Al-Ahram Hebdo : Des attaques iraniennes synchronisées contre des cibles en Iraq, au Pakistan et au sud de la Syrie, parallèlement au soutien iranien au Hezbollah et aux Houthis … Quels sont les objectifs de la récente expansion des opérations iraniennes dans la région ?
Ali Atef : L’Iran a réagi à des menaces que le gouvernement a qualifiées de graves. A mon avis, les attaques militaires menées contre des cibles en Iraq, au Pakistan, ainsi qu’en Syrie ne s’inscrivent pas dans une stratégie régionale. L’urgence des menaces émanant des trois fronts l’a poussé à réagir sans pour autant que ce soit en directe relation avec les tensions dans la région liées à la guerre à Gaza. Je pense que pour ce qui est des tensions avec le Pakistan, il s’agit d’une coïncidence.
— Oui, mais la région est déjà en ébullition et l’Iran est souvent pointé du doigt …
— Les dernières attaques sont directement liées à la sécurité de l’Iran. Elles n’ont aucun lien avec les pays concernés. Il n’en demeure pas moins que ces opérations représentent une violation de la souveraineté de ces 3 pays, ce qui pourrait déstabiliser la région. Au Kurdistan iraqien, l’Iran a visé une cellule considérée à ses yeux comme un satellite du Mossad israélien agissant contre Téhéran. Au Pakistan, les attaques iraniennes ont eu pour cible un groupe séparatiste qui avait mené des attaques contre la police à l’est du pays. Quant à ses opérations à l’est de la Syrie, elles ont visé une base de Daech qui avait revendiqué les deux attentats perpétrés lors de la commémoration de l’assassinat du chef militaire légendaire Kassem Souleimani au sud de l’Iran.
— Comment voyez-vous le rôle de l’Iran dans la guerre contre Gaza ?
— Depuis le début de la guerre israélienne contre Gaza, l’Iran a clairement fait savoir qu’il n’avait pas l’intention d’être directement impliqué. Téhéran se contente de s’appuyer sur ses bras armés au Liban et au Yémen, qui, à leur tour, agissent selon l’intensité des frappes israéliennes à Gaza. Cependant, l’intensification des opérations des Houthis en mer Rouge représente un vrai danger pour la région. Etant l’allié le plus proche des Houthis, l’Iran se trouve dans une situation embarrassante. Pourtant, Téhéran a, pour la première fois, une chance de jouer le rôle de médiateur dans la région. Des négociations entre les Occidentaux et les Iraniens ont lieu pour trouver un moyen d’arrêter les attaques houthies. Ceci change la donne dans la région : l’Iran peut jouer un rôle positif, s’appuyant sur ses liens avec ses alliés au Moyen-Orient. Aussi, l’Occident mise sur l’Iran pour réguler le rythme de la confrontation entre le Hezbollah et Israël.
— Est-ce pour ces raisons que les réactions occidentales aux opérations au Kurdistan, en Syrie et au Pakistan se font timides ?
— Les Etats-Unis ont condamné les attaques contre le Kurdistan et le gouvernement iraqien a saisi le Conseil de sécurité. En revanche, les attaques contre Daech, comme c’était le cas en Syrie, sont rarement condamnées. Quant aux tensions avec le Pakistan, l’affaire a été réglée entre les deux pays. Une certaine compréhension au niveau international des objectifs limités des trois attaques iraniennes a certainement influencé la réaction calculée des différentes parties.
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