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Gaza : La dernière « dernière chance »

Abir Taleb , Mercredi, 21 août 2024

Antony Blinken poursuit sa tournée régionale avec l’espoir de parvenir à un accord de cessez-le-feu à Gaza qui éviterait un embrasement régional. S’alignant sur la position israélienne, il appelle le Hamas à accepter le plan américain approuvé par Netanyahu.

Gaza : La dernière « dernière chance »
(Photo : AFP)

Un air de déjà-vu. Le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, en tournée dans la région pour tenter de débloquer la situation en vue d’un cessez-le-feu à Gaza. Des discussions çà et là, des va-et-vient et des concertations diplomatiques de haut niveau. L’intensité des efforts est à la hauteur de la surchauffe : depuis que la menace d’un conflit élargi plane, avec l’attente d’une éventuelle réponse de l’Iran à la frappe qui a coûté la vie à Ismaïl Haniyeh le 31 août sur son sol, le monde entier est sur le qui-vive. Ce qui a poussé le secrétaire d’Etat américain à revenir dans la région pour tenter un cessez-le-feu, un apaisement à Gaza étant perçu comme le seul moyen d’éviter une riposte iranienne et un embrasement général.

Dans sa 9e tournée régionale depuis le début de la guerre, Antony Blinken est arrivé mardi 20 août au Caire, où doivent se tenir de nouvelles discussions ce jeudi 22 août (ndlr : les résultats de ses discussions avec les autorités égyptiennes n’étaient pas communiqués au moment de l’impression du journal). Il avait auparavant fait escale en Israël, d’où il a assuré que le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, lui avait « confirmé qu’Israël acceptait le plan de compromis » de Washington pour une trêve à Gaza, affirmant qu’il « incombe » désormais au Hamas « d’en faire de même ». C’est ce qu’il a déclaré lundi 19 août après sa rencontre avec le premier ministre israélien, reprenant ainsi la rhétorique de son hôte : avant leur rencontre, Netanyahu a appelé Blinken à « diriger la pression sur le Hamas » et « non vers le gouvernement israélien », dénonçant un « refus obstiné » du mouvement palestinien de conclure un accord, après deux jours de négociations à Doha entre la partie israélienne et les médiateurs américain, qatari et égyptien. « Nous faisons porter à Netanyahu l’entière responsabilité d’avoir fait échoué les efforts des médiateurs et fait obstruction à un accord », au mépris de la « vie des otages » détenus depuis le 7 octobre, a rétorqué le Hamas dans un communiqué. Le mouvement, qui n’a pas participé aux négociations au Qatar, dénonce notamment de « nouvelles conditions sur le dossier » des prisonniers palestiniens susceptibles d’être échangés contre des otages retenus à Gaza. Il demande l’application du plan annoncé fin mai par Joe Biden. Ce plan prévoit, dans une première phase, une trêve de six semaines accompagnée d’un retrait israélien des zones densément peuplées de Gaza et de la libération d’otages enlevés le 7 octobre, et dans sa deuxième phase, notamment un retrait total israélien de Gaza, alors que Netanyahu n’a cessé de répéter vouloir poursuivre la guerre jusqu’à la destruction du Hamas.

« Moment décisif »

La visite du secrétaire d’Etat américain en Israël a coïncidé avec un « attentat terroriste », selon les termes officiels israéliens à Tel-Aviv ce dimanche. Le Hamas et le Jihad islamique, autre groupe armé palestinien, ont revendiqué conjointement cette attaque et menacé d’en commettre d’autres en Israël. Elle a également coïncidé avec une flambée des violences en Cisjordanie occupée provoquée par les colons juifs, contre lesquels Antony Blinken a demandé aux dirigeants israéliens d’agir.

Alors que les deux parties se rejettent la responsabilité de l’échec des négociations du week-end dernier, Antony Blinken les a appelées à « ne pas faire dérailler » les négociations en vue d’un cessez-le-feu. Après plus de dix mois de guerre dans la bande de Gaza, il s’agit, selon lui, d’« un moment décisif » pour parvenir à un accord et « peut-être de la dernière opportunité de ramener les otages chez eux, d’obtenir un cessez-le-feu et de mettre tout le monde sur la voie d’une paix et d’une sécurité durables ».

Les Etats-Unis, qui ont soumis vendredi 16 août une nouvelle proposition de compromis, pèsent donc de tout leur poids pour que ce plan réussisse. A quelques mois de l’élection présidentielle américaine, Washington espère mettre fin à ce conflit qui ternit le bilan du président sortant Joe Biden. La guerre à Gaza reste un élément majeur dans la campagne présidentielle. Toutefois, malgré les nuances dans les approches des républicains et des démocrates, une constante reste intouchable : l’alliance avec Israël et le soutien indéfectible que lui donnent les Américains, quoi qu’il arrive. Pour preuve, parallèlement à leurs efforts de paix, les Etats-Unis viennent d’approuver une vente d’armes à leur allié israélien d’un montant de 20 milliards de dollars.

Menaces réciproques

En même temps, c’est la menace d’un embrasement général qui impliquerait l’Iran, ou du moins ses alliés, qui pousse Washington à accentuer ses pressions, avec l’espoir qu’un accord de cessez-le-feu apaiserait la situation et éloignerait le spectre d’une riposte iranienne à l’assassinat de Haniyeh, et donc, d’un élargissement du conflit. Et ce, tout en continuant à mettre en garde Téhéran : l’Iran subira des conséquences « cataclysmiques » en cas d’attaque contre Israël, a dit vendredi 16 août un haut responsable américain qui a requis l’anonymat. « Nous voudrions dissuader les Iraniens (...) d’emprunter cette voie parce que les conséquences seraient cataclysmiques, en particulier pour l’Iran », a-t-il ajouté, en mettant en garde contre toute attaque susceptible de « faire dérailler » les délicates discussions sur une trêve dans la bande de Gaza.

Or, rien n’est garanti. Si Téhéran n’a toujours rien fait, il continue de brandir la menace. La réponse iranienne à l’assassinat du dirigeant du Hamas et la trêve à Gaza sont des questions séparées, a déclaré lundi 19 août le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Nasser Kanaani. Il a tenu ces propos lors d’une conférence de presse hebdomadaire à Téhéran en répondant à une question pour savoir si la volonté et la détermination de l’Iran à parvenir à un cessez-le-feu à Gaza affecteraient ou retarderaient sa réponse à l’assassinat de Haniyeh le 31 juin. Une fois de plus, Téhéran, par la voix de Kanaani, a accusé Israël d’avoir violé l’intégrité territoriale de l’Iran et sa sécurité nationale en assassinant Haniyeh, qui avait le statut d’invité politique de haut rang en Iran, et a souligné que parvenir à un cessez-le-feu à Gaza était une demande internationale sans lien avec « le droit légitime, légal et reconnu de l’Iran de répondre ». Téhéran avait auparavant rejeté les appels de pays occidentaux à renoncer à sa réponse à Israël, affirmant qu’il ne demanderait pas « l’autorisation ».

Tension grandissante à la frontière libano-israélienne

Et sur le terrain, en plus de la poursuite de la guerre à Gaza où Israël continue ses bombardements et son offensive terrestre, la situation reste extrêmement tendue à la frontière entre le Liban et Israël. Car le Hezbollah lui aussi peut répondre à l’assassinat de son chef militaire Fouad Chokr, tué le 30 juillet, soit la veille de la frappe qui a tué Haniyeh, dans une frappe israélienne près de Beyrouth.

Accentuant sa pression, Israël a ciblé lundi 19 août des dépôts d’armes du Hezbollah dans l’est du Liban, ont indiqué l’armée israélienne et une source proche du mouvement libanais, et ce, loin de la frontière sud, théâtre d’affrontements quasi quotidiens entre le groupe pro-iranien et Israël. Le même jour, le Hezbollah a revendiqué des attaques contre le nord d’Israël et annoncé la mort de deux de ses combattants dans une frappe israélienne sur le sud du Liban. Dans la nuit de dimanche à lundi, le Hezbollah a également affirmé avoir repoussé à l’aide de « missiles et de l’artillerie » un groupe de soldats israéliens qui s’étaient « infiltrés » en territoire libanais près de la frontière.

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