La réunion de l’Organisation de l’ONU pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), tenue à New Delhi du 21 au 31 juillet, a inscrit 23 nouveaux sites, dont 18 culturels et 4 naturels, sur la liste du patrimoine mondial. Les discussions étaient cependant dominées par la crise palestinienne, l’UNESCO y a dénoncé les fouilles, les creusements de tunnels et les projets entrepris par Israël à l’intérieur et autour de la vieille ville de Jérusalem. En plus des 12 sites palestiniens déjà inscrits sur la liste indicative de l’UNESCO, le monastère de Saint-Hilarion, situé dans la bande de Gaza, a été inscrit lors de cette session comme patrimoine mondial en péril en raison de l’actuelle guerre à Gaza. « L’inscription de ce site palestinien très important pour l’humanité sur la liste en péril permet de mettre en oeuvre un programme de conservation optimale », assure le délégué belge au Comité du patrimoine mondial, soulignant que l’inscription de ce site montrera la capacité de l’UNESCO à accomplir la mission que lui confère la Convention de 1972 pour assurer la protection et la conservation des biens culturels les plus importants. Le Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS) a de son côté affirmé que ce site monastique, datant du IVe siècle, est confronté à des dangers graves dus aux événements naturels et humains, nécessitant une intervention urgente.
Fondé par saint Hilarion, le monastère situé sur les dunes côtières de Nousseirat représente l’un des sites les plus anciens du Moyen-Orient. Il occupait une position stratégique, au carrefour des principales routes de commerce et d’échanges entre l’Asie et l’Afrique. Cette localisation favorable en fait un centre d’échanges religieux, culturels et économiques, illustrant la prospérité des centres monastiques désertiques de la période byzantine.
De même, le Comité de conservation de l’UNESCO a décidé de maintenir la vieille ville de Jérusalem et ses remparts, la vieille ville d’Hébron et le site palestinien de la Terre des oliviers et des vignes sur la liste du patrimoine mondial en péril.
Après les incidents du 7 octobre, l’UNESCO a exprimé son inquiétude quant à l’impact des combats sur le patrimoine culturel, en particulier dans la bande de Gaza, et a annoncé en juin qu’elle avait effectué une évaluation préliminaire à distance des dommages sur les biens culturels dans la ville.
Le paysage culturel de la zone archéologique d’Al-Faw, en Arabie saoudite.
L’Arabie saoudite, grande gagnante
Avec 8 biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO et 14 sur la liste indicative, l’Arabie saoudite a réussi, lors de cette 46e session, à ajouter le paysage culturel de la zone archéologique d’Al-Faw et les récifs coralliens du golfe d’Aqaba et de la mer Rouge. « Située à un point stratégique des anciennes routes commerciales de la péninsule arabique, la zone d’Al-Faw était dominée par la tribu Kindah, qui a connu une période prospère », explique l’expert archéologique et membre du Haut Conseil de la culture égyptienne, Abdel-Réhim Rihan, précisant qu’Al-Faw était la capitale de ce royaume, brusquement abandonné vers le Ve siècle. Selon le rapport saoudien, cette zone renferme près de 12 000 vestiges archéologiques, allant des temps préhistoriques à l’époque préislamique tardive. « Les fouilles archéologiques ont commencé dans les années 1940 », a déclaré l’expert, ajoutant que les travaux ont débuté par l’étude des gravures rupestres, puis se sont poursuivis en 1972. En 2022, une mission archéologique multinationale a mis au jour les vestiges d’un temple en pierre utilisé comme lieu de culte. Selon Rihan, 2 807 tombes ont été classées en 6 groupes représentant différentes périodes d’inhumation.
Par ailleurs, sur la liste indicative de l’UNESCO, l’Arabie saoudite a réussi à inscrire les récifs coralliens du golfe d’Aqaba et de la mer Rouge, qui abritent plus de 265 espèces de coraux et environ 800 espèces de poissons. Plus important encore, la région abrite le seul assemblage génétique au monde de coraux résistant au climat.
Un gain jordanien
Parmi les 27 sites qui ont été inscrits sur la liste du patrimoine mondial lors de la réunion de New Delhi figure Umm Al-Jimal, en Jordanie. « Cette magnifique oasis noire vient s’ajouter aux 6 autres sites jordaniens inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO », a estimé le représentant de la délégation jordanienne à New Delhi.
Selon Abdel-Réhim Rihan, Umm Al-Jimal est une ville romaine antique qui s’élève sur une plaine au nord de la capitale jordanienne. « Ce site se caractérise par 7 magnifiques portes en pierre et, en raison de l’utilisation d’un grand nombre de pierres volcaniques noires, il a été nommé l’oasis noire », indique Rihan, notant que les plus anciennes structures découvertes dans cette oasis remontent au Ier siècle de notre ère, lorsque cette zone faisait partie du Royaume nabatéen.
Umm Al-Jimal est à la fois une ville moderne et un site archéologique ancien, abritant près de 2 000 ans d’histoire et de culture fascinantes : nabatéenne, romaine, byzantine, omeyyade, mamelouke, ottomane et moderne. « Umm Al-Jimal s’est rapidement développée et a fonctionné jusqu’au VIIIe siècle. Elle conserve les structures basaltiques de la période byzantine et du début de la période islamique », a expliqué le délégué de l’ICOMOS.
Selon Rihan, ce site archéologique était une étape sur la route des caravanes reliant le Hijaz, la Palestine, la Jordanie, l’Iraq et Damas. « On peut y découvrir plus de 150 structures anciennes bien préservées. Bien que ce site ait subi un fort tremblement de terre en 551 et ait été occupé par les Perses en 614, la ville a connu une vie urbaine prospère sous les Byzantins », explique-t-il.
Umm Al-Jimal, en Jordanie.
Abou-Mena et Le Caire historique
Le site d’Abou-Mena, classé en péril depuis 2001, est au coeur des efforts de l’Egypte pour le retirer de cette liste. « Suite aux travaux du gouvernement égyptien visant à réduire la nappe phréatique qui cause des dommages aux structures du site archéologique, l’Egypte a tenté de faire passer le site d’Abou-Mena de la liste en péril à la liste normale du patrimoine mondial, ce qui n’a pas été le cas », se lamente Rihan. Dans son rapport, le Comité du patrimoine mondial a salué les efforts de l’Egypte pour améliorer l’état de conservation du bien et la soumission d’un plan de gestion et d’un projet de plan de conservation. Toutefois, il a décidé de maintenir Abou-Mena sur la liste en péril et a demandé à l’Egypte de présenter, avant le 1er février 2025, un rapport actualisé sur l’état de conservation du bien et la mise en oeuvre des mesures requises, pour examen par le comité lors de sa 47e session.
Concernant le Vieux-Caire, l’Egypte a présenté un rapport sur l’état de ce site classé sur la liste du patrimoine mondial depuis 1979. En raison du manque d’un plan détaillé de conservation, de restauration et de gestion, le Comité de l’UNESCO s’est préoccupé de l’état de conservation du bien culturel. « L’Egypte a créé une unité de régénération du Caire historique, et le ministère du Tourisme, en collaboration avec le bureau de l’UNESCO, lance un plan de développement durable pour le bien », indique Rihan. Cependant, l’UNESCO a demandé de poursuivre les travaux de conservation et de présenter au Comité du patrimoine mondial, avant le 1er décembre 2025, un rapport actualisé sur l’état de conservation du bien pour examen par le comité lors de sa 48e session.
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