Yomna El-Shereidy est considérée comme une sacrée championne de l’entrepreneuriat féminin au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Membre du conseil d’administration des producteurs et exportateurs d’olives de table, elle est aussi la fondatrice du Conseil des femmes d’affaires auprès de la Ligue arabe et présidente de l’Association des femmes d’affaires égyptiennes.
Elle est aujourd’hui aux commandes d’une usine, située à Guiza, où elle surveille soigneusement les différentes étapes permettant de produire et d’exporter une huile de qualité. Et ce, à travers des olives cueillies à la main, sans pesticides, ni herbicides, ni insecticides de synthèse. « J’ai toujours pratiqué une agriculture bio », dit fièrement cette dame, âgée de 60 ans, qui a lancé son projet en l’an 2000.
Depuis son entrée sur le marché du travail, elle a été attirée par l’entrepreneuriat. Pendant des années, elle a bien réfléchi et a étudié les secteurs dans lesquels elle pouvait se lancer, sans jamais avoir le déclic. « Tout d’un coup, une seule production a trotté dans ma tête : l’huile d’olive ».
Mais qu’est-ce qui a motivé ce choix ? L’Egypte est parmi les leaders mondiaux d’olives de table. Au cours des trois dernières décennies, les espaces consacrés à la culture des oliviers ont été multipliés par 19. Depuis le début de ce processus d’expansion, l’Egypte a été l’un des premiers pays à se lancer dans la production d’olives dans des conditions arides et semi-arides. Elle est le premier consommateur mondial, avec 13,9 % de la consommation mondiale ; le deuxième producteur mondial d’olives de table après l’Espagne, avec environ 17,2 % de la production mondiale ; et le deuxième exportateur avec 18,2 % des exportations mondiales d’olives de table en 2017-2018, selon les chiffres du Conseil oléicole international en 2019.
L’Histoire montre que la culture d’olives remonte à l’Egypte Ancienne. La première preuve de la présence des oliviers se trouve dans un relief datant de la XVIIIe dynastie (1570-1345 av. J.-C.). Des documents témoignent des efforts de promotion de l’oléiculture par le pharaon Ramsès II (1197-1165 av. J.-C.) et des offrandes d’huile d’olive au dieu du soleil, Râ, à Héliopolis.
Yomna El-Shereidy peut passer des heures et des heures à en parler, en multipliant les références. Ambitieuse, déterminée, elle a toujours cherché à perfectionner les techniques de production de l’oléiculture et le contrôle de la qualité des olives de table en Egypte. Elle a bien étudié l’environnement qui présente, selon elle, des perspectives plus que prometteuses.
Yomna a compensé son manque d’expérience, au début de son parcours, en collectant les informations dispensées dans l’écosystème entrepreneurial. Elle se rendait souvent à des conférences, participait à des séminaires, etc. jusqu’à réussir à entrer en contact avec des entreprises internationales. « Au début de ma carrière d’exportatrice, je n’hésitais pas à envoyer 12 000 courriels en un seul mois afin de cibler les importateurs du monde entier. Et j’ai réussi. Dans un premier temps, on exportait deux conteneurs par an, tandis qu’aujourd’hui, on a la capacité d’en livrer 50 et des milliers de tonnes d’exportation en une année pour satisfaire les demandes de nos clients en olives et en huile d’olives ».
Désormais, son entreprise se développe à l’échelle mondiale et domine les exportations d’olives de table vers 20 pays, dont les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Espagne, I’Italie, l’Australie, la Grèce, le Maroc, la France, l’Arabie saoudite, le Koweït, le Japon et la Hollande.
Son Success story a commencé le jour où elle a terminé ses études de pharmacie à l’Université d’Alexandrie, en 1983. La jeune Yomna est partie aux Etats-Unis, où elle a obtenu une bourse d’études en socio-économie pharmaceutique à l’Université d’IOWA en 1984. Après le master, les opportunités professionnelles n’ont pas manqué et elle a travaillé auprès de sociétés internationales dans le domaine de la commercialisation, pendant deux ans.
