La superstar de la musique trap en Egypte, Marwan Pablo, est chanteur, parolier et producteur. Cet Alexandrin de 29 ans a popularisé ce genre musical en Egypte et dans le Moyen-Orient. Son vrai nom étant Marwan Ahmed, il s’est fait appeler Pablo en référence à Pablo Picasso ou peut-être Pablo Escobar !
Son nouvel opus, sorti le 15 août dernier, ayant pour titre PRJKTBLUBEAM, s’inscrit toujours dans une lignée de musique techno rafraîchissante, d’une intensité acoustique maximisée. Ses paroles ont eu l’effet d’une bombe sur les plateformes de streaming musical.
L’affiche de l’album montre le portrait flouté d’un homme, quelqu’un photographié en vitesse. De quoi correspondre à la trap, cette musique issue du rap « Dirty South » américain.
PRJKTBLUBEAM renferme quatre chansons d’une grande variété lyrique, mettant en avant des thèmes et des paroles assez osés, lesquels suscitent beaucoup d’enthousiasme, notamment chez les jeunes de moins de 25 ans. Il sait plaire à cette génération qui désire briser les codes, combattre les conservatismes de tous bords, aimer autrement … Et aborde des sujets divers et sensibles, inspirés de la vie quotidienne : des relations amoureuses déséquilibrées, amitié toxique, affaires politiques, etc.
Les quatre chansons sont : Déjà Vu, RHLFRĖ (Roh Al-Fariq, ou l’esprit de l’équipe), BŃŅIT (bonne nuit) et BBLŞH (Bebalach, sans payer un sou). Des titres basés sur des jeux de mots mixant l’arabe et l’anglais.
Produite par Lecha Beats, la chanson Déjà Vu parle d’un amour transgressant les conventions sociales et défiant les normes établies, à la recherche de nouvelles formes de connexion humaine. C’est la chanson la plus réussie de l’album qui a atteint plus de 979,379 millions d’écoutes (jusqu’à présent) en streaming, avec ses basses vrombissantes, ses hi-hats mécaniques et ses caisses claires. En installant doucement mais sûrement la dénonciation, Pablo invite, à sa manière, tout jeune couple à trouver un bon équilibre.
Aux tempos très rapides, aux rythmes agressifs, aux cuivres inquiétants, sur de sombres mélodies aussi brutales que captivantes, se joue la chanson RHLFRĖ (Roh Al-Fariq, l’esprit d’équipe). Marwan Pablo ironise l’amitié toxique ; un jeune souffre de déséquilibre émotionnel, manque de confiance en lui et, du coup, empoisonne la vie de ses amis.
Dans BŃŅIT (bonne nuit), le tempo est plus accéléré. Les kicks deviennent plus brutaux. Les mélodies se revêtent de sonorités graves … La chanson revêt une ambiance électronique, chaotique et menaçante, exprimant la souffrance qu’on subit au travail. Le rappeur semble raconter sa propre histoire et propose comment s’en sortir.
« Dans le passé, mon style était libre. Maintenant, rien n’est gratuit », chante Pablo dans la quatrième chanson BBLŞH (Bebalach, gratuitement). L’argent est placé au coeur des crises actuelles. Le rappeur s’exprime avec plus de virulence.
Le timbre clair et brillant de sa voix, suivant de près la mélodie, ainsi que ses paroles pertinentes sont souvent « dérangeants » ; ils font écho aux sujets turbulents.
En quête d’un nouveau monde
Marwan Pablo s’inspire dans le choix du titre de la théorie du complot du théoricien canadien Serge Monast, ou le « Blue Beam Project ». Dans PRJKTBLUBEAM, il ne s’agit pas d’établir un nouvel ordre mondial à la manière de Monast, mais de bouleverser l’ordre établi, d’aller à la recherche d’une société idéale et juste, située sur l’île imaginaire d’Utopie. Et ce, pour mieux contester l’« injustice » de la société actuelle.
Sa musique percutante menée par des synthétiseurs de l’EDM (musique électronique de danse aux rythmes et aux mélodies entraînants, fluides, rapides et mélodiques) donne une voix à ceux qui n’en ont pas, aux marginalisés, notamment les jeunes auxquels le rappeur s’adresse dans tous ses albums.
A sa manière teintée d’une douce ironie, il raconte le monde d’aujourd’hui, dans sa pluralité, sombre et joyeuse. Il utilise plusieurs figures de style à travers des textes à double sens et aux paroles crues, reflétant parfois des prises de position engagées.
Dans les vidéo-clips de ces quatre chansons, partagées sur les plateformes musicales, le rappeur accentue son ego trip. Il opte pour des scènes fascinantes, une vie de luxe, un style vestimentaire excentrique, des véhicules au design atypique, etc.
« Marwan Pablo a voulu affirmer, par cet album, l’image culte du grand Pablo, roulant sur de l’or, et non pas l’ancien Pablo issu des rues égyptiennes. Il a opté pour une musique plus techno et futuriste, tout à fait loin du rap égyptien qui se voulait miroir de la culture populaire, représentée par la musique chaabi des mahraganate (musique électro-populaire dansante). Ce dernier type de musique a marqué sa chanson phare Ghaba (forêt, 2021), fruit d’une collaboration entre Pablo et Molotof », commente l’un de ses fans sur Facebook. Ceux-ci sont plus entendus et vus, avoue-t-il, grâce à ce genre de musique, soutirant souvent les foudres des plus conservateurs.
PRJKTBLUBEAM cible un public électrisé. Et Pablo se prépare à le présenter un peu partout dans le monde. D’ailleurs, il a commencé le 3 septembre dernier une tournée artistique dans quatre villes européennes, à savoir Londres, Berlin, Amsterdam et Paris.
Au mois d’octobre, il a trois concerts prévus à Berlin. Ensuite, il quittera pour Amsterdam, vers le 10 octobre. Et sera à Paris, au Théâtre de l’Alhambra, le 11.
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