Al-Ahram Hebdo : Quelle est l’idée du projet d’interconnexion électrique entre l’Egypte et l’Italie ?
Domenico Villani : Le projet d’interconnexion électrique entre l’Egypte et l’Italie, via la technologie du Courant Continu Haute Tension (CCHT), est un projet important du portefeuille de la compagnie, tout comme d’autres projets importants de ce type que nous avons gérés. En tant que cabinet de conseil mondial spécialisé dans les études de faisabilité pour les connexions internationales, nous avons effectué une analyse complète de ses impacts techniques, environnementaux et économiques.
L’idée du projet est de créer un corridor vert d’une capacité de 3 GW pour exporter de l’énergie renouvelable de l’Egypte vers l’Europe. Au coeur de cette initiative se trouve l’installation d’un câble sous-marin pour transmettre le CCHT. Cette technologie est idéale pour la transmission de l’énergie sur de longues distances et sera la première en son genre à cette échelle, avec une longueur d’environ 2 800 km et une profondeur nautique allant jusqu’à 3 000 m. L’idée est que le câble s’étend à partir de Sohag au centre de l’Egypte jusqu’à la station de Dolo près de la zone industrielle de Mestre en Italie.
— Après la hausse des prix du gaz naturel et la crise énergétique en Europe, le projet peut-il s’étendre à d’autres pays européens ?
— L’Italie est pleinement intégrée dans les marchés européens de l’énergie. Le projet pourrait donc dès le départ ouvrir des opportunités de circulation de l’électricité entre l’Egypte et toute l’Europe. Même si l’étude de faisabilité n’a pas encore évalué l’expansion du projet, celui-ci pourrait se développer à l’avenir avec des phases supplémentaires, reliant directement l’Egypte aux autres pays du bassin méditerranéen.
— Ce projet peut-il profiter aux pays européens ?
— L’importation de l’énergie verte à partir de l’Afrique du Nord peut grandement aider l’Europe à atteindre ses objectifs de transition vers une économie zéro carbone de manière rentable. Par exemple, ce projet devrait permettre de réduire les émissions de dioxyde de carbone d’environ 7,5 millions de tonnes par an. De telles initiatives pourraient non seulement promouvoir la diversification de l’approvisionnement énergétique de l’Europe et réduire la dépendance aux combustibles fossiles, mais aussi renforcer la résilience du continent face à l’évolution des scénarios géopolitiques. En plus, ceci pourrait réduire la nécessité d’allouer de vastes superficies de terres pour des centrales d’énergie renouvelable en Europe, réduisant ainsi l’impact environnemental.
— Face aux défis climatiques grandissants, comment est-il possible de renforcer l’utilisation des énergies renouvelables ?
— Afin d’atteindre les objectifs de l’Europe de parvenir à la neutralité carbone d’ici 2050, nous avons besoin d’investissements massifs dans les technologies renouvelables. La volatilité des prix des combustibles fossiles s’accélère, ainsi que les changements climatiques. Ce qui incite à l’adoption de mesures efficaces dès que possible. La puissance de cette révolution verte exige une coopération au-delà des frontières de l’Europe. Ce type de projet pourrait relier électriquement pour la première fois l’Europe à l’Afrique de l’Est, une région au potentiel renouvelable unique.
— Ce projet renforcera-t-il la position de l’Egypte en tant que hub mondial capable d’attirer les grandes entreprises opérant dans le secteur de l’énergie ?
— La technologie du CCHT représente un lien énergétique stratégique qui peut relier l’Union européenne, le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord et l’Afrique, favorisant ainsi la coopération et l’intégration entre les systèmes énergétiques de ces régions. Dans ce contexte, l’Egypte peut devenir un hub stratégique grâce aux connexions qu’elle a établies et qu’elle a l’intention de créer avec le Soudan, la Jordanie, l’Arabie saoudite et le reste de la région du Golfe.
Lien court: