grand nombre de prisonniers ont été détenus provisoirement sans enquête pour une durée dépassant deux ans, souvent sans la présence de leurs avocats. La détention provisoire est renouvelée automatiquement, parfois sans raisons et sans se baser sur de nouvelles informations. Il s’agit de l’une des principales recommandations du Dialogue national, qui a appelé à la révision des articles organisant la détention provisoire dans le code de procédure pénale. « Le projet de loi a diminué la durée de la détention provisoire, passant de deux ans à 18 mois, mais l’accusé doit être sous surveillance et est interdit de voyager sans qu’une période limitée soit indiquée », explique l’activiste et membre du Dialogue national Negad El-Boraï.
Le Parlement se veut rassurant
Le Parlement s’est, de son côté, montré rassurant envers ces critiques. Dans un communiqué publié, la Chambre des députés a assuré que « le Parlement reste ouvert à l’examen de tout amendement que certains pourraient juger nécessaire au nouveau projet du code de procédure pénale, pour autant qu’il vise à mettre en place un système judiciaire efficace et qu’il s’efforce de promouvoir les droits et libertés publics, l’objectif commun restant d’atteindre la justice et d’assurer la protection des droits de chacun ».
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