« Il existe une grande différence entre le fait de pardonner et celui d’être soumis et dépendant de l’autre ». C’est le credo de Manal Badr, spécialiste de psychologie clinique, qui considère que le pardon implique une décision intentionnelle d’abandonner le sentiment de colère et d’amertume. Il permet à la personne d’apprendre de son expérience et de reprendre son chemin paisiblement. « Si on laisse nourrir l’offense et la colère, jour et nuit, cela va marquer tout son mode de vie, son sommeil, sa santé, son quotidien et même son cerveau, et le résultat : ne trouver en rien le plaisir de la vie », avance-t-elle.
La thérapeute pense que pardonner ne veut pas dire renouer calmement avec l’agresseur, ou la personne qui nous a blessés, mais plutôt normaliser la relation. « Loin de toute vengeance, l’on se débarrasse de tout sentiment de rancune, qui est la preuve que les émotions sont toujours vivantes et enflammées ». Et d’ajouter : « L’idéal serait d’arriver à un certain point de neutralité envers l’autre. S’il s’agit de relation conjugale, par exemple, ce serait de revoir l’ex-partenaire sans être ému(e), le rencontrer comme si de rien n’était ».
Comment arriver à ce stade de tolérance envers son « bourreau » ? C’est sans doute un long processus parce que l’amertume habite au fond de la personne blessée ou offensée, malgré elle. Il importe de travailler sur le pardon pour réduire l’emprise de la blessure sur soi. Manal Badr explique qu’il s’agit d’un long apprentissage : « Essayer de comprendre l’épisode même, évaluer les pour et les contre pour pouvoir arriver au pardon. Mais attention : analyser ne veut pas dire justifier ! ». Elle donne l’exemple d’un mari qui a trahi sa femme ou qui s’est remarié à une seconde femme (acte propre au monde musulman), la femme trahie devrait se mettre à sa place, non pas pour justifier son acte bien entendu, mais pour évaluer les pensées et les sentiments du mari envers elle. « Cela aide à voir le mari dans son contexte sociétal. S’il a grandi dans une famille où le père est irresponsable et égoïste, tandis que la mère s’occupe de tout au foyer, il va répéter l’image de son père et donner à sa femme le rôle de la mère par exemple ».
En évaluant l’expérience même pour pouvoir laisser passer son amertume et aboutir au pardon, on découvre souvent qu’on a été injuste envers soi-même. Le « je ne m’aime pas assez » est souvent le premier pas et à la base de toute guérison, selon Badr, parce que l’on se rend compte qu’on a été injuste envers soi, qu’on n’a pas choisi le partenaire mais que c’était une réaction irréfléchie par peur de la solitude.
En creux, les émotions reflètent l’état mental, le côté cognitif du cerveau, et si elles ne sont pas bien traitées, ou apaisées, elles mènent à un comportement rancunier et hostile.
Le pardon apporte une sorte de paix qui permet de se concentrer sur soi et reprendre sa vie après une longue halte. Le cas extrême du pardon peut conduire à des sentiments de compréhension et d’empathie envers celui qui vous a blessé. Ce serait le summum du bien-être psychologique.
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