Le 10 juin, c’était le jour tant attendu par 745 086 étudiants du baccalauréat égyptien (Thanawiya Amma) pour entamer leurs examens de l’année 2024. A quelques jours des examens, le ministre de l’Education et de l’Enseignement technique, Reda Hégazi, a annoncé l’intention du ministère de préparer un nouveau projet de loi pour apporter une réforme radicale au système du baccalauréat.
Selon les détails révélés, les règles du nouveau système du baccalauréat seront principalement basées sur la liberté de choix. Il offrira aux étudiants de nombreuses opportunités prenant en considération les perspectives d’emploi futures et répondant aux exigences du marché du travail. Ainsi, le nouveau projet de loi en préparation présente un système de diplôme d’études pré-universitaires qui annule les deux filières existantes, à savoir les sections littéraire et scientifique. A leur place, quatre filières seront proposées aux étudiants : le secteur médical, l’ingénierie, les sciences humaines et l’intelligence artificielle. Le ministre a précisé que chaque filière comprendra quatre matières, dont deux qualifiantes pour la spécialisation choisie et deux matières de base. « Les travaux sont en cours avec le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique pour préparer ce projet de loi qui sera bientôt présenté au parlement. Le nouveau système sera mis en place directement après la promulgation de la loi », a affirmé le ministre.
Saluant la nouvelle proposition du ministère, la députée Saboura Al-Sayed, membre de la commission de l’enseignement au parlement, souligne l’importance de cette étape pour l’avenir des étudiants. « Le monde évolue et nous devons suivre cette évolution pour préparer nos étudiants à ce changement », déclare-t-elle. Elle ajoute que le gouvernement a accordé un intérêt particulier à la réforme de l’enseignement pré-universitaire, universitaire et technologique au cours des dernières années. Un plan de développement stratégique a été mis en place jusqu’en 2030 dans le but de créer un enseignement compétitif et avancé. Selon la députée, ce nouveau programme vise à poursuivre ce développement.
Des propositions de réforme
Certains experts ne partagent pas cet avis. La députée Maha Abdel-Nasser explique que, jusqu’à présent, aucun gouvernement n’a réussi à mettre en place une stratégie complète. « Chaque nouveau ministre essaie de mener une réforme éducative selon son point de vue. L’Etat ne possède pas de vision claire et précise permettant au système éducatif égyptien d’être compétitif à l’échelle internationale », explique Abdel-Nasser. « Nous devons nous inspirer des expériences de certains pays, tels que l’Inde et la Malaisie, qui ont rencontré les mêmes problèmes et ont réussi à mettre en place une réforme éducative réelle, leur permettant de suivre, voire de dépasser le niveau de certains pays développés », propose-t-elle. Elle ajoute que les gouvernements égyptiens avaient pour habitude de faire des réformes sans stratégie, et elle cite une mauvaise expérience : celle du système des tablettes électroniques. Ce système a été mis en place dans toutes les écoles secondaires, mais ni l’infrastructure, ni les ressources n’étaient au niveau permettant de garantir la réussite de ce système. Lancé en septembre 2018, le nouveau système de modernisation de l’enseignement pré-universitaire était basé sur la technologie moderne. Il consistait à fournir des tablettes et des cartes SIM gratuites aux élèves de première secondaire, afin de leur permettre d’accéder à leurs programmes et de les aider à passer des examens en ligne via les tablettes. Cependant, en 2019, 600 000 élèves de première année secondaire dans plusieurs gouvernorats n’ont pas pu accéder à leurs examens en ligne faute de connexion Internet les 24 et 25 mars de cette année-là.
Mais lors de l’année scolaire 2023-2014, les élèves de première secondaire n’ont reçu ni tablettes ni livres scolaires. Les raisons de cette situation n’ont jamais été expliquées. C’est pourquoi Hassan Shehata, professeur de programmes d’études à l’Université de Aïn-Chams, souligne qu’une stratégie complète et logique est la première étape indispensable à une réforme éducative réussie. Il explique que le manque d’enseignants est un véritable obstacle. « Le ministère de l’Education a ouvert la porte, depuis l’an 2021, aux diplômés des facultés de pédagogie, afin de leur permettre de travailler selon un système de volontariat avec des salaires modestes, certains sont même payés en fonction du nombre de cours, parce que le gouvernement a cessé depuis quelques années d’embaucher dans le secteur. Or, aucun enseignant qualifié n’acceptera de contrat temporaire, préférant s’orienter vers les écoles privées ou les cours particuliers », assure-t-il.
Shehata pointe également le problème du manque d’écoles publiques de qualité, où les élèves se retrouvent entassés dans les classes sans laboratoires, ateliers ni installations sportives. Le budget alloué à l’éducation et à l’enseignement est insuffisant, le pays dépendant des écoles et des universités privées faute de soutien suffisant aux institutions publiques, créant ainsi un déséquilibre dans l’enseignement. Pour Shehata, les programmes actuels, même s’ils sont développés, reposent toujours sur la mémorisation et l’endoctrinement, manquant d’adaptation au dynamisme de modernisation du secteur éducatif. Il estime que la réforme éducative doit être un processus global et non une simple décision gouvernementale qui peut être modifiée à chaque remaniement ministérie.
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