Le but d’Amal Al-Sissi est de conjuguer sa mission en tant que médecin professionnel et ses activités au sein du club Rotary Al-Tahrir. Ainsi, elle déploie tant d’efforts afin de lutter contre le cancer du col de l’utérus, aux quatre coins de l’Egypte.
Le Rotary international s’est engagé à accorder à la campagne qu’elle mène à cet objectif deux millions de dollars pour aider à réduire cette maladie transmissible par contact sexuel et dont la principale cause est le Virus du Papillome Humain (VPH). La campagne, qui a commencé en mai dernier, doit s’étendre jusqu’en 2030, la cardio-pédiatre y est très impliquée. Et ce, en dépit de ses occupations multiples. Car elle est professeure à l’Université du Caire et préside actuellement le Conseil d’administration de deux organisations non gouvernementales à but non lucratif, à savoir l’Association égyptienne d’aide aux enfants cardiaques et la Société égyptienne de pédiatrie. En même temps, elle assure ses engagements du club Rotary Al-Tahrir qu’elle a présidé en 2021.
« Cette campagne me tient à coeur. Le cancer du col de l’utérus provoque la mort de 1 300 femmes par an en Egypte, 10 % de ces dernières sont porteuses de cette maladie et le taux d’infection par le VPH s’élève à 99 % », souligne l’universitaire, qui a pu cerner la gravité de cette maladie en fréquentant les enfants et leurs parents tout au long de ses 30 ans de carrière.
Par le truchement de cette initiative pilote, Dr Amal essaie de coopérer avec l’Etat. « Ensemble, nous pouvons faire beaucoup plus », dit-elle, faisant allusion aux efforts consentis par l’Etat et ceux de l’OMS. « Par notre stratégie, nous cherchons à vacciner 30 000 jeunes filles, entre 9 et 15 ans, à dépister 10 000 femmes qui ont des cellules précancéreuses ou cancéreuses, et à sensibiliser 4 millions de personnes ». Et d’ajouter : « Dans les gouvernorats de la Haute-Egypte, où nous organisons des convois médicaux gratuits, nous effectuons des tests de dépistage rapide permettant de détecter le cancer du col de l’utérus avant même que les symptômes ne se manifestent (fuite d’urine, douleur dans le bas du dos, perte d’appétit, perte de poids, essoufflement, expectorations sanguinolentes, douleur au thorax, aux os, fatigue). Le diagnostic n’est pas facile, et le traitement parfois ardu. Mais, traitée à temps, la maladie est guérissable ».
Enthousiaste, la docteure peut en parler pendant des heures. Elle a l’habitude de se rendre dans des zones rurales au moins trois fois par an afin de fournir des soins médicaux gratuits aux femmes et aux jeunes filles. Enfant, elle était du genre à faire 12 000 choses à la fois et avait beaucoup d’énergie à canaliser.
Etudiante, elle faisait du sport et dévorait les livres à portée de sa main. En 1981, elle a eu son baccalauréat scientifique avec mention excellent et pendant les années précédentes, elle a toujours été parmi les premiers de la République. Le ministère de l’Education et de l’Enseignement lui a d’ailleurs accordé une bourse pour faire le tour de 5 pays européens en 40 jours. De quoi lui avoir permis de visiter l’Autriche, l’Italie, la Grèce, la France et l’Allemagne, avec 40 autres jeunes du même âge, issus de tous les gouvernorats d’Egypte.
« Mes parents en étaient fiers. Ils étaient persuadés que j’allais bien réussir ma vie. J’étais première de ma promotion durant tous les cycles scolaires », affirme Dr Amal Al-Sissi, qui a eu la chance d’avoir deux parents cultivés qui étaient de hauts fonctionnaires de l’Etat.
Après avoir terminé ses études de médecine en 1989, la jeune Amal a passé son master et sa thèse en cardiologie pédiatrique. Entre-temps, elle a travaillé dans plusieurs hôpitaux étatiques comme celui d’Aboul-Rich, réservé aux soins des enfants. La phrase prononcée par l’un de ses professeurs l’a orientée vers sa spécialisation : « Les coeurs des tout-petits sollicitent l’expertise des plus grands médecins ! ».
Docteur Amal a appris à afficher tout le temps un sourire affable. Elle a toujours un air rassurant et familier, et dispose d’une sorte de bonté naturelle qui la rend proche de tous. C’est ce côté humain qui l’a conduite aussi aux activités caritatives et au bénévolat.
La cardio-pédiatre répond constamment aux appels de secours, elle aide particulièrement les mamans dans les milieux défavorisés et les parents en détresse car leurs enfants ont besoin d’être opérés, alors qu’ils n’ont pas les moyens. Alors, en 2013, 2015 et 2023, elle a décidé de mettre en place trois unités de cathétérisme cardiaque pour enfants dans les villes d’Assiout et de Sohag.
« Le travail humanitaire me donne l’impression d’être une reine couronnée. Sur le terrain, je suis tout le temps très bien accueillie, mes photos sont affichées partout dans les rues. Les habitants me reçoivent chez eux », raconte-t-elle non sans émotion.
Le matin, elle prend le petit-déjeuner chez la famille Ghattas. Les femmes lui offrent du pain frais qu’elles viennent de pétrir, du miel et des crêpes égyptiennes (fitir), servies avec du fromage blanc. Puis, pour le déjeuner et le dîner, elle est invitée chez d’autres familles du village, où elle est en mission. Le séjour professionnel se transforme ainsi en une suite de festins, dans une ambiance conviviale. