Comme prévu, le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, a entériné dimanche l’élection du réformateur Massoud Pezeshkian en tant que 9e président de la République islamique. Elu au second tour de la présidentielle le 5 juillet, Pezeshkian, 69 ans, n’a que deux semaines, selon la Constitution iranienne, pour former son gouvernement. Soutenu par le camp des réformateurs, Pezeshkian a une lourde tâche à accomplir.
« Plusieurs dossiers épineux attendent le président iranien, notamment en ce qui concerne la politique intérieure », explique Ali Atef, expert en affaires iraniennes, tout en ajoutant qu’en tant que réformateur, Pezeshkian se heurtera au Parlement. Pour chaque décision, « il devra, avec son gouvernement, présenter des arguments solides et influents pour que ses décisions soient approuvées par le Parlement ou par l’ayatollah Khamenei. Autrement dit, il devra surmonter de nombreux obstacles. Cette période sera difficile s’il ne trouve pas de solutions aux points d’achoppement avec les conservateurs qui dominent le Parlement, en plus de l’approbation de l’ayatollah ».
Sur la politique étrangère, l’ayatollah Khamenei a répété à plusieurs reprises que la priorité reste les relations avec les pays voisins et les alliés de l’Iran, en référence aux pays arabes, la Russie et la Chine. Même son de cloche chez Pezeshkian qui a appelé, dans son premier discours au lendemain du second tour, la Turquie, l’Arabie saoudite, Oman, l’Iraq, Bahreïn, le Qatar, le Koweït et les Emirats arabes unis à renforcer les relations commerciales avec l’Iran et à relever les défis communs dans la région. En outre, il a qualifié la Russie d’allié stratégique précieux et s’est dit prêt à collaborer davantage avec la Chine. Mais il a également annoncé être en faveur de « relations constructives » avec les Etats-Unis, ennemi de l’Iran, et les pays européens pour sortir le pays de son « isolement ». Allant plus loin, Pezeshkian a promis de négocier avec Washington pour relancer les pourparlers sur le nucléaire iranien, au point mort depuis le retrait américain en 2018 d’un accord international conclu en 2015.
Pezeshkian devra être prêt à affronter les obstacles créés par les factions les plus conservatrices qui dirigent les institutions critiques de l’Etat. Car le président en Iran a des pouvoirs restreints : il est chargé d’appliquer les grandes lignes politiques fixées par le guide suprême, considéré comme le décideur ultime sur les dossiers stratégiques. En tant que président, Pezeshkian déterminera les politiques financières du pays en proposant le projet de loi budgétaire et la nomination du chef de la Banque Centrale et du ministre de l’Economie. Le contournement des sanctions occidentales et la résolution des problèmes avec les banques mondiales font partie des défis importants que devra relever le président. Bien que Pezeshkian se soit engagé à faire tout son possible pour retirer le nom de l’Iran de la liste noire du Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI), ces défis sont de grande importance, car leur résolution améliorerait la situation économique de l’Iran. Il a également promis de réduire le taux d’inflation, actuellement autour de 40 %.
Le président a pourtant un pouvoir limité sur la police iranienne et pratiquement, aucun pouvoir sur l’armée et le Corps des Gardiens de la Révolution islamique, l’armée idéologique de l’Iran. Les forces militaires iraniennes répondent directement au guide suprême. Il a toutefois promis, lors de sa campagne, que « l’ensemble du gouvernement s’opposera fermement aux patrouilles de moralité, aux mesures de censure et d’anti-censure, ainsi qu’aux pressions extérieures dans toutes les réunions ». Il a promis d’enlever les restrictions imposées à Internet et s’est engagé à « s’opposer pleinement » aux patrouilles de la police des moeurs chargées d’appliquer l’obligation du port du voile par les femmes. Pezeshkian a plaidé en outre pour davantage de représentation des femmes, ainsi que des minorités religieuses et ethniques, notamment les Kurdes et les Baloutches, dans le gouvernement.
Ceux qui ont voté pour Pezeshkian s’attendent à ce qu’il s’attaque à la police de la moralité et à la censure, ce qui devrait être une priorité pour le président élu. Les analystes prévoient que le guide suprême pourra changer d’avis sur les questions sociales et accepter des compromis, car la vague de protestations a secoué le pays et menace sa sécurité. « L’ayatollah et la classe politique conservatrice seront confrontés à une autre question très importante pour l’avenir : choisir et préparer le nouveau guide suprême. Ebrahim Raïssi était le grand favori, mais après sa mort, ils devront trouver une autre personnalité, l’équiper et le préparer pour occuper ce poste. Leur tâche donnera une occasion au président Pezeshkian de réaliser certaines de ses promesses », explique Atef. Ce dernier affirme que la crise de succession fera surface. Jusqu’à présent, l’incertitude dans le pays quant à l’avenir politique de l’Iran et l’identité du candidat le plus susceptible de succéder à Khamenei ne cesse de croître.
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