Le Conseil d’administration du Fonds Monétaire International (FMI) a achevé la semaine dernière la troisième revue de son accord avec l’Egypte sur un ton positif. Cela permet à l’institution monétaire de débloquer immédiatement la troisième tranche de son prêt, d’une valeur de 820 millions de dollars. L’achèvement de la troisième revue permettra à l’Egypte de demander un financement climatique supplémentaire de 1,2 milliard de dollars auprès du Fonds. Il s’agit d’un financement à long terme et à faible coût dans le cadre de la Facilité pour la résilience et la durabilité du FMI.
Le troisième rapport de mission publié par le Fonds indique que les conditions macroéconomiques en Egypte ont commencé à s’améliorer depuis l’approbation des première et deuxième revues combinées du programme, publiées en mars. Les économistes du Fonds ont souligné que « les pressions inflationnistes s’atténuent progressivement, les pénuries de devises ont été éliminées et les objectifs budgétaires, y compris ceux liés aux dépenses consacrées aux grands projets d’infrastructures, ont été atteints. Ces améliorations commencent à avoir un effet positif sur la confiance des investisseurs et le sentiment du secteur privé ». Cependant, ils rappellent que l’environnement régional difficile, généré par le conflit à Gaza, les tensions dans la mer Rouge, ainsi que les défis politiques et structurels internes, exigent la poursuite de la mise en oeuvre des engagements stipulés par le programme. Certains de ces engagements ont cependant été assouplis, offrant à l’Egypte plus de temps pour mettre en oeuvre les réformes requises par le prêteur mondial. Selon le FMI, la moitié des réformes structurelles pour la troisième revue ont été respectées, à savoir celles liées à la flexibilité et la libéralisation du taux de change, la publication du statut exécutif de la loi sur les finances publiques unifiées, qui englobe les budgets de toutes les entités publiques dans le budget de l’Etat, ainsi que des réformes liées aux taxes et aux achats gouvernementaux.
Selon Mohamed Shadi, économiste auprès du Centre égyptien de la pensée et des études stratégiques, « le Fonds estime que le gouvernement actuel, surtout avec Ahmed Kouchouk à la tête du ministère des Finances, a la capacité d’adresser les problèmes des politiques économiques actuelles. La prolongation des échéances pour atteindre certains objectifs requis par le FMI s’explique par sa confiance dans la vision des personnes en charge. L’agenda de Kouchouk s’aligne avec les demandes du Fonds, l’économie égyptienne ayant juste besoin d’un peu de temps pour se redresser. En plus, la majorité des problèmes de l’économie égyptienne des dernières années étaient liés à la pénurie de liquidités en devises, problème qui a été résolu et qui ne devrait pas se reproduire, en tout cas, par des facteurs internes, pour au moins sept à huit ans. L’amélioration de la conjoncture économique mondiale prolongera ces perspectives positives, surtout avec la baisse des taux d’intérêt et la diminution des prix des matières premières, notamment les matériaux de construction comme le fer et le ciment, qui sont en grande baisse ».
Assouplissement des conditions
Le FMI a accepté de reporter les dates d’application de certaines réformes qui n’ont pas été finalisées. Ainsi, l’élaboration d’un plan de recapitalisation de la Banque Centrale d’Egypte (BCE), initialement prévue pour fin avril, a été reportée jusqu’à fin août afin de donner aux autorités plus de temps pour estimer le montant des nouveaux capitaux nécessaires. En effet, la semaine dernière, la BCE a déclaré un bénéfice net de 22,8 milliards de L.E. pour l’exercice 2023-2024, contre des pertes de 86,3 milliards de L.E. pour l’exercice précédent. C’est la première fois que la banque réalise un bénéfice depuis 2016-2017. Le FMI a également reporté la publication des audits annuels des comptes budgétaires par son Organisation centrale d’audit jusqu’à fin novembre, au lieu de fin mars dernier, en attendant un amendement à la loi régissant l’organisation. En outre, il a permis au gouvernement de remplacer ses augmentations trimestrielles des prix de détail des carburants par un engagement ferme d’augmenter les prix à des « niveaux de recouvrement des coûts » d’ici fin 2025.
