L’Afrique est sur le point de devenir le marché des jeux vidéo à la croissance la plus rapide au monde. Selon une étude du cabinet spécialisé néerlandais Newzoo, le nombre de joueurs en Afrique subsaharienne a passé de 77 millions en 2015 à 186 millions en 2021. L’Afrique du Sud est en tête du continent avec 40 % de sa population y jouant, suivie du Ghana (27 %), du Nigeria (23 %), du Kenya (22 %) et de l’Ethiopie (13 %). Selon la même étude, l’Afrique et le Moyen-Orient cumulent 15 % de parts de marché des jeux vidéo, d’une valeur d’environ 7,1 milliards de dollars.
La pandémie de Covid-19 a eu un effet positif sur le marché africain des jeux, car elle a conduit à des commandes à domicile obligatoires, contraignant les clients à consacrer plus de temps et d’argent à divers jeux, ce qui a entraîné la croissance de ce marché. Par ailleurs, l’évolution des smartphones a permis aux clients de jouer plus facilement à leurs jeux vidéo préférés où les personnages africains ont la vedette comme le jeu d’Africa’s Legends Reawakening, Kissoro Tribal Game et Points by Work’D.
Des perspectives prometteuses
Eyram Tawia, fondateur du studio Leti Arts, basé au Ghana et au Kenya depuis 2009, assure à l’Hebdo que l’avenir de l’industrie des jeux vidéo est prometteur en Afrique. « Le taux de croissance de cette industrie est impressionnant. Depuis la création de Leti Arts en 2009, nous avons vu l’industrie croître à un rythme constant qui varie entre 5 et 10 % par an. Selon des estimations, cette croissance se poursuivra dans les années à venir. L’Afrique est bien partie pour être le marché de jeux vidéo à la croissance la plus rapide au monde pour plusieurs raisons. En premier lieu, le continent a une population jeune qui est attirée par les écrans, ce qui a entraîné la croissance commerciale du marché des jeux vidéo », ajoute-t-il. L’Afrique est l’une des régions du monde où la population jeune est en augmentation. D’ici 2050, le nombre des jeunes Africains connaîtra une augmentation d’environ 50 %. Autre raison : la jeunesse n’est pas le seul pilier de cette industrie ; l’augmentation des revenus des Africains, surtout la classe moyenne, y contribue, comme l’explique Tawia.
« La disponibilité de smartphones pas chers qui ont un accès à Internet a permis de jouer plus facilement. Cette tendance nous a fait investir pour faire évoluer les jeux vidéo comme Sweave, notre dernier jeu. De même, les studios de jeux africains ont franchi un cap et le nombre de programmateurs aussi a augmenté en Afrique. Il y a eu plusieurs coproductions entre studios de jeux, comme notre collaboration avec 8D Games sur Shkorey et avec d’autres studios africains, comme c’est le cas de Mama Atingi collaborant avec Maliyo Games. Ces coproductions nous ont permis de partager l’expertise, ce qui a aidé à produire des jeux de haute qualité qui peuvent rivaliser sur le marché mondial », assure-t-il.
Une dizaine de studios de jeux vidéo se sont regroupés en 2022 pour former le PAGG, « Panafrican Gaming Group ». Cette coalition vise à développer le secteur et à affronter les défis de l’industrie. Ses membres partagent leur expérience pour attirer des capitaux et générer des profits.
Tawia croit aussi que l’industrie des jeux vidéo joue un rôle pour stimuler la croissance économique en Afrique, « Au studio Leti Arts, nous avons constaté l’impact positif de cette industrie. Nos jeux ont créé des emplois pour les jeunes et ont contribué à la croissance de l’économie numérique en Afrique. L’avenir semble aussi prometteur pour les jeux vidéo africains, surtout avec l’accélération de la transformation digitale en Afrique », assure-t-il.
Les défis
Malgré cette croissance, de nombreux défis se posent. Selon Adel Abdel-Sadeq, directeur de recherches sur la société numérique au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, l’Afrique est le continent le moins connecté à Internet au monde à cause du coût élevé des services et de la médiocrité des infrastructures. « D’autre part, les programmateurs africains sont mal payés, ce qui les force à chercher des opportunités de travail dans des pays plus développés. Alors, la pénurie de programmateurs et de concepteurs de jeux vidéo qualifiés sur le continent peut limiter la croissance de l’industrie », ajoute-t-il.
Eyram Tawia partage l’avis de Abdel-Sadeq et croit qu’il existe deux autres importantes entraves : l’accès au financement et la monétisation des jeux produits, sachant que les magasins américains en ligne, ceux d’Apple et de Google, sont inopérants pour les paiements africains. « L’argent est le nerf de cette industrie et la plupart des créateurs sont bloqués par le financement. Il est très difficile pour les développeurs de jeux africains d’obtenir le financement dont ils ont besoin pour donner vie à leurs idées. Par ailleurs, les studios doivent se battre pour mettre en place des solutions alternatives à la monétisation des jeux », explique Tawia.
En bref, l’industrie des jeux vidéo en Afrique se développe rapidement et l’avenir s’annonce prometteur, mais les studios et les programmeurs des jeux attendent toujours de nouvelles conditions qui donnent un nouvel élan à cette industrie.
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