Il aura fallu plus de deux mois après les législatives pour que le président français, Emmanuel Macron, trouve un premier ministre. Pas pour que la crise politique ne se résolve. Michel Barnier, ancien ministre de droite et ex-commissaire européen, nommé jeudi 5 septembre, est censé « constituer un gouvernement de rassemblement au service du pays », comme l’a dit l’Elysée. Mais la tâche s’annonce pour lui aussi ardue qu’elle a été pour Macron de le choisir à la tête du gouvernement, après de longues et difficiles tractations.
Aussitôt nommé, le nouveau premier ministre français a promis « changements » et « ruptures » et a dit souhaiter former un gouvernement d’ouverture pour rassembler le pays et ouvrir la table des négociations « à tous ceux qui le voudront », sans exclure la participation de personnes venues de la gauche. Un gouvernement qui ne soit pas seulement de droite. Et depuis sa nomination, il multiplie les rencontres avec les différentes forces politiques pour former son équipe. Une mission difficile. Michel Barnier se sait déjà en sursis dans un pays très divisé depuis les élections législatives. C’est pourquoi il a notamment rencontré la présidente du Parlement français, Yaël Braun-Pivet. Une visite loin d’être anodine : dans le contexte actuel de majorité introuvable au Parlement, Yaël Braun-Pivet est véritablement un personnage-clé pour faire passer les textes du gouvernement. Mais Barnier aura d’abord à former une équipe et trouver les bons équilibres pour ne pas tomber à la première motion de censure. C’est là le plus grand défi de Michel Barnier.
Or, d’ores et déjà, il ne fait pas l’unanimité au sein de la classe politique. Furieuse, la gauche, première force de l’Assemblée qui réclamait le poste, fustige un « premier ministre nommé avec la permission » de l’extrême droite. Elle dénonce « un défi démocratique à son apogée », selon les termes du patron des socialistes, Olivier Faure. Plus virulent, le chef de file de la gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon, a affirmé que l’élection avait été « volée aux Français », et cette nomination conforte sa démarche de destitution contre Emmanuel Macron. Les militants de gauche se sont par ailleurs mobilisés dans une journée de manifestations à travers la France, samedi 7 septembre. Pire encore, Olivier Faure a confirmé que la gauche déposera une motion de censure suite à cette « trahison démocratique » par rapport au résultat des législatives où la gauche était arrivée en tête.
Quant au parti d’extrême droite, le Rassemblement National (RN), il a annoncé qu’il ne participera pas au gouvernement Barnier et qu’il a « posé des conditions ». Le RN a affirmé qu’il ne votera pas de censure sauf si « le premier ministre s’éloignait terriblement de (ses) attentes » sur le pouvoir d’achat, l’immigration, l’insécurité ou l’instauration de la proportionnelle, selon son vice-président Sébastien Chenu.
Un positionnement qui fait dire à de nombreux analystes que le RN est désormais le « faiseur de rois ». C’est dire que malgré la victoire de la gauche grâce à la création du Nouveau Front Populaire, une coalition des partis de gauche fondée en juin dernier à la veille des législatives pour faire front à l’extrême droite, celle-ci n’a pas encore dit son dernier mot.
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