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Mohamed Abdel-Wahed : Cette attaque a des objectifs politiques et non pas idéologiques

Sabah Sabet , Mercredi, 27 mars 2024

L’attaque meurtrière, revendiquée par Daech, contre une salle de concert à Moscou le 22 mars, soulève de nombreuses interrogations d’autant plus que Moscou pointe implicitement du doigt l’Ukraine. Eclairage avec Mohamed Abdel-Wahed, expert sécuritaire.

Mohamed Abdel-Wahed

Al-Ahram Hebdo : Immédiatement après l’attentat de Moscou, Daech Khorasan l’a revendiqué. Pourquoi mener une telle attaque ?

Mohamed Abdel-Wahed : Malgré la revendication, il est tôt d’identifier les vrais auteurs de cette opération sanglante. L’attaque fait l’objet d’une enquête et les autorités russes n’ont pas confirmé cette revendication. D’après les informations disponibles, les auteurs de cette attaque, qui ont d’ailleurs été arrêtés, ont pris assaut d’une manière directe et à distance nulle. Ce qui veut dire que c’était censé être une opération suicide. En plus, le choix de la salle de concert a pour objectif de faire le plus de victimes possibles. Tous ces éléments montrent qu’il s’agit d’un acte terroriste. La Russie était en combat contre Daech en Syrie, lequel est actif aussi dans le Caucase russe et a déjà commis des attentats dans le pays depuis la fin des années 2010. Mais le groupe n’y avait jamais revendiqué une attaque d’une telle ampleur.

— Qui est ce groupe affilié à Daech ? Et a-t-il les capacités à mener une attaque d’une telle ampleur ?

— Daech Khorasan était un groupe affilié aux Talibans, mais s’en est séparé en 2014, il voulait surtout s’inscrire en tant qu’alternative au pouvoir des Talibans en Afghanistan, où il était le plus actif. Après son allégeance à Daech en 2015, il a commencé à mener plusieurs opérations contre les Talibans et des cibles en Europe. Ensuite, il a subi de fortes frappes à la fois de la part des Américains que des Talibans qui ont nettement limité ses capacités militaires. Or, récemment, le groupe a commencé à apparaître de nouveau. En janvier dernier, Daech Khorasan a mené deux opérations terroristes en Iran. Cependant, il est nécessaire de se poser la question de savoir qui est derrière ce groupe. Le terrorisme est toujours dirigé par certaines agences de renseignement.

— Justement, le président russe n’a pas commenté la revendication de Daech et les déclarations des autorités russes insinuent une implication de l’Ukraine …

— Selon les autorités russes, les quatre auteurs présumés de l’attaque ont été arrêtés dans la région de Briansk, frontalière de l’Ukraine et de la Biélorussie. De même, les services spéciaux russes (FSB) ont affirmé que les suspects avaient des contacts avec le côté ukrainien et comptaient fuir dans ce pays. On peut donc s’attendre à une intensification de la guerre en Ukraine. Côté ukrainien, Kiev a accusé le Kremlin d’avoir lui-même planifié cette attaque pour trouver un prétexte d’intensifier sa guerre en Ukraine. Même Washington a démenti toute implication de l’Ukraine.

— Et qu’en est-il du timing de l’opération qui intervient juste après la réélection de Poutine ?

— En effet, l’attaque a eu lieu dans des circonstances et dans un moment critiques. D’un côté, il y a la réélection de Poutine, de l’autre, l’enlisement de la guerre russo-ukrainienne, et surtout l’extension de l’aide européenne à l’Ukraine. La France a même évoqué une intervention occidentale … Toutes ces circonstances indiquent que cette attaque a des objectifs politiques et non seulement idéologiques ou confessionnels. Sinon, pourquoi Daech n’a-t-il pas mené d’opérations contre Israël et les Etats-Unis pour soutenir les Palestiniens ? Il y a toujours des acteurs derrière de tels actes terroristes et derrière ceux qui les commettent.

— Quels seraient donc les motifs ?

— Les médias occidentaux laissent entendre que l’attaque s’explique par la persécution des minorités en Russie, bien qu’elle remonte à des décennies. Mais quel que soit l’auteur, cette opération a comme but d’affaiblir le moral tant à l’intérieur de la Russie que parmi les soldats qui combattent en Ukraine. Elle vise aussi à créer un état de panique pour prouver qu’il existe une forme d’instabilité qui, à son tour, affecte les investissements, le tourisme, etc. L’autre objectif est de disperser les efforts sécuritaires russes, afin d’épuiser les forces de sécurité et de susciter le mécontentement populaire.

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