L’Egypte veut produire 28 GW d’électricité supplémentaires à partir des énergies renouvelables d’ici 5 à 7 ans. (Photo : AP)
« Le gouvernement a de nouveaux objectifs à réaliser en matière d’énergies renouvelables. Nous avons mis en place une nouvelle feuille de route énergétique », a déclaré le premier ministre, Mostafa Madbouly, lors d’une réunion cette semaine avec le Haut Conseil de l’énergie, visant à mettre à jour la stratégie énergétique intégrée et durable 2040. « Etant donné les changements en Egypte et dans le monde liés au secteur de l’énergie, ainsi que l’apparition de nouvelles technologies comme l’hydrogène vert et l’arrêt de l’usage du charbon, il était indispensable de changer la composition du mix énergétique. Nous voulons produire 28 GW d’électricité supplémentaires à partir des énergies renouvelables d’ici 5 à 7 ans », a ajouté le premier ministre. L’objectif du gouvernement est d’augmenter la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique à 65 % d’ici 2040 au lieu de 42 % dans la stratégie 2035.
Wafa Ali, experte en énergie, explique que pour réaliser ce plan ambitieux, le gouvernement a un objectif à court terme et un autre à long terme. « A court terme, le gouvernement souhaite produire 3 à 4 GW d’électricité supplémentaires à partir des énergies renouvelables afin de combler le déficit en approvisionnement énergétique d’ici l’été prochain. Alors que sur le long terme, il veut combler les besoins énergétiques du pays dans un contexte de baisse de la production du gaz naturel et d’expansion des projets d’interconnexion électrique et d’exportation de l’électricité », explique-t-elle.
Pour Hafez Salmawy, expert en énergie et l’un des concepteurs de la nouvelle stratégie, seules les grandes lignes du nouveau plan gouvernemental ont été annoncées. « Celui-ci vise à réguler l’usage du pétrole et du gaz comme combustibles. Le gouvernement a plusieurs objectifs. Il s’agit d’abord d’introduire des changements sur l’ancienne stratégie 2035, où le charbon faisait partie du mix énergétique. Alors que dans la nouvelle stratégie, il n’est plus une option. La part visée des énergies renouvelables dans le mix énergétique dans l’ancienne stratégie était de 42 %. Alors que dans la nouvelle stratégie, cette part atteindra 65 %. Si nous ajoutons les énergies générées par la centrale nucléaire (lorsque celle-ci entrera en fonction), nous aurons 8 ou 9 % en plus et la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique se situera donc autour de 74 ou 75 % », précise l’expert.
Le deuxième objectif est de remplacer une partie du gaz naturel après 2032 par l’hydrogène vert. Selon la stratégie de l’hydrogène vert qui vient compléter la stratégie énergétique, et qui a été adoptée récemment, le prix de l’hydrogène vert en 2040 sera inférieur à celui du gaz naturel. La production de l’hydrogène vert sera de 3 millions de tonnes d’ici 2026 et l’Egypte s’accaparera entre 5 et 8 % du marché mondial de l’hydrogène vert.
Le troisième objectif est d’accélérer la production des véhicules électriques. « Les véhicules anciens seront orientés vers le gaz naturel alors que les nouveaux seront électriques. En 2040, nous prévoyons qu’il y aura 1,9 million de véhicules électriques en Egypte, contre un total de 7 millions fonctionnant au carburant », explique-t-il. Et étant donné la pénurie de gaz, certaines activités seront orientées vers l’électricité, surtout dans les secteurs industriel et commercial.
Incitations gouvernementales
Le gouvernement égyptien accorde un grand intérêt à la transition vers les énergies renouvelables et a l’intention d’attirer des Investissements Etrangers Directs (IED) de l’ordre de 34 milliards de dollars d’ici 2027, selon le site d’informations économiques spécialisé Enterprise.Pour attirer les investissements vers ce secteur vital, le gouvernement propose des incitations aux investisseurs. Cela inclut, selon le ministère de l’Electricité, la suppression des frais de raccordement au réseau électrique pour les entreprises qui produisent moins de 10 MW d’énergie par an. Selon un communiqué de presse publié par le premier ministre, « des terrains d’une superficie de 42,6 km2 ont déjà été alloués aux projets d’énergies renouvelables et des études sont menées sur leur impact environnemental ».
D’autres incitations comprennent notamment l’octroi de terrains pour l’établissement de projets solaires et éoliens en échange de 2 % de l’électricité produite annuellement, ainsi que la réduction des droits de douane de 5 % des pièces de rechange des centrales solaires et éoliennes au lieu de 2 %. Il y a aussi une diminution de la taxe sur la valeur ajoutée à 5 % au lieu de 14 % et l’obtention par l’investisseur d’une licence pour produire l’électricité au profit de l’Autorité de régulation des services publics d’électricité. Enfin, le gouvernement entend augmenter la hauteur limite des éoliennes produisant de l’électricité à 220 mètres, ce qui permettra d’accroître la faisabilité économique des projets.
Ce qui retarde les projets, ce sont surtout les garanties dites « souveraines » accordées aux investisseurs dont l’attribution nécessite beaucoup de temps. « C’est ce qui compte le plus pour l’investisseur. C’est un engagement gouvernemental au-delà des contrats signés. Les projets énergétiques ne seront mis en place que si l’Etat donne aux investisseurs des garanties contre certains risques comme les risques politiques », analyse Salmawy. Et d’ajouter que l’Egypte a une bonne réputation en ce qui a trait à ce genre de garanties. « Les garanties fournies par le gouvernement égyptien sont considérées comme acceptables et satisfaisantes par les investisseurs », affirme-t-il.
Un dernier point est évoqué par Salmawy. Il s’agit des problèmes économiques qui pourraient apparaître d’ici 2040. « La nouvelle stratégie doit faire l’objet d’un suivi continu et d’une réévaluation tous les cinq ans, surtout en cas de changements géopolitiques pouvant affecter l’économie égyptienne comme la guerre d’Ukraine. N’importe quel changement majeur sur le marché nécessitera une révision de la stratégie. Rappelons par exemple que dans la stratégie de 2015, l’hydrogène vert n’était pas un enjeu et que les prix de l’énergie solaire ont chuté de 77 % depuis 2015 et ceux de l’énergie éolienne de 22 %. Il faut prendre en considération toutes ces évolutions », conclut-il.
L’énergie propre, ultime objectif
Pour produire 28 GW d’électricité en plus d’ici 5 à 7 ans, le gouvernement a décidé de faciliter et d’accélérer la construction des centrales solaires et éoliennes. Ainsi, la construction d’un parc éolien capable de générer 10 GW d’électricité a été lancée. Celui-ci sera établi par la compagnie saoudienne d’énergies renouvelables ACWA en vertu d’un protocole d’accord signé avec l’Autorité égyptienne des énergies nouvelles et renouvelables.
Par ailleurs, les sociétés Infinity Power, Hassan Allam Utilities et l’émiratie Masdar construiront à Sohag un parc éolien d’une valeur de 11 milliards de dollars pouvant générer 10 GW d’électricité. Ce parc sera l’un des plus grands au monde et le plus grand d’Afrique. Et la compagnie Scatec entend investir 5,7 milliards de dollars pour construire un parc éolien pouvant générer 5 GW d’électricité. Le géant local Orascom Construction, avec une filiale du français Engie et le japonais Eurus Energy construiront un projet éolien pouvant générer 3 GW d’électricité. Enfin, une centrale solaire de 500 MW a été construite par la société émiratie Al-Nowais à Kom Ombo et un parc solaire d’une capacité de 3 GW d’électricité est en train de voir le jour.
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