« Des personnalités compétentes, expérimentées et dotées de capacités exceptionnelles ». Telles sont les qualifications recommandées par le président Abdel Fattah Al-Sissi pour le nouveau gouvernement. Le président a accepté, le 3 juin, la démission du gouvernement actuel et a chargé le premier ministre, Mostafa Madbouly, de former son nouveau cabinet « comprenant les expériences et les compétences nécessaires pour gérer la prochaine étape, réaliser le développement attendu de la performance gouvernementale et faire face aux défis auxquels l’Etat est confronté ».
Lors de son entretien avec Madbouly, le président a tracé les grands traits attendus du prochain gouvernement. Il a notamment souligné l’importance pour « le nouveau cabinet de réaliser un certain nombre d’objectifs, en tête desquels la préservation des fondements de la sécurité nationale égyptienne à la lumière des défis régionaux et internationaux ». Il a également insisté sur l’intérêt qui doit être apporté au citoyen égyptien en tête des priorités, « notamment dans les domaines de la santé et de l’éducation, ainsi que la poursuite des efforts de développement de la participation politique ».
Concernant les dossiers de la sécurité, de la stabilité et de la lutte contre le terrorisme, Sissi a appelé à « renforcer ce qui a été réalisé à cet égard », exhortant à « développer les dossiers de la culture, de la conscience nationale et du discours religieux modéré de manière à ancrer les concepts de citoyenneté et de paix sociale ». Les directives du président au nouveau gouvernement ont inclus « la poursuite du processus de réforme économique en mettant l’accent sur l’attraction et l’augmentation des investissements nationaux et étrangers, la promotion de la croissance du secteur privé et tous les efforts possibles pour contenir la hausse des prix et de l’inflation et pour réguler les marchés, dans le cadre d’un développement global de la performance économique de l’Etat dans tous les secteurs ».
Le président a maintenu la présence de Mostafa Madbouly à la tête du nouveau gouvernement pour poursuivre une mission qu’il a commencée en 2018. Selon la professeure de sciences politiques Nourhane El-Cheikh, « il existe une harmonie entre la personnalité du président et celle du premier ministre qui facilite le travail du gouvernement et réalise la vision du président pour le pays ». Elle explique que le régime égyptien est un système semi-présidentiel qui nécessite inévitablement la présence d’une entente entre le président de la République et le premier ministre. Une autre raison qui ne manque pas d’importance selon El-Cheikh : « Depuis 2018, Madbouly a entre les mains des dossiers délicats et suit de près tous les projets de développement en cours de réalisation. C’est lui qui a lancé, sous les directives du président, plusieurs stratégies dans divers secteurs. Donc sa reconduction est nécessaire en ce timing crucial ».
Quels changements attendus ?
Concernant la formation du gouvernement attendu, El-Cheikh prévoit que les changements touchent un grand nombre de portefeuilles où seraient nommés des ministres technocrates. Elle affirme que « nous avons besoin de nouveaux spécialistes pour à la fois répondre aux ambitions des citoyens égyptiens et réaliser la vision de développement de l’Etat au cours du troisième mandat du président Sissi ». Selon la professeure, les priorités pour la prochaine étape vont dans deux directions. « La première orientation vise à soutenir le niveau de services rendus aux citoyens et à améliorer leur qualité de vie, que ce soit au niveau de la santé, de l’éducation, ou autres. La deuxième orientation consiste à alléger le fardeau causé par le programme de réforme économique, qui se poursuivra sur le même plan. Mais le principal défi auquel sont confrontés les nouveaux ministres est de mettre en oeuvre la réforme économique qui réaliserait ce programme tout en tenant en compte la dimension sociale ».
El-Cheikh explique que le président a identifié les dossiers de la santé et de l’éducation qui devraient être pris en considération. Il a également souligné la nécessité d’achever, sur la même voie, le programme de réforme économique, mais peut-être avec une vision et des figures nouvelles. « Il est donc prévisible que ces portefeuilles viendront en tête du remaniement. Malgré les efforts déployés dans ces secteurs, auxquels l’Etat consacre un grand budget, ils restent parmi les secteurs vitaux aux grands problèmes. Ce qui nécessite une nouvelle vision capable de réaliser un progrès tangible dans les limites du budget consacré ». Et d’ajouter : « Nous pouvons également deviner, à travers les recommandations du président, que les portefeuilles économiques témoigneront également d’un important changement à la lumière des défis qui s’imposent dans la phase à venir ».
El-Cheikh prévoit en outre la fusion de plusieurs portefeuilles et la suppression d’autres, par exemple l’établissement d’un ministère pour l’investissement et d’un autre pour l’économie. Et ce, parce que l’Etat se trouve en face d’une étape différente, aux niveaux régional, international et même interne.
Pour sa part, le professeur de sciences politiques Tarek Fahmy estime qu’« un réel remaniement ne signifie pas juste un changement de figures mais aussi un changement de la politique générale du gouvernement, qui doit répondre à une vision réaliste de l’intérêt du citoyen ». Il ajoute : « Dans ses directives, le président a défini de nombreuses tâches pour le nouveau gouvernement, que nous espérons être prises en considération, et a recommandé la formation d’un gouvernement d’experts et de technocrates. Il s’agit de conditions nécessaires pour ressentir un réel changement », explique Fahmy. L’expert souligne, de son point de vue, les priorités de la phase à venir : « Nous avons besoin d’un groupe économique doté de politiques financières et monétaires claires et réfléchies, qui aurait une vision et une approche à court et moyen termes. Un gouvernement qui lutte contre la hausse des prix et assure le contrôle du marché, un gouvernement qui ressent les problèmes du citoyen et qui est conscient de la réalité qu’il vit. Bref, nous avons besoin d’un gouvernement fort », conclut Fahmy.
Ce que le gouvernement Madbouly a réalisé
- Réformes économiques :
Programme de réforme économique :
Poursuite et expansion des réformes économiques initiées avec le Fonds Monétaire International (FMI) pour stabiliser l’économie égyptienne, réduire le déficit budgétaire et stimuler la croissance économique.
Réduction des subventions :
Réduction progressive des subventions sur le carburant et d’autres biens pour alléger le fardeau fiscal et rediriger les fonds vers les secteurs prioritaires.
- Développement des infrastructures :
Nouvelle Capitale administrative :
Avancement des travaux de construction de la Nouvelle Capitale administrative de l’Egypte, destinée à décongestionner Le Caire et à moderniser l’administration publique.
Projets de transport :
Développement et modernisation des infrastructures de transport, y compris l’expansion du réseau de métro du Caire, la construction de nouvelles routes et autoroutes, en plus de l’amélioration des services ferroviaires, de l’établissement du monorail du Caire, du train à grande vitesse et autres.
- Investissements et partenariats :
Investissements étrangers :
Mise en oeuvre de politiques favorables aux Investissements Etrangers Directs (IED), y compris des réformes réglementaires pour améliorer l’environnement des affaires.
Partenariats internationaux :
Renforcement des partenariats économiques avec plusieurs pays et institutions internationales pour stimuler le développement et l’industrialisation.
Projet de Ras Al-Hikma :
Le projet de Ras Al-Hikma est le « plus grand accord d’investissement direct étranger » que l’Egypte ait connu au cours de son histoire. Il est signé avec la compagnie émiratie Abu Dhabi Developmental Holding Company et consiste en la création d’une ville futuriste au bord de la Côte-Nord sur la Méditerranée avec un énorme financement qui va accroître le potentiel urbain et touristique de l’Egypte et l’aider à sortir de sa crise économique actuelle.
- Secteur de l’énergie :
Energies renouvelables :
Promotion des projets d’énergie renouvelable, notamment les parcs éoliens et solaires, pour diversifier le mix énergétique de l’Egypte et réduire la dépendance aux combustibles fossiles.
- Tourisme et culture :
Promotion du tourisme :
Initiatives pour revitaliser le secteur du tourisme, y compris la rénovation de sites historiques et la promotion de nouvelles destinations touristiques.
Conservation du patrimoine culturel :
Efforts pour préserver et restaurer le patrimoine culturel de l’Egypte avec des projets majeurs tels que le Grand Musée égyptien près des pyramides de Guiza
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