Après une période de puissance dans certains pays du Sahel, il semble que le rôle de la milice russe Wagner soit sur le point de se terminer à la suite de sa défaite significative face aux rebelles séparatistes dans le nord du Mali. Ces derniers ont affirmé, jeudi 1er août, avoir tué 84 membres des mercenaires russes et 47 soldats maliens lors des combats à Tinzaouatene, près de la frontière algérienne, du 25 au 27 juillet. L’armée malienne et le groupe Wagner ont reconnu le 2 août des pertes importantes sans donner de bilan précis.
Cette défaite est, en effet, la plus lourde subie en une seule bataille par le groupe Wagner en Afrique. « Cette évolution dramatique au nord du Mali reflète une véritable crise affectant la réputation de Wagner auprès de l’opinion publique africaine et de certains gouvernements de la région du Sahel, qui avaient accueilli la Russie comme un allié alternatif aux pays occidentaux, capable d’éliminer le terrorisme, notamment après l’échec de la France et de ses alliés européens », explique Ahmed Askar, chercheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.
Mais comment et pourquoi cette défaite a-t-elle eu lieu alors que l’armée malienne, soutenue par Wagner, avait enregistré des avancées significatives au nord ? Après avoir rompu son alliance avec la France pour se tourner politiquement et militairement vers la Russie en 2022, la junte dirigée par le colonel Assimi Goïta a fait de la reconquête du territoire national sa priorité. Les hostilités ont repris en août 2023 après huit ans de calme relatif entre les belligérants. L’offensive de l’armée a culminé en novembre avec la prise de Kidal, bastion de la revendication indépendantiste, un succès symbolique largement salué au Mali. Cependant, les rebelles islamistes n’ont pas déposé les armes et se sont dispersés dans cette région désertique et montagneuse, pourchassés par les forces maliennes qui affirment régulièrement reprendre le contrôle de certaines localités.
Près de Tinzaouatene, les deux camps se sont livrés à des combats intenses, d’une ampleur inédite depuis des mois. Les rebelles ont pris le dessus grâce à une « tempête de sable », selon le groupe Wagner, qui aurait empêché la mobilisation de moyens aériens, selon des analystes. Dans leur retraite, une partie de la colonne de l’armée a été prise au piège lors d’une attaque meurtrière des djihadistes. Le JNIM (Jamaa Nusrat Al-Islam wal Muslimin) et l’alliance des groupes armés séparatistes à dominante touareg (CSP-DPA) disputent le bilan et la victoire.
Par ailleurs, lors de ce revers militaire, les séparatistes islamistes ont remporté une victoire symbolique qui pourrait leur insuffler « un second souffle », estime Yvan Guichaoua, enseignant-chercheur à l’Université de Kent, cité par l’AFP.
Avec les avancées des séparatistes et la défaite des mercenaires, la Russie doit rapidement agir pour conserver sa position, d’autant que l’avenir de Wagner en Afrique semble compromis, en raison des complexités internes du groupe exacerbées par la disparition de son dirigeant en 2023 dans un accident d’hélicoptère, ce qui l’a affaibli. « La Russie va restructurer le groupe sous sa supervision pour éviter les erreurs du passé », estime Askar, tout en assurant que l’absence de Wagner ou l’affaiblissement de son rôle en Afrique n’affecteront pas les actions de Moscou, qui continue de considérer l’Afrique comme une arène stratégique pour négocier avec l’Occident sur divers dossiers, notamment la crise ukrainienne.
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