La guerre au Soudan a déjà fait 9 millions de déplacés.
C’est une guerre oubliée qui continue de faire des victimes en grand nombre, que ce soit celles tuées directement par les combats ou encore celles menacées par la famine, sans compter les déplacés. Théâtre depuis plus d’un an d’une guerre dévastatrice entre l’armée dirigée par Abdel-Fattah Al-Burhan et les paramilitaires de son ex-adjoint devenu rival, Mohamed Hamdan Daglo, commandant des Forces de Soutien Rapide (FSR), le Soudan s’enfonce dans la crise. Bien que la guerre ne soit pas tranchée, les FSR ont un effet plus tangible sur le terrain, surtout après leurs attaques sanglantes qui se poursuivent depuis quelques mois et poussent les habitants à fuir leurs régions sans pouvoir les défendre. La dernière attaque des FSR a eu lieu le 5 juin dans le village de Wad Al-Noora, dans l’Etat de Gezira, où plus de 100 personnes sont mortes, dont 35 enfants. Une attaque qui a été fermement condamnée par le secrétaire général de l’ONU, alors que l’envoyée des Nations-Unies, Alice Nderitu, a prévenu dans une déclaration au Conseil de sécurité que dans la région du Darfour, la violence pourrait déjà atteindre l’ampleur d’un génocide.
Alors que les frappes aériennes de l’armée soudanaise, qui souffre du manque d’armements, n’ont pas pu arrêter leurs expansions, les FSR ont pu prendre le contrôle de larges régions, notamment au Darfour. « Sur le terrain, les FSR avancent effectivement et ils entendent, par cette expansion géographique, entamer des négociations en position de force », explique Amany El-Taweel, experte des affaires africaines au Centre des Etudes Politique et Stratégique (CEPS) d’Al-Ahram.
Délégation soudanaise à Moscou
Face à cette avancée et avec le manque de soutien occidental, et surtout américain, le régime d’Al-Burhan a trouvé dans la Russie un nouvel allié qui peut le soutenir militairement. Ceci s’est manifesté lors d’une visite entamée par le vice-président du Conseil souverain de transition soudanais, Malik Agar, en Russie le 5 juin pour finaliser un accord sur l’établissement d’un centre de soutien naval russe sur la mer Rouge en échange de livraisons urgentes d’armes et de munitions. Une délégation formée des ministres soudanais des Finances, des Mines et des Affaires étrangères a accompagné Agar dans cette visite qui comprenait la participation au forum économique à Saint-Pétersbourg qui s’est tenu du 5 au 8 juin. Le numéro deux du régime a rencontré des responsables russes pour discuter des moyens d’améliorer les liens entre la Russie et le Soudan.
« Avec le désintérêt américain, il était tout à fait prévisible que Khartoum se tourne vers les Russes d’autant plus que l’armée soudanaise a besoin d’armes et de munitions », explique Amany El-Taweel. Selon le Conseil souverain de transition, la Russie a proposé une coopération militaire par le biais d’un centre de soutien logistique naval et non d’une base militaire complète. « Nous avons accepté cette proposition, mais avons suggéré d’étendre la coopération à des aspects économiques tels que des entreprises agricoles, des partenariats miniers et le développement de ports. La Russie a accepté ce champ d’application élargi », avait déclaré un membre du Conseil souverain de transition le 25 mai dans une interview accordée à la chaîne de télévision saoudienne AlHadath TV.
Khartoum estime que la coopération militaire avec Moscou est d’autant plus nécessaire que les pays occidentaux ont été incapables de mettre fin à l’envoi d’armes aux FSR. « Il est naturel, avec le manque de soutien de l’Occident, que l’armée soudanaise cherche de nouveaux alliés comme la Russie ou la Chine », note l’experte.
Reste à savoir quelle sera la réaction de l’Occident, surtout celle des Etats-Unis, quant à ce nouveau rapprochement avec leur ennemi russe et son impact sur la situation déjà catastrophique au Soudan. « Ce rapprochement va bien sûr susciter le mécontentement des Etats-Unis, pour autant, l’Occident n’offre rien au Soudan pour contrecarrer une telle alliance », conclut El-Taweel.
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