Après six mois de guerre à Gaza, les bombardements israéliens se poursuivent dans l’enclave palestinienne. En dépit du vote au Conseil de sécurité de l’ONU d’une résolution appelant à un cessez-le-feu immédiat entre le Hamas et Israël, la situation humanitaire ne cesse de se détériorer. Lundi, plusieurs dizaines de cadavres ont été découverts après le retrait israélien de l’hôpital Al-Chifa, le plus grand du territoire palestinien assiégé, suite à une opération militaire qui a duré deux semaines, selon le ministère de la Santé palestinien. En outre, 32 845 personnes ont été tuées et 75 392 blessées dans la bande de Gaza depuis le début de la guerre, toujours selon le ministère de la Santé de Gaza.
Plusieurs centaines de manifestants ont dénoncé à Berlin, Paris, Copenhague, Amsterdam, Londres et dans la ville suédoise de Helsingborg les massacres commis contre le peuple palestinien et le génocide perpétré dans la bande de Gaza. Des manifestations de soutien à la Palestine et à Gaza ont également eu lieu dans plusieurs pays arabes à l’occasion du 48e anniversaire de la Journée de la Terre, célébrée le 30 mars de chaque année.
Reprise des pourparlers
Alors que la guerre se poursuit, les pourparlers visant à parvenir à un cessez-le-feu ont repris au Caire dimanche 31 mars avec la participation des services de renseignement égyptiens, des Etats-Unis et d’une délégation israélienne composée de représentants du Shin Bet, de l’armée israélienne et du Mossad. Ces réunions font suite à une série de rencontres récemment accueillies par l’Egypte et le Qatar, auxquelles ont participé, outre Doha et Le Caire, les chefs des services de renseignement des Etats-Unis et d’Israël. Une délégation du bureau politique d u Hamas a également participé séparément aux réunions. Mais les négociations semblent dans l’impasse, Israël a convoqué ses négociateurs à Doha le 26 mars en raison des exigences du Hamas qu’il juge « irréalistes ».
Dans ce nouveau cycle de négociations, les médiateurs ont mis l’accent sur l’importance de « ne pas repartir à zéro » et de « préparer des formules alternatives » par le biais des équipes techniques, pour garantir qu’il n’y ait plus de perte de temps et pour combler les lacunes conduisant au blocage qui persiste jusqu’à présent.
Les négociations achoppent sur plusieurs facteurs, notamment la libération des otages, la fin de la guerre et le retour des Palestiniens qui ont fui les bombardements en se rendant au sud de Gaza dans leurs foyers. Tandis qu’Israël exige la libération des otages en échange d’une trêve, le Hamas demande l’arrêt définitif de la guerre. Selon la Radio israélienne, Israël aurait accepté un retour limité de 2 000 personnes vers le nord de la bande de Gaza, alors que le Hamas exige le retour de tous les Gazaouis dans leurs foyers.
Dr Tarek Fahmy, professeur de relations internationales à l’Université du Caire, affirme que toutes les questions épineuses ont été évoquées au Caire, notamment le retour des déplacés, la levée progressive du siège imposé à Gaza et l’échange des détenus et des prisonniers. « Les négociations sont ardues et les positions des deux parties, israélienne et du Hamas, sont rigides », souligne Fahmy.
Pour Achraf Singer, expert en politique internationale, Israël cherche seulement à gagner du temps pour réaliser ses objectifs sur le terrain. Et d’ajouter : « Netanyahu se trouve dans une situation difficile sur le plan interne. Il n’a réalisé aucun de ses objectifs, à savoir la libération des otages et la destruction du Hamas. S’il accepte la libération des otages en échange d’un arrêt de la guerre, le Hamas sortira de cette guerre gagnant. De l’autre côté de la barre, le Hamas ne peut pas accepter de libérer les otages en échange d’une trêve, car dans ce cas, Israël obtiendra ce qu’il veut (la libération des otages) et continuera ensuite à frapper le Hamas ». En bref, chaque partie veut sortir gagnante de cette confrontation.
Les mouvements Hamas et Jihad islamique avaient annoncé, au terme d’une rencontre entre le chef du bureau politique du Hamas, Ismaïl Haniyeh, et le secrétaire général du Jihad islamique, Ziyad Al- Nakhalah, à Téhéran, que le succès de toute négociation « dépend de l’arrêt de la guerre, du retrait complet d’Israël de Gaza, du retour des déplacés, de l’entrée de l’aide à Gaza et de la libération des prisonniers ». Quant à Tel-Aviv, il exige la libération de tous les détenus, rejette un retrait complet de la bande de Gaza et fixe également des conditions du retour des personnes déplacées.
Israël continue d’esquiver toute négociation sur un retrait de Gaza et il ne veut pas fournir d’informations sur les prisonniers palestiniens qui sont dispersés dans de nombreuses prisons israéliennes. De même, Tel-Aviv ne veut pas évoquer le retour des déplacés du nord dans leurs foyers. Quant au Hamas, Achraf Singer estime qu’il ne peut pas reculer après tant de martyrs et de blessés : « Le Hamas a décidé d’aller jusqu’au bout, d’autant que la communauté internationale a commencé à sympathiser avec le peuple palestinien de Gaza qui vit une véritable tragédie humanitaire ». En effet, le Hamas a présenté, pour la première fois, ses excuses aux Gazaouis pour les souffrances causées par la guerre, dimanche 31 mars, sur sa chaîne Telegram. Mais il a affirmé aussi sa volonté de poursuivre cette guerre, qui doit permettre de parvenir à « la victoire » et à « la liberté ».
L’opération de Rafah
Le premier ministre israélien continue de faire miroiter le spectre d’une opération militaire à Rafah. Il s’agit là de sa dernière carte pour sortir victorieux de la guerre. Le chef du gouvernement israélien a affirmé qu’il préparait l’opération de Rafah. « Malgré l’opposition du président américain, Joe Biden, rien n’arrêtera l’offensive sur Rafah côté palestinien. Nous surmonterons toutes les pressions et entrerons dans Rafah pour éliminer le Hamas. Je renouvelle mon engagement de libérer tous les détenus et poursuivre notre opération à Gaza et au Liban », a déclaré le premier ministre israélien.
Selon Achraf Singer, Netanyahu « ne propose rien de nouveau, il veut seulement se prémunir et conserver sa position. Les manifestations qui se tiennent devant sa maison sont la preuve qu’il est en grande difficulté », explique-t-il.
Tarek Fahmy estime, lui, que Netanyahu cherche à gagner du temps jusqu’à la fin du Ramadan et des fêtes, puis il décidera d’entrer ou non à Rafah. « Une opération militaire à Rafah serait une pure folie et un suicide politique pour Netanyahu. Elle est rejetée par les Américains, les Européens et le monde arabe. S’il décide de lancer cette opération, Netanyahu sera le grand perdant devant le monde entier, et il en assumera les conséquences dans la gestion de l’après-guerre, car Israël sera contraint de payer un lourd tribut », affirme Singer. Et de conclure : « Netanyahu ne pourra pas rester au pouvoir, son avenir politique est scellé ».
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