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Néfertiti au coeur du débat

Nasma Réda, Mercredi, 18 septembre 2024

Restituer le buste de la reine Néfertiti, actuellement exposé au Neues Museum, à Berlin, fait l’objet d’une nouvelle campagne lancée par l’égyptologue Zahi Hawas. Une affaire de plus dans l’interminable débat autour du retour des pièces exceptionnelles.

Néfertiti au coeur du débat

Le 8 septembre, le célèbre égyptologue et ancien ministre des Antiquités, Zahi Hawas, a lancé une pétition internationale pour rapatrier le buste de la reine Néfertiti exposé au Musée de Berlin. Une annonce qui a suscité l’espoir de pouvoir restituer quelques-unes des pièces égyptiennes, dont le nombre dépasse le million, éparpillées dans différents musées du monde. « Je m’adresse à vous au nom des Egyptiens — et au nom de tous ceux qui réclament le retour des pièces égyptiennes chez elles — afin de soumettre une demande officielle au gouvernement allemand de récupérer le buste en calcaire peint de Néfertiti, exposé au Musée de Berlin », a annoncé Hawas au public lors d’un séminaire tenu, au Palais de l’émir Taz situé au Caire fatimide, par le salon culturel portant le nom « Néfertiti » la veille du lancement de sa campagne.

« Découvert le 6 décembre 1912 à Amarna par l’archéologue allemand Ludwig Borchardt, ce buste, remarquable et unique, a quitté l’Egypte d’une manière illégale pour être ensuite caché dans la maison de son expéditeur en Allemagne. Dix ans après, le buste a été dévoilé et exposé au Musée de Berlin », a rappelé Hawas, insistant sur le fait qu’« il était temps qu’il rentre en Egypte ». Hawas a précisé avoir commencé le processus de demande de restitution du buste de Néfertiti de même que celle de la pierre de Rosette en 2011. Mais le déclenchement de la Révolution de Janvier, l’attaque du Musée égyptien du Caire et le pillage de 52 pièces antiques ont empêché d’accomplir les demandes justifiées de leur retour.

A noter que Hawas a lancé en 2022 une campagne internationale pour le retour de la pierre de Rosette exposée au British Museum au Royaume-Uni et a rassemblé près de 300 000 signatures, alors que Hawas tablait sur un million. Selon lui, cette campagne a attiré l’attention du président de la République qui a envoyé, il y a quelques mois, une lettre officielle au ministère du Tourisme et des Antiquités pour s’informer des résultats de cette pétition.

Des exemples prometteurs

« Le retour de ces deux pièces emblématiques en Egypte serait une reconnaissance importante de l’engagement des musées occidentaux à décoloniser leurs collections », a souligné Hawas, signalant que l’Egypte n’est pas le seul pays ayant demandé le retour de ses pièces, mais que l’affaire touche un grand nombre de pays réclamant le rapatriement de leur patrimoine culturel. « L’Egypte n’est pas une exception, la Grèce, le Sénégal, le Congo ont tous fait des demandes de récupération de pièces. Il y a, en effet, maints exemples », a-t-il déclaré, appelant la communauté internationale à exiger le retour du buste de la reine Néfertiti en signant et en partageant cette pétition. Avis partagé par l’égyptologue Monica Hanna, ajoutant que même les pièces sorties du pays pendant la période de colonisation doivent être restituées.

En tant que professeure d’archéologie, Hanna travaille avec ses étudiants à collecter les documents nécessaires concernant la pierre de Rosette, exposée au British Museum, des archives nationales égyptiennes, ainsi que le buste de la belle reine Néfertiti. « On a trouvé toutes les anciennes lettres et les documents signés par les dirigeants ottomans, français et anglais. Ce sont tous des colonisateurs », assure-t-elle, ajoutant que « cet échange est fait entre ceux qui ne possèdent pas et ceux qui ne le méritent pas ». A savoir que Hanna a elle aussi lancé, il y a un an, une campagne pour la restitution de la pierre de Rosette. Si son équipe parvient à récupérer cette pièce rare, elle poursuivra le travail afin de restituer toutes les pièces rares sorties de manière illégale, dit-elle.

Comme Hawas, Hanna cite les cas d’autres pays, à l’exemple de la Grèce qui a fait à plusieurs reprises des demandes de restitution des marbres du Parthénon exposés au British Museum et considérés comme l’un des trésors les plus contestés au monde. Plusieurs pays ont réussi à récupérer des pièces antiques de leurs anciens colonisateurs. A l’instar du Quai Branly à Paris, qui a restitué en 2021 au Bénin une collection de 26 trésors royaux pillés au palais d’Abomey par les forces françaises en 1892. La France s’est également engagée à rendre des oeuvres au Sénégal, à la Côte d’Ivoire et à Madagascar. Aussi, le gouvernement belge a accepté de restituer à la République Démocratique du Congo (RDC), son ancienne colonie, des milliers d’objets culturels dont la plupart se trouvent au Musée royal d’Afrique centrale, acquis abusivement, particulièrement lors des violences commises entre 1885 et 1908. De même, en Grande-Bretagne, l’Université de Cambridge a restitué au Nigeria une statue en bronze volée par les troupes britanniques en 1897.


Le Zodiaque du temple de Dendara exposé au Louvre à Paris.

De faux prétextes

L’idée de récupérer les pièces n’est pas nouvelle chez Hawas. Elle remonte à 2005 quand il était encore secrétaire général du Conseil Suprême des Antiquités (CSA). Il avait alors déposé une demande officielle lors d’une réunion du comité du patrimoine mondial de l’UNESCO, réclamant la récupération de cinq monuments égyptiens exposés dans des musées étrangers et a montré, lors de son discours, comment l’Egypte a été privée de cinq éléments de grande importance du patrimoine culturel du pays qui devraient être remis à leur patrie. Il s’agissait alors du buste de Néfertiti, de la pierre de Rosette, de la statue d’Hémiounou, connu comme étant l’architecte de la grande pyramide, exposée au Musée allemand Roemer et Pelizaeus de Hildesheim, du Zodiaque du temple de Dendara au Louvre à Paris et, finalement, du buste du constructeur de la pyramide de Khéphren, Ânkhkhâf, conservé au Musée des beaux-arts de Boston.

Hawas révèle que « ses précédentes demandes » ont été refusées, parfois injustifiées et des fois par souci que les Egyptiens ne peuvent pas garantir la protection de leurs trésors antiques ou parce que l’Egypte ne possède pas d’endroits convenables où déposer ces pièces. « Avec la fondation du Musée national de la civilisation de Fostat et la prochaine inauguration du Nouveau Grand Musée égyptien (GEM), tous les arguments seront éliminés », assure Hawas, signalant que surtout le GEM attend le retour non seulement de la pierre de Rosette, mais en plus du buste de Néfertiti et du Zodiaque de Dendara.


La pierre de Rosette, exposée au British Museum.

 A savoir qu’il y a deux ans, un comité a été formé par le ministère du Tourisme et des Antiquités, regroupant des archéologues, des juristes et des diplomates, dans le but de soutenir cette cause. Suite à la formation de ce comité, Hawas a demandé au ministère d’attacher de l’importance à la pétition et à la campagne de restitution des pièces, en sensibilisant les grands musées et le grand public. Il a aussi fait une demande afin d’organiser une conférence internationale pour la restitution des pièces antiques uniques. Il vise la participation des pays touchés pour demander quelques changements dans la Convention de l’Unesco de 1970. « Je discute actuellement avec le Mexique, ainsi qu’avec d’autres pays, les moyens d’organiser cette conférence internationale en présence de l’UNESCO », a-t-il conclu.

*Lien de la pétition de Zahi Hawas  

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