A quelque 30 kilomètres au sud du Caire se dresse l’un des plus importants ateliers de fabrication des répliques des pièces d’antiquité. Avant de franchir le seuil de l’atelier, les yeux du visiteur tombent sur des statues colossales inachevées représentant des souverains de dynasties variées de l’Egypte Ancienne. « Cette usine renferme une série d’ateliers qui produisent des répliques de monuments et autres pièces d’antiquité », explique Atef Abdel-Shafi, fondateur de l’usine Horus de statues archéologiques.
L’usine s’ouvre sur une vaste cour rectangulaire. Là, des répliques de stèles et de statues, et même des maquettes de tombes dont les parois sont dotées d’ornementations et de scènes diverses, longent les murs de la cour. Parmi toutes ces répliques surgit une grande statue du Sphinx que l’on reconnaît à son visage humain et son corps de lion. « Toutes ces répliques sont exposées au soleil depuis des mois pour qu’elles obtiennent le teint de l’ancienneté et apparaissent comme authentiques », souligne Atef Abdel-Shafi, directeur de l’usine. Et d’ajouter que cette cour est le point de départ d’une chaîne de fabrication de répliques et de souvenirs. Pour lui, cette usine est une vraie ruche d’abeilles comptant plusieurs ateliers, chacun est spécialisé dans une seule étape du travail.
Bastet occupe une place importante dans l’atelier. (Photo : Doaa Elhami)
Etape par étape
Sculpter un moule est la première étape de la fabrication d’une pièce. L’ouvrier prépare la résine et la verse dans ce moule afin d’obtenir la réplique brute. « Une fois la pièce brute fabriquée, elle est transférée à la section de coloriage, et ensuite elle est remise aux polisseurs et envoyée à la section de teinture », explique l’ingénieur Mohamed Atef, responsable des expositions étrangères au sein de l’usine. Le bruit de la frappe et du ponçage des pièces émanant des différents ateliers domine l’usine. « On est en train de poncer les pièces pour enlever certaines déformations et nettoyer le modèle, afin de rendre sa surface lisse », explique un ouvrier en effectuant son travail.
Selon Atef, la pièce, fabriquée en polyester, doit avoir l’apparence du métal. Pour ce faire, les pièces sont transférées au laboratoire du cuivre. « Là, nous trempons la pièce dans une baignoire de cuivre liquide pendant quelques instants. Elle doit absorber complètement le cuivre et celui-ci doit la couvrir entièrement », explique-t-il. Ensuite, on fait sécher la pièce et on la place dans une baignoire de nickel afin de l’isoler de l’oxygène et la protéger du cuivre qui peut provoquer une érosion. Une étape essentielle.
Les responsables de l’usine cherchent à respecter l’allure et la forme authentiques de la statue ou du masque d’or qui est en train d’être imité. « Pour arriver au meilleur résultat, la réplique doit être submergée dans une baignoire d’argent qui la rend brillante. Ensuite, il faut la tremper dans de l’or pour lui offrir de l’éclat et la couleur dorée », renchérit l’ingénieur Mohamed Atef. D’après Ahmed Awad, superviseur des ouvriers, les pièces dorées sont ornées, retouchées et façonnées au deuxième étage par des paysannes très bien entraînées.
Les dernières retouches. (Photo : Doaa Elhami)
Finesse
La plupart des travailleurs sont des femmes. Dans un coin de l’usine, deux d’entre elles sont en train de décorer une réplique du masque d’or de Toutankhamon. « Cette réplique est une copie du masque exposé au Musée égyptien de Tahrir », souligne Mohamed Atef. Et d’ajouter que les femmes qui travaillent respectent les détails du masque d’origine, d’après les images qu’elles possèdent. « Je colorie le masque avec un pinceau très fin en essayant de respecter le plus possible la couleur d’origine utilisée par le peintre de l’époque ancienne », dit Hanem, qui travaille à l’usine depuis 18 ans. Elle ajoute : « Je suis fière de décorer ce masque qui fait partie de notre histoire ». Sa camarade, elle, prépare la résine bleue pour façonner les parures précieuses qui ornent le masque. « L’habilité des peintres est requise pour avoir une pièce bien faite. Si le masque d’origine est en or pur et pèse 10,32 kg, la réplique est très légère », souligne Amr Al-Tibye, ex-directeur de l’unité de fabrication des répliques archéologiques auprès du ministère des Antiquités. Il ajoute que ce genre de répliques utilisé dans les expositions permet de préserver les pièces d’origine qui se trouvent dans les musées. C’est pourquoi les peintres et les dessinateurs de l’usine imitent même les fissures de certaines statues comme celle de la déesse Bastet qui se trouve au deuxième étage de l’usine. « Les répliques de Bastet varient entre statues sculptées avec de fausses pierres et statuettes de divers volumes. Elles sont toutes vendues comme souvenir dans les bazars », affirme Al-Tibye.
Les pièces sont exposées au soleil afin de prendre un teint d’ancienneté. (Photo : Doaa Elhami)
Certaines répliques de la statue de Bastet la représentent allongée et allaitant ses enfants. « L’oeuvre d’origine est exposée au Musée du Louvre », ajoute Al-Tibye. Parmi les répliques fabriquées à l’usine, il y a des sarcophages et des momies, des pièces de l’époque gréco-romaine, les célèbres portraits du Fayoum, des niches comme celle de Baouit, des icônes de la Vierge Marie accompagnée de son enfant Jésus et autres. Il y a aussi des répliques de pièces de l’époque islamique comme le mihrab de la Qibla et la Kiswa de la Kaaba ornées de versets coraniques tissés de fils dorés et argentés. Et ce, sans oublier l’emblème de la famille alide et le mobilier en arabesque.
Selon Amr Al-Tibye, ces répliques sont utiles dans l’enseignement. Certaines écoles s’en servent pour enseigner à leurs élèves les programmes d’histoire. « D’ailleurs, une série télévisée sur la contrebande des antiquités a été filmée à l’usine », reprend-t-il. Il espère signer un protocole avec plusieurs ministères pour développer des méthodes permettant d’élever la conscience du grand public quant à l’archéologie.
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