« Le Fonds a deux problèmes liés à la BCE : le premier concerne les revenus des activités économiques de la banque. Il estime que la banque supporte des coûts de l’agenda des réformes qui devraient être pris en charge par le gouvernement. Ceci explique les pertes assumées par la BCE, ce qui constitue un péril pour l’institution et le secteur bancaire, qui est un secteur profitable », explique Shadi, ajoutant que le secteur bancaire est le filet de sécurité de l’économie égyptienne, auquel il faut avoir recours en cas extrême comme la crise de Covid-19 ou une autre crise géopolitique de grande envergure, mais il ne faut ni épuiser le secteur, ni détériorer les positions financières des banques. « Les initiatives de financement, que ce soit pour le tourisme, le secteur immobilier ou l’industrie, doivent être l’oeuvre du ministère des Finances, de même pour les certificats de dépôt à taux d’intérêt supérieurs à la moyenne. Ce sont des facteurs qui mettent pression sur le secteur bancaire, qui est toujours profitable, mais dont les profits sont affectés », explique l’économiste. Selon lui, l’autre problème sur lequel le Fonds insiste est le taux de change, vu que la BCE réalise des interventions à distance. « Le FMI réclame une libéralisation totale du taux de change. Il faut que la BCE montre à ces groupes qu’elle ne leur laissera pas le marché. Pour libéraliser complètement le taux de change, il ne faut pas qu’il y ait des concentrations de devises chez certaines personnes », conclut Shadi.
Le Conseil d’administration du FMI devait initialement approuver la révision le 11 juillet, mais a reporté la décision au 29 juillet, quelques jours après que l’Egypte a augmenté les prix du carburant. « Si des progrès ont été réalisés dans le cadre de certaines réformes structurelles essentielles, des efforts plus importants sont nécessaires pour mettre en oeuvre la politique de privatisation des entreprises publiques », lit-on dans le rapport du FMI, qui souligne que ces mesures comprennent l’accélération du programme de désinvestissement, la poursuite des réformes visant à simplifier la réglementation relative à la création de nouvelles entreprises, l’accélération des pratiques de facilitation du commerce et la création de « conditions de concurrence équitables » qui évitent les pratiques favorisant les entreprises publiques. Le renforcement de la résilience du secteur financier et des pratiques de gouvernance et de concurrence dans le secteur bancaire devrait également être une priorité essentielle. « Ces mesures sont essentielles pour orienter l’Egypte vers une croissance tirée par le secteur privé qui peut générer des emplois et des opportunités pour tous », estime le FMI. « Les réformes que le Fonds priorise sont la privatisation des entreprises publiques, l’industrie, ainsi que les politiques monétaire et fiscale. Les réformes avancent avec stabilité à ces niveaux, ce qui se reflète dans le ton modéré adopté par le Fonds dans cette dernière revue », conclut Shadi.
Reprise économique à moyen terme
Selon le FMI, la croissance réelle de l’économie égyptienne pour l’exercice 2023-2024 devrait ralentir à 2,7 % pour tenir compte des faibles résultats du premier semestre de l’exercice. « Une forte reprise est attendue pour l’exercice 2024-2025, avec le début du développement de la région de Ras Al-Hikma et l’atténuation des pressions liées au conflit et aux perturbations dans la mer Rouge au cours du second semestre de l’exercice », prévoit le FMI, tout en estimant un rebond de la croissance à moyen terme à environ 5,5 %, « car les réformes structurelles visant à renforcer le climat des affaires portent leurs fruits et l’empreinte de l’Etat est progressivement remplacée par l’activité privée », lit-on dans un communiqué de presse publié par le Fonds la semaine dernière. « Le Fonds estime que les obstacles à la reprise économique sont d’ordre géopolitique et non liés aux politiques économiques du pays. Ainsi, il prévoit que la reprise économique aura lieu à moyen terme, soit dans un an et demi ou deux ans. Les politiques économiques adoptées par le gouvernement rendent l’économie égyptienne capable de réaliser des taux de croissance durables. Donc, d’ici 2026, la croissance économique pourrait revenir aux niveaux antérieurs aux crises géopolitiques en cours, avec des taux allant de 5 à 6 % ».
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