Sous un éclairage bleuâtre et dans une salle poussiéreuse, pleine de toiles d’araignées, Joe, un disciple d’Hoffmann, est tout seul. Il frôle les meubles, commence à enlever les draps blancs qui les couvrent et tombe sur un ancien piano. Les touches du piano chuchotent ensuite le mot « Schokolade ». Stupéfiait, Joe s’en éloigne et fuit la salle pour aller chercher sa collègue, Anna.
Tel est le début de Schokolade, un mini-opéra en anglais présenté au théâtre Rawabet d’après le libretto de l’Anglaise Sophie Rashbrook, mis en musique par l’Egyptien Bahaa Al-Ansary. Il s’agit d’une nouvelle expérience pour le metteur en scène Ahmed Al-Attar qui s’aventure dans le domaine du show musical. « J’ai toujours aimé la musique classique. Depuis une dizaine d’années, j’éprouve un grand intérêt pour les opéras. J’ai alors voulu travaillé sur ce petit opéra qui regroupe les traits de la composition de la musique classique et la fraîcheur de la musique contemporaine. J’étais très curieux de découvrir les réactions du public », souligne le metteur en scène.
Schokolade fait partie d’un projet de coopération entre Orient Productions, la société fondée et dirigée par Attar, et le British Council du Caire, dans le but de soutenir les jeunes artistes anglais et égyptiens.
Al-Ansary est un compositeur de musique classique, qui a cofondé Cairo Impro en 2017, offrant des ateliers et des concerts basés sur l’improvisation. Il s’est déjà produit dans le cadre du festival D-CAF en 2016, avec un orchestre de violons.
Ses compositions se jouent partout en Europe et au Royaume-Uni, à Singapour, au Liban, en Egypte et aux Etats-Unis. Le compositeur a déclaré dans les médias que l’idée du « piano ensorcelé » le hantait depuis un certain temps. Il a alors raconté son idée à l’autrice Rashbrook qui l’a transformée en libretto. Rashbrook est écrivaine, et elle a déjà signé plusieurs librettos donnés en Europe.
Drame du passé
L’opéra se déroule dans un passé lointain. Les comédiens (Amira Réda dans le rôle d’Anna et Daniel Hany dans le rôle de Joe), avec leur maquillage, leurs habits et leurs accessoires, semblent sortir du début du XXe siècle. Leurs visages sont couverts de gris et leurs vêtements plutôt classiques, voire démodés. Les noms des musiciens Hoffmann et Bach, qui reviennent dans les dialogues, révèlent que l’on se situe dans le répertoire des musiciens classiques allemands.
Le décor et les accessoires d’Ahmed Ashmawy : fils d’araignées, draps blancs poussiéreux, tiroirs antiques, papiers jaunissants …, ainsi que l’éclairage sombre de Sayed Naggar nous situent davantage dans une autre époque.
Anna et Joe, deux admirateurs d’Hoffmann, tentent de déchiffrer l’histoire du piano qu’ils ont trouvé, afin de mieux comprendre ses messages.
Amira Réda et Daniel Hany chantent aussi bien qu’ils jouent. (Photo : Moustafa Abdel-Aty)
L’instrument demande à plusieurs reprises d’avoir du chocolat. Puis, il se tait pendant un moment. Les deux protagonistes recourent à Bach pour qu’il leur vienne en aide. Ce dernier (campé par le compositeur Bahaa Al-Ansary) est un personnage sérieux, dont les gestes et les mimes exagérés font plutôt rire. Il avance machinalement, son corps vibre automatiquement avant de s’asseoir sur le tabouret du piano, etc.
L’humour marque l’opéra et ce, malgré son ambiance sombre. Anna et Joe ajoutent par eux-mêmes quelques détails humoristiques, faisant preuve de la maîtrise parfaite de leur jeu.
Résoudre le mystère
Le piano raconte ensuite son histoire. Il est Sébastien, un élève qui n’aimait pas la musique, mais grâce à un piano magique acheté par son professeur, il arrive à bien jouer et ce, en contrepartie d’un chocolat délicieux.
Petit à petit, l’élève devient brillant et joue avec extase. Enivré par son potentiel, il est traîné inconsciemment à l’intérieur du piano et s’y enferme à jamais. Son histoire doit plus ou moins se répéter avec quelqu’un d’autre pour qu’il se libère. Anna et Joe jouent au piano et tombent dans le piège.
La musique est interprétée live par l’ensemble d’Ahmed Osman, sous la baguette d’Al-Ansary. Les instruments à vent reflètent les états d’âme des comédiens. Les mélodies et les sons graves accentuent l’aspect mystérieux de l’opéra.
Sur un petit écran, Al-Attar a choisi de transcrire en anglais et en arabe le libretto de Sophie Rashbrook, pour que le public comprenne. « Souvent, le chant de l’opéra est incompréhensible pour le grand public qui n’est pas habitué à écouter ce genre d’art. Alors, pour rendre l’opéra plus accessible à tous, j’ai mis le texte sur l’écran », précise-t-il. Après la réussite de cette version anglaise, Attar tente de présenter une version arabe du même opéra. « Cela nécessite que je discute avec Al-Ansary pour voir comment adapter le texte arabe au chant d’opéra », conclut-il.
Schokolade sera repris en juillet prochain au théâtre Rawabet.
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