« Du maquillage, mais pour quoi faire ? C’est une perte de temps et d’argent puis ça me vieillit. Je préfère être naturelle et accepter mes imperfections. Passer dix minutes devant la glace est devenu un luxe et je préfère utiliser ce temps pour faire autre chose que d’estomper de l’ombre à paupières », lance Mahi, la trentaine, et qui n’a jamais su comment bien se maquiller. Cette adepte du minimalisme trouve que son visage est plus expressif sans maquillage et aime montrer ses vrais traits, sans artifice. « Cela m’a permis non seulement de simplifier ma routine quotidienne, mais aussi de développer une meilleure estime de moi et de me concentrer sur une bonne hygiène et une alimentation équilibrée pour avoir une peau éclatante », poursuit Mahi dont le mari préfère aussi voir son visage naturel. Pour lui, le maquillage est un moyen de camoufler les défauts de la femme, il la dénature et la rend plutôt superficielle.
Idem pour Rehab, 37 ans, qui a arrêté de se maquiller il y a quelques années et elle ne le regrette pas du tout. « J’avais l’impression de me cacher derrière une couche de produits de beauté pour être acceptée. Aujourd’hui, je me sens beaucoup plus libre et authentique sans maquillage », affirme-t-elle. Et d’ajouter qu’elle a la peau très sensible et les produits cosmétiques ont tendance à l’irriter. Elle a essayé plusieurs marques hypoallergéniques, mais rien n’y fait. Depuis qu’elle a arrêté de se maquiller, sa peau va beaucoup mieux, et elle se sent plus à l’aise dans sa peau, notamment en été avec cette forte canicule.
Quant à Nadia, 23 ans, véritable accro aux vidéos YouTube de blogueuses de beauté et de make-up artists, le déclic est venu lors d’une année d’échange universitaire en France. En vivant à Lyon, elle a réalisé que les Françaises ne se maquillaient pas beaucoup. Portant de faux cils et plusieurs couches de fond de teint épais, elle a commencé à moins se maquiller à tel point que le maquillage est devenu pour elle une coquetterie très ponctuelle sans conséquence, et non pas une nécessité. « J’ai évolué en ce qui a trait à ma relation avec les produits de beauté. Au quotidien, j’ai délaissé le maquillage et le seul produit auquel je suis restée fidèle c’est le gel fixateur pour les sourcils. Ma nouvelle routine beauté consiste à utiliser mon rouge à lèvres de temps en temps et à mettre tout simplement l’accent sur des sourcils bien dessinés », confie Nadia qui, aujourd’hui, ne ressent pas le besoin de se farder tous les jours.
Prendre ses distances avec les cosmétiques
Pas le temps, pas la technique, pas le besoin, ces femmes ne sont pas les seules à choisir de zapper l’étape du maquillage ou de se contenter du minimum, pour des raisons allant des préoccupations de santé à des choix de style de vie ou des valeurs personnelles. Autrement dit, les adeptes du « no make-up » sont soit celles qui sont sûres d’elles et ne ressentent aucun besoin de camoufler leurs défauts pour plaire aux autres ou pour se sentir bien, ou celles qui sont pressées et qui n’ont pas le temps de se maquiller. Née pendant la pandémie, la tendance no make-up est le symbole d’une beauté plus authentique. Une étude faite par l’Agence centrale pour la mobilisation publique et les statistiques (CAPMAS) déchiffre la routine beauté des Egyptiennes et révèle que les femmes qui font attention à leur image consacrent entre 3 et 19 heures par semaine au maquillage, ce qui représente plus d’une semaine complète par an. « Les femmes dépensent annuellement 24 milliards de L.E. pour les produits de beauté », précise Dr Ezz El-Dine Hussein, expert en économie. Et d’ajouter que la pandémie de Covid-19 a eu un impact sur cette tendance à laisser de côté le maquillage, en particulier le port du masque. Sans oublier le télétravail, qui a un impact sur les routines quotidiennes des femmes : le besoin de se maquiller ne se fait pas ressentir alors qu’on est seule chez soi devant son ordinateur.
Autre effet de la pandémie : il a incité certaines femmes à privilégier les produits naturels et les cosmétiques maison. Ces dernières souhaitent consommer moins mais mieux, en évitant des produits dont la composition chimique est potentiellement mauvaise pour la peau. Résultat : le marché du skincare connaît un essor fulgurant. Il est devenu le nouvel eldorado des célébrités. Lassées des normes de beauté totalement idéalisées, nombreuses sont celles qui se tournent aujourd’hui vers une beauté plus authentique, privilégiant le no make-up. Des influenceuses et des youtubeuses beauté n’hésitent plus à se montrer telles qu’elles sont au quotidien, sans filtre. Dans leurs campagnes, elles s’affichent sans maquillage optant pour la simplicité du no make-up. Le message derrière cette tendance est simple : « Aimez-vous comme vous êtes ! ».
Dans un monde où nous sommes constamment bombardés d’images de mannequins et de célébrités à l’allure parfaite, le no make-up look incarne une véritable révolution dans la perception de la beauté féminine. Un mouvement qui prône l’acceptation de soi et la normalisation des problèmes cutanés. Ainsi, la génération Z préfère soigner sa peau plutôt que de la camoufler.
Annan Omar, une make-up artist, estime que le no make-up look n’est pas une absence totale de maquillage, mais plutôt un maquillage subtil, laissant transparaître la beauté naturelle de la peau. C’est-à-dire une peau nue, éclatante, avec un effet « glossy ». « Je respecte les désirs de mes clientes, j’ai même réalisé un maquillage pour une jeune mariée qui ne voulait pas de fond de teint. Un petit geste suffit pour avoir l’air simplement fraîche. Le but c’est qu’elles se reconnaissent », affirme cette maquilleuse professionnelle dont la philosophie est de sublimer la femme et non de la transformer et ce, contrairement au marketing qui cherche à convaincre la femme qu’elle a absolument besoin de tous les produits pour être belle.
Le no make-up look n’est pas une absence totale de maquillage, mais plutôt un maquillage subtil.
Habitude culturelle et diktat sociétal
Si certaines femmes approuvent le mouvement du no make-up look qui se veut authentique et moins plastique, d’autres sont contre ce mouvement. Hoda, une secrétaire de 32 ans, ne peut pas se passer du maquillage. Pour elle, c’est un outil de bien-être qui sert à harmoniser l’extérieur, afin d’améliorer le bien-être intérieur. « Lorsque je me maquille, je sens que je revis. Une fille n’est pas plus naturelle lorsqu’elle n’est pas maquillée. Le naturel est dans les attitudes et le rapport aux gens. Moi, je me maquille dès que je sors. Cela me permet d’être plus à l’aise, car je me sens plus jolie », affirme-t-elle. Quant à Doaa, hôtesse de l’air de 27 ans, elle cherche depuis l’adolescence à attirer le regard par sa touche d’originalité (coiffure, maquillage, vêtement). « Me faire belle, c’est ma façon à moi d’exprimer ma créativité », dit-elle.
Il y a aussi celles qui se fardent par obligation pour cacher de petits défauts par exemple, selon les professionnels de la beauté, un mal qui tend à se généraliser après l’âge de 35 ans. Ainsi, une femme qui passe cet âge estime qu’elle ne peut jamais sortir sans maquillage. Tel est le cas de Rania, comptable de 45 ans, qui affirme ne pas se maquiller. Elle se contente d’une touche de crayon, d’anticernes et de rouge à lèvres.
« C’est dur d’apparaître le visage complètement nu. En vérité, personne n’aime avoir l’air fatigué », lance-t-elle. Pour elle, la beauté est subjective, et ce n’est sûrement pas à la société de juger les femmes qui utilisent ou non des produits de beauté. Pourtant, dans sa vie personnelle, le fait de ne pas se maquiller de façon régulière peut lui valoir des commentaires parfois légèrement intrusifs. Cela peut aller du « tu as mauvaise mine », lorsqu’elle n’a pas touché à son blush depuis longtemps, au « mais dis-moi, tu es bien jolie aujourd’hui, c’est pour qui ? » quand elle se fait plaisir d’utiliser le rouge à lèvres. Rania espère qu’un jour elle pourra sortir sans maquillage, sans avoir à se justifier et sans que cette situation ait le moindre impact sur sa vie. « Il n’y a pas de juste milieu et les femmes doivent souvent jongler entre paraître négligées et sembler futiles aux yeux de la société. Si le no make-up est la nouvelle tendance, eh bien ! Tant mieux ! », conclut-elle .
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