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Le cinéma face aux maux de guerre

Cannes, Par Yasser Moheb, Mercredi, 22 mai 2024

A sa 77e édition, le Festival international du film de Cannes tente de faire face aux différentes crises. Coup de projecteur sur une première semaine riche en cinéma et en débats engageants.

Le cinéma face aux maux de guerre
Tout le monde aime Toda, de Nabil Ayouch.

« On a décidé de faire un Festival sans polémique. On a pris soin de faire en sorte que l’intérêt majeur de ce pour quoi nous sommes tous ici reste le cinéma ». C’est ce qu’a déclaré le délégué général Thierry Frémaux à la presse, à l’ouverture du festival. Toutefois, malgré les essais louables de garder l’événement à l’abri des tensions politiques, une panoplie de fictions et d’idées engagées se pourchassent sur l’écran cannois, laissant le septième art refléter les maux des différents peuples.

A 85 ans, le mythe du cinéma américain d’origine italienne Francis Ford Coppola, doublement palmé pour Conversation secrète et Apocalypse Now dans les années 1970, est revenu cette année à Cannes avec son testament en compétition. Et c’est peu dire qu’on attendait ce nouveau film, 13 ans après Twixt, son dernier en date. Fresque aux ambitions colossales dont le cinéaste a rêvé pendant des décennies avant de la produire avec ses propres deniers, Megalopolis nous emmène dans une Amérique décadente. Cesar Catilina (Adam Driver), un architecte visionnaire, s’oppose à Ciceron (Giancarlo Esposito), le maire conservateur de la ville de New Rome, version futuriste de New York, pour reconstruire la cité sur des bases plus durables. « Je dédie mon film à l’espoir et aux enfants. Créons un monde pour les enfants », a déclaré le réalisateur, sous les applaudissements à la fin de la projection. Sa montée des marches le 16 mai, chapeau de paille et canne à la main sur la musique du « Parrain », restera dans l’histoire du Festival comme le probable adieu d’une des dernières légendes du Nouvel Hollywood.

Un autre retour au tapis rouge cannois, celui du prince charmant d’Hollywood, l’acteur américain Richard Gere, qui est venu présenter Oh, Canada de Paul Schrader, en lice pour la Palme d’or. L’acteur qui a toujours gardé une distance avec son métier retrouve aujourd’hui, et après une quarantaine d’années, le réalisateur d’American Gigolo, film qui l’a propulsé, en 1980, en tant que sex-symbol. A 74 ans, il tient là le rôle crépusculaire d’un opposant à la guerre du Vietnam qui a fui les Etats-Unis et qui, en fin de vie, se confie à un jeune journaliste.

Citons également les nouveaux films de Kevin Costner, Paolo Sorrentino, Sean Baker, Yorgos Lanthimos et Andrea Arnold, vivement applaudis par les festivaliers. Des comédies françaises plus légères ont été également au programme et beaucoup attendaient la projection de l’adaptation du Comte de Monte-Cristo, hors compétition.

Mais un autre film vient surtout de secouer la Croisette, c’est Furiosa : A Mad Max Saga (Furiosa : une saga Mad Max). Cette dystopie apocalyptique ramène le réalisateur George Miller au festival dont il est devenu habitué en tant que juré.


Hommage à Meryl Streep.

Huit films arabes sur la Croisette

Nombre de cinéastes arabes ont défilé sur la croisette, dont les artistes égyptiens Yousra et Hussein Fahmy, le président du conseil d’administration de la Fondation La Mer Rouge (Red Sea Film Foundation), Joumana Al-Rached, le président du festival, Mohamad Al-Tourki, la réalisatrice libanaise Nadine Labaki, membre du jury de la compétition officielle, et la réalisatrice marocaine Asmaa Al-Moudair, membre du jury de la section Un Certain Regard.

D’ailleurs, cette 77e édition du Festival de Cannes témoigne de la participation de huit films arabes aux différentes compétitions du festival, venant d’Egypte, d’Arabie saoudite, du Maroc, de Somalie, de Palestine et d’Algérie. Deux films égyptiens, Charq 12 (à l’Est du midi) de Hala El-Koussy et le documentaire Les Filles du Nil de Nada Ryad et Ayman Al-Amir. Un film saoudien Norah de Tawfik Alzaidi. Du Maroc, Tout le monde aime Toda de Nabil Ayouch et La mer lointaine de Saïd Ben-Himmich. Un film somalien, Le village à côté du paradis de Mo Hrawi. Un film palestinien, Vers une terre inconnue du réalisateur palestino-danois Mehdi Fleifel. Un court métrage algérien, After the Sun de Ryan McEidry.

Le film Tout le monde aime Toda du réalisateur marocain Nabil Ayouch a été présenté pendant la première semaine de la cuvée cannoise dans la section « Cannes Première ». C’est une oeuvre cinématographique dans laquelle les cheikhats sont à l’honneur et l’art de « Aita », un des genres musicaux populaires au Maroc. A travers l’histoire poignante d’une cheikha qui résiste à la société sur plus d’un front afin de s’imposer et assurer sa subsistance au quotidien.

Le réalisateur marocain Nabil Ayouch reste fidèle à son style cinématographique controversé. Il s’infiltre une fois de plus dans des domaines cachés ou interdits de la société marocaine dont beaucoup de réalisateurs ne daignent pas s’approcher. D’un oeil intelligent, il ajoute une touche de distinction à ses oeuvres, quelles que soient les différences de points de vue sur elles. Toujours dans un contexte arabe, le film français Les Fantômes de Jonathan Millet évoque les traumatismes de la guerre ; il fait le pari de saisir la violence de la guerre, au-delà des images. En résulte un film délicatement remarquable. Les événements du film se passent à Strasbourg aujourd’hui, racontant l’histoire de Hamid qui est l’un des membres de la cellule Yaqaza, une organisation secrète de citoyens syriens qui poursuivent les criminels de guerre. Il suit la piste de son ancien bourreau dont il n’a jamais vu le visage.

En mêlant ainsi sa chasse à l’homme, et à la justice, à des réflexions sur le syndrome du stress post-traumatique, le cinéaste livre là un long métrage brillant et engageant. Une première semaine riche en moments forts.

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