Depuis plus de deux semaines, des combats acharnés secouent la ville d’El-Facher, au Darfour à l’ouest du Soudan. Cette ville, accueillant de nombreux réfugiés soudanais, est devenue un centre essentiel pour les aides humanitaires dans cette vaste région menacée par la famine. Depuis avril 2023, le Soudan est le théâtre d’une guerre dévastatrice entre l’armée dirigée par le général Abdel-Fattah Al-Burhan et les paramilitaires de son ex-adjoint devenu rival, le général Mohamed Hamdan Daglo, commandant des Forces de Soutien Rapide (FSR). El-Facher était considérée comme la seule capitale des cinq Etats du Darfour à échapper au contrôle des FSR.
La communauté internationale a mis en garde à plusieurs reprises contre un carnage imminent à El-Facher faisant craindre un nouveau tournant alarmant dans le conflit, car chaque camp veut être le vainqueur. « Les intérêts personnels sont le vrai enjeu du conflit entre les dirigeants soudanais. Comme toutes les guerres, les négociations de paix deviennent la seule solution pour mettre fin aux combats et régler la crise. Les divergences persistent toujours car chaque camp a ses ambitions et cherche à augmenter ses gains pour avoir la supériorité durant les négociations. Le gagnant dictera ses conditions et l’autre camp sera obligé de faire des concessions », explique Dr Bassem Rashed, analyste au centre Al-Fekr (la pensée) pour les études politiques.
Selon l’ONU, la ville est de fait soumise à un siège avec des routes bloquées et une circulation dangereuse ou faisant l’objet de restrictions. Les habitants sont incapables de se déplacer pour des soins d’urgence en raison des affrontements, frappes d’artillerie et bombardements aériens de l’armée. Les organisations humanitaires ont appelé à autoriser de nouvelles entrées d’aides humanitaires. Soumises à de fortes pressions de la part de la communauté internationale, les FSR ont exprimé, vendredi 24 mai dans un message sur X, leur volonté « d’aider les citoyens en ouvrant des passages sûrs pour qu’ils partent volontairement vers des zones de leur choix ».
Elles ont appelé les habitants d’El-Facher à « éviter les zones de combats et les zones susceptibles d’être ciblées par les forces aériennes » et à « ne pas répondre aux appels malveillants visant à mobiliser les habitants et à les entraîner dans la guerre ». Quelque 1,5 million de personnes, dont 800 000 déplacés, vivent dans la ville d’El-Facher qui avait été relativement épargnée grâce à un accord négocié entre des groupes armés locaux et les FSR. Mais en avril, les deux principaux groupes armés ont renoncé à leur neutralité pour combattre aux côtés de l’armée. En réponse, les paramilitaires ont assiégé la ville.
Bombardements aveugles
L’armée comme les FSR sont accusées de bombardements aveugles sur des zones civiles et d’obstruction au passage de l’aide humanitaire, les paramilitaires étant spécifiquement accusés de nettoyage ethnique et de crimes contre l’humanité.
La guerre au Soudan a poussé environ 1,8 million de personnes à quitter le pays et a provoqué 6,7 millions de déplacés internes.
« Un an après la guerre, le Soudan et ses voisins connaissent l’une des crises humanitaires les plus importantes et les plus difficiles », a déclaré Olga Sarrado Mur, porte-parole de l’Agence des Nations-Unies pour les réfugiés (UNHCR). Et d’ajouter que le conflit en cours a brisé la vie des gens. Les attaques contre les civils et les violences sexuelles et sexistes liées au conflit se poursuivent sans relâche. Selon l’UNHCR, le Soudan a connu la destruction presque totale de sa classe moyenne urbaine : architectes, médecins, enseignants, infirmières, ingénieurs et étudiants ont tout perdu.
A mesure que le conflit se poursuit, de plus en plus de personnes seront contraintes de fuir le Soudan vers les pays voisins ou de se déplacer plus loin, risquant leur vie dans des voyages longs et dangereux pour se mettre en sécurité.
Environ 25 millions de personnes, soit plus de la moitié de la population, ont besoin d’aide, dont près de 18 millions confrontées à une insécurité alimentaire aiguë, selon les Nations-Unies. « La crise soudanaise est éclipsée par les guerres en Ukraine et à Gaza. Mais la solution de cette crise est dans les mains de la communauté internationale, car elle peut renforcer la pression sur les camps en conflit pour les obliger à y mettre fin », conclut Dr Bassem Rashed.
Lien court: