Les secteurs du transport, de l’éducation et des produits alimentaires arrivent en tête des priorités de l’Organisme de protection de la concurrence. (Photo : Reuters)
Le gouvernement presse le pas pour promouvoir les règles de concurrence afin d’améliorer le climat d’investissement en Egypte, tant local qu’étranger. Cela implique le renforcement du rôle de l’Organisme égyptien de lutte contre le monopole et de protection de la concurrence, que ce soit au niveau législatif ou dans les procédures. C’est ce qu’ont affirmé les participants à la première conférence annuelle organisée par ledit organisme le dimanche 9 juin, sous le thème : « L’impact des politiques de concurrence sur les marchés et les économies nationales ». Les représentants d’institutions internationales ont mis en avant les progrès de l’Egypte dans l’application du principe de neutralité concurrentielle, qui garantit des conditions équitables de concurrence pour toutes les entreprises, sans favoritisme. Teresa Moreira, responsable de la division sur le commerce international à la Conférence des Nations-Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED), a qualifié l’expérience égyptienne et les mesures prises par le gouvernement en faveur de la neutralité concurrentielle de référence non seulement au niveau régional, mais aussi international. Elle a ajouté que le rôle de l’Organisme égyptien et du Comité suprême pour la neutralité concurrentielle, récemment créé, montre l’engagement de l’Egypte à renforcer la neutralité concurrentielle dans divers secteurs de l’économie.
La conférence a été tenue à un moment crucial pour l’économie égyptienne, marqué par une hausse de l’inflation, soulignant ainsi l’importance de renforcer le rôle des organismes de régulation du marché, y compris l’Organisme de lutte contre le monopole.
Le PDG de l’Organisme de lutte contre le monopole et de protection de la concurrence, Mahmoud Momtaz, a présenté les changements institutionnels et juridiques mis en place au cours des deux dernières années pour renforcer les capacités de l’organisme pour qu’il puisse jouer son rôle de manière indépendante et efficace. Il a souligné l’adoption de la stratégie de neutralité concurrentielle (2021-2025) en cohérence avec la Vision 2030 de l’Egypte et les objectifs de développement durable (voir encadré). « L’organisme a mis en oeuvre les quatre axes de la stratégie au cours de ses trois premières années. Nous avons récemment lancé un indice pour la neutralité concurrentielle dans plusieurs secteurs économiques. Cet indice, qui sera appliqué à 17 secteurs économiques dans la première phase, mesure le niveau de concurrence sur les marchés en vue de garantir la compétitivité de toutes les entreprises opérantes sur le marché », a souligné Momtaz, précisant que les secteurs du transport, de l’éducation et des produits alimentaires sont en tête de liste des priorités de l’Organisme à cause de leur impact sur les consommateurs. Il a également souligné les répercussions positives des évolutions régionales et internationales. L’Egypte a remporté plusieurs prix, dont le premier prix de la Banque mondiale en 2023. En outre, un rapport de la Commission Economique et Sociale des Nations-Unies pour l’Asie Occidentale (CESAO) a reconnu les progrès de l’Egypte dans l’application des lois, la neutralité concurrentielle et la surveillance des fusions-acquisitions, passant d’une position de « faible à modérée » à « très forte ».
Au niveau législatif, Momtaz a signalé le renforcement du rôle de l’Organisme de lutte contre le monopole et de protection de la concurrence dans la révision des lois et des décisions gouvernementales. La loi égyptienne sur la concurrence autorise l’émission d’avis par cet organisme sur les législations et politiques susceptibles d’impact sur la concurrence, garantissant ainsi la consultation préalable des autorités compétentes. « L’organisme a révisé 78 législations et décisions liées aux achats gouvernementaux pour juger s’ils ont été conclus sans traitement préférentiel avec le secteur privé », a précisé Momtaz. La loi n°175 de 2022 octroie à l’organisme la compétence de pré-contrôler les opérations de concentration économique (opération juridique résultant d’une entente conclue entre plusieurs entreprises par voie de fusion ou par jeu de contrôle pour dominer le marché).
De son côté, le vice-ministre des Finances, Ahmed Kojak, a souligné la coopération entre les ministères et l’Organisme de protection de la concurrence pour éliminer les distinctions entre entreprises publiques et privées, en appliquant le principe de neutralité concurrentielle. Il a mis en lumière les mesures prises par le ministère des Finances pour assurer cette neutralité, notamment l’annulation de tout traitement préférentiel des entreprises publiques dans les activités d’investissement et commerciales, et ce, afin de garantir une équité. « Tout traitement préférentiel accordé aux entreprises publiques dans toutes les activités d’investissement et commerciales dans le système douanier et fiscal a été annulé pour garantir qu’il n’y ait pas d’avantages », a expliqué Kojak, ajoutant que le ministère publie désormais mensuellement sur son site électronique tous les appels d’offres et contrats offerts par l’Etat, pour assurer la transparence. Kojak a aussi souligné qu’il y avait une prise de conscience croissante de la neutralité concurrentielle dans de nombreuses agences de l’Etat, citant comme exemple la Compagnie d’électricité, qui a pris la décision d’unifier les méthodes et les délais de paiement pour les secteurs privé et public.
Malgré les avancées réalisées, les experts soulignent le défi persistant de la sensibilisation des entités gouvernementales quant à l’importance de supprimer les distinctions entre entreprises publiques et privées pour attirer davantage d’investissements. « La faiblesse de la sensibilisation est vraiment un grand défi », a reconnu Momtaz, qui a organisé 84 ateliers, ainsi que deux conférences pour les milieux d’affaires au cours des deux dernières années pour sensibiliser les responsables des achats gouvernementaux aux principes de neutralité concurrentielle. De son côté, le directeur du bureau de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, Khaled Hamza, a annoncé une assistance technique à l’organisme pour renforcer son rôle dans la surveillance des marchés au cours des deux prochaines années.
Qu’est-ce que la stratégie de neutralité concurrentielle ?
La stratégie de neutralité concurrentielle vise à garantir que toutes les entreprises opérant sur le marché soient en concurrence égale et dans le même cadre réglementaire sans la moindre discrimination, qu’il s’agisse d’entreprises privées ou publiques, qu’il s’agisse d’entreprises étrangères ou locales. La stratégie repose sur quatre axes : le cadre institutionnel, le cadre réglementaire, la diffusion de la culture de neutralité concurrentielle et l’évaluation périodique de l’efficacité de l’application des principes de neutralité concurrentielle.
La stratégie a connu plusieurs mesures d’application selon le calendrier fixé jusqu’à présent, tel que la création du Comité suprême de soutien aux politiques de concurrence et de neutralité concurrentielle, dirigée par le premier ministre ; la création d’un département de soutien aux politiques de concurrence et à la neutralité concurrentielle au sein de l’Organisme de protection de la concurrence et de lutte contre le monopole ; la publication par le Conseil des ministres du livre périodique de conformité ; la nécessité pour les autorités administratives de l’Etat de s’engager à solliciter l’avis de l’organisme sur la législation pour assurer sa compatibilité avec la stratégie. Et enfin, la publication des orientations sur la manière dont les fonctionnaires peuvent évaluer les effets des lois et réglementations sur la concurrence dans le cadre réglementaire.
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