Al-Ahram Hebdo : La dernière escalade entre Israël et Hezbollah est-elle alarmante ou bien d’une intensité contrôlée ?
Dr Rabha Seif Allam : Ces derniers jours, il y a eu des confrontations qui demeurent dans le cadre des « règles » d’engagement militaire implicites acceptées par les deux belligérants depuis le 7 octobre. Il y a toujours des hauts et des bas selon les circonstances, mais cela reste cadré. La semaine dernière, le Hezbollah a visé une base de défense aérienne israélienne à Kiryat Shmona, causant de larges incendies. Une opération de routine par des drones qui s’inscrit dans la même intensité des attaques du Hezbollah depuis le début de la guerre, mais plus impressionnante à cause de l’effet de la fumée des incendies. Il ne reste pas moins que l’attaque du Hezbollah avait pour objectif de mettre de la pression sur Israël pour soutenir le Hamas dans ces négociations liées à l’accord de cessez-le-feu à Gaza.
— Israël est-il sérieusement prêt à entamer une guerre totale contre le Hezbollah ?
— La menace du gouvernement israélien d’attaquer le Liban s’adresse davantage à l’opinion publique intérieure, ainsi que pour répondre aux partis politiques extrémistes membres de la coalition au pouvoir. L’échec du gouvernement au nord est aussi évident que son échec à Gaza. Sa stratégie au nord consiste à faire allusion à l’invasion totale du Liban. Une stratégie qui aurait pour but d’inciter les acteurs internationaux à mettre de la pression sur le Hezbollah pour s’éloigner des frontières. A mon avis, brandir la menace est d’autant plus efficace tant que Tel-Aviv ne passe pas à l’acte. Si le front nord s’embrasait davantage, Israël se trouverait impliqué dans une guerre beaucoup plus compliquée que Gaza vu le niveau de l’armement et le nombre des combattants du Hezbollah. Je rappelle que la portée des missiles du parti chiite pro-iranien atteint l’intégralité du territoire israélien.
— Est-il dans l’intérêt de l’Iran dans la phase actuelle de mener une guerre par procuration au Sud-Liban contre Israël ?
— Pour l’Iran, les circonstances ne sont absolument pas propices à une confrontation avec Israël, qu’elle soit par procuration ou directe. Je pense même que l’opération du Hamas à la périphérie de Gaza du 7 octobre n’avait pas de soutien de Téhéran. Pour le moment, la priorité de l’Iran serait essentiellement de remplir le vide causé par la mort du président Raïssi.
— Cela signifie-t-il que le risque de basculer dans une guerre régionale élargie est limité ?
— Ceci est un scénario peu probable bien que les fronts au Yémen, en Syrie ou en Iraq soient à la portée de l’armée israélienne sans trop d’efforts. En outre, l’Iran n’est pas dans une situation qui lui permettrait de s’engager dans une guerre de telle ampleur. Cependant, un embrasement du front israélo-libanais serait beaucoup plus dangereux qu’une guerre régionale. La force de dissuasion du Hezbollah est considérée beaucoup plus nocive pour Israël par rapport aux autres fronts.
— Quels sont les paramètres de l’Administration américaine par rapport à l’escalade entre Israël et Hezbollah ?
— L’élargissement régional de la guerre à Gaza est la préoccupation principale de l’Administration américaine. Washington ne veut certainement pas d’un embrasement entre Israël et le Liban. Déjà, le soutien financier américain accordé à Tel-Aviv dans sa guerre à Gaza est trop coûteux. Par ailleurs, cette guerre est intervenue dans un moment où Washington était sur le point d’achever un rapprochement historique entre l’Arabie saoudite et l’Etat hébreu. Par conséquence, la politique adoptée par Washington vise à contenir le conflit.
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