Quelque temps après, elle devait faire face à la protestation de ses parents, jugeant que leur fille doit quand même penser au mariage. « Le choix d’avoir une vie conjugale fait partie de nos traditions. Tu es devenue une vieille fille ! Tu n’auras jamais l’occasion d’être mère. Il est temps de retourner pour fonder une famille », lui répétait sa mère.
De retour en Egypte, la vie de Yomna a pris un tournant, aussi bien professionnel que personnel. Les chances de travail qu’elle a eues ne comblaient pas son ambition. Donc, elle a travaillé pour une marque de nourritures pour bébés et enfants en bas âge et s’est lancée dans le domaine de l’importation.
Ces produits biologiques étaient à base de vrais fruits, exempts d’arômes artificiels et de couleurs ; ils étaient également sans gluten. C’était un vrai challenge à l’époque et elle devait convaincre les nouvelles mamans d’acheter cette marchandise. « Cela ne correspondait pas tout à fait à la mentalité égyptienne, toutefois j’ai réussi. C’est grâce à mon travail aux Etats-Unis au sein d’entreprises internationales que j’ai acquis une bonne expérience, me permettant de contourner les obstacles et de les surmonter. Là-bas, j’ai eu la chance de travailler dans des secteurs très diversifiés en matière de marketing, de contrôle de gestion, de comptabilité, de finance, de gestion des ressources humaines et de communication ».
En mars 2022, l’importatrice s’est convertie à l’exportation. Elle a essayé de tirer profit de la décision de la Banque Centrale d’Egypte (BCE) de dévaluer la livre égyptienne face au dollar. « J’ai eu l’idée de passer à l’exportation, je savais que la vie pouvait basculer à tout moment et qu’il faudrait la vivre pleinement. Le malheur des uns fait le bonheur des autres », dit Yomna en souriant, puisqu’elle a toujours accepté les déceptions, transformant les obstacles en succès. L’ambition était pour elle un puissant moteur de réussite.
Yomna croit en sa bonne étoile, aussi bien dans sa vie professionnelle que dans la vie privée. En tant que mère de deux filles, elle a toujours fait des compromis, pour préserver l’équilibre de sa petite famille. Elle a réussi à inclure ses filles, dès leur très jeune âge, dans son aventure entrepreneuriale. Parfois, celles-ci l’accompagnaient au bureau et assistaient avec elle à des conférences à l’étranger pendant les vacances scolaires ... Elle leur expliquait en détails quelques-uns de ses projets et les amenait à l’usine de temps en temps.
« J’ai pu leur transmettre la passion de l’entrepreneuriat. Elles ont digéré l’esprit du travail et ses valeurs. Mes filles sont devenues du jour au lendemain des femmes d’affaires. L’aînée travaille aujourd’hui dans une multinationale et vit à Dubaï avec son conjoint, alors que l’autre est active dans la commercialisation et vit au Caire avec son époux ».
Yomna El-Shereidy aide les femmes cheffes d’entreprise à réaliser plus de succès. Elle soutient 400 personnes à créer leurs micro, petites ou moyennes entreprises par le biais de l’Association des Femmes d’affaires d’Egypte 21 (BWE - Business Women of Egypt 21) qu’elle a créée en 1998. Grâce à cette ONG, elle organise des séminaires et des ateliers de formation, portant sur des thématiques intéressantes pour les futures entrepreneures, à savoir comment choisir son projet, effectuer une étude de marché ou de faisabilité, s’engager dans les secteurs de l’innovation, avoir une stratégie de marketing réfléchie, éviter les risques et résoudre les problèmes. Yomna El-Shereidy répète souvent qu’elle vit comme si elle allait mourir demain et ne cesse d’apprendre comme si elle devait vivre pour toujours.
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