Plus de 40 milliards de dollars devraient être injectés en Egypte dans de courts délais. (Photo : Reuters)
Après avoir atteint des records historiques face à la livre égyptienne, le taux de change du dollar a fortement baissé la semaine dernière. En deux jours, il a dégringolé de 24 %, passant de 73 L.E. le 4 février (son plus haut niveau) à 55 L.E. avant de remonter légèrement. Bien que le dollar ait repris une courbe ascendante depuis le 6 février, il reste toujours en dessous de la barre de 65 L.E., s’échangeant à des prix variant entre 58 et 63 L.E.
Cette fluctuation a suscité des interrogations de la part des différents acteurs du marché. « Le marché noir du dollar n’est pas soumis aux analyses économiques, il est basé sur les spéculations. La grande chute du prix du billet vert n’est la conséquence ni d’une augmentation de l’offre du dollar ni d’une baisse de la demande de la part des importateurs », note à l’Hebdo Hesham Hamdi, vice-président associé du département des recherches auprès de la banque d’investissement Naeem Holding. Il attribue la volatilité du prix du billet vert, en premier lieu, aux nouvelles propagées au cours des deux dernières semaines concernant l’accès à de nouvelles ressources en dollar dans le pays au cours de la prochaine période.
Une justification approuvée par Doha Abdel-Hamid, ancienne conseillère du ministre des Finances et professeure de finances à l’Université américaine, qui a assuré à l’Hebdo que « selon les déclarations des responsables, plus de 40 milliards de dollars devraient entrer dans le pays dans de courts délais. Ces déclarations donnent des signaux au marché que le billet vert serait disponible dans les canaux formels et, par conséquent, la demande va baisser sur le marché noir. Par la suite, les détenteurs et les commerçants vont céder les billets verts qu’ils détiennent pour minimiser les pertes en cas de baisse du prix du dollar ». Elle explique que ces fonds se divisent comme suit : 22 milliards de dollars représentant le montant des investissements étrangers prévus dans le projet de Ras Al-Hikma sur la Côte-Nord, 10 milliards de dollars qui devront être versés par l’Union européenne et le reste proviendra du prêt prévu du FMI.
L’entrée de ces sommes n’est pas encore complètement confirmée, mais différentes déclarations officielles laissent entendre qu’elles ne tarderont pas de l’être. Le chef de l’Autorité générale des investissements et des zones franches (GAFI), Hossam Heiba, a confirmé, le 7 février, qu’un consortium émirati a été choisi pour mettre en oeuvre le projet de Ras Al-Hikma. « La phase des négociations est terminée et les deux parties se préparent à signer les contrats », a-t-il noté, ajoutant que le chiffre initial d’investissement est de 22 milliards de dollars. « Cette somme ne sera pas injectée d’un seul coup. Le consortium émirati sera responsable du financement, du développement et de la gestion du projet », a ajouté Heiba.
De même, le ministère des Affaires étrangères a annoncé le 2 février dans un communiqué que l’Union Européenne (UE) avait approuvé des allocations financières supplémentaires aux pays voisins de l’UE, dont l’Egypte, lors d’un sommet tenu au début de ce mois-ci à Bruxelles dans le cadre de la révision à mi-parcours du budget européen pour la période 2021-2027.
Mesures importantes
Il n’est pas clair si le gouvernement aura recours à une dévaluation à court terme. Mais l’objectif est de réduire l’écart entre le prix officiel du dollar (30 L.E.) et le marché noir. Pour alléger le fardeau résultant de la hausse des prix due aux perturbations du marché et contrôler l’inflation, deux décisions importantes ont été prises. La première est celle prise par le président Abdel Fattah Al-Sissi le 7 février, annonçant un paquet de protection sociale d’un montant de 180 milliards de L.E. Il consiste à augmenter le salaire minimum de 50 % et les retraites de 15 % à partir du mois prochain. La deuxième est celle de la Banque Centrale d’Egypte (BCE), annoncée au début du mois, consistant à augmenter ses taux directeurs de 200 points de base (2 %). Les taux de dépôt et d’emprunt seront de 21,25 % et 22,25 % respectivement.
Ces mesures ont été annoncées à la suite des déclarations de la délégation du FMI, qui a terminé le 1er février sa visite de deux semaines en Egypte. La directrice du FMI, Christalina Giorgieva, a annoncé que le fonds s’est mis d’accord avec le gouvernement sur les grandes lignes du prêt et que l’augmentation de son montant sera importante. « Il semble que le FMI ait accepté que l’Egypte passe par une phase transitoire de quatre à six mois, pendant laquelle elle appliquera le système de change à parité glissante connu sous le nom de crawling peg (le taux de change est en principe fixe, mais la parité de référence est modifiée régulièrement selon des paramètres prédéterminés) afin de réduire le fossé entre le prix officiel du dollar et son prix sur le marché noir. Ensuite, elle libéralisera le prix du dollar pendant la deuxième moitié de 2024 », prévoit l’ancien vice-gouverneur de la BCE et président du département des recherches au sein de la banque d’investissement Cairo Financial Holding, Hany Genena. Il ajoute que la valeur du dollar devra varier entre 40 et 45 L.E., considérée comme étant le prix qui permettra à l’Egypte de rester compétitive sur les marchés internationaux.
D’autres estiment, cependant, que la dévaluation ne se produira pas bientôt. La banque américaine Goldman Sachs a noté dans son rapport publié le 11 février que les autorités égyptiennes ne sont pas prêtes pour une dévaluation. « Dans les conditions actuelles, il est peu probable qu’une dévaluation contrôlée réponde aux objectifs politiques du gouvernement Madbouly », a estimé le rapport, notant que la demande en devises en Egypte doit être conforme aux flux d’offres anticipés du billet vert suite à une dévaluation et que le système aura besoin de suffisamment de liquidités pour garantir que les besoins en devises puissent être satisfaits en permettant au taux de change officiel de s’ajuster. La banque estime que les décideurs politiques continueront à gérer le taux de change officiel, mais peut-être avec plus de flexibilité que cela n’a été le cas ces dernières années.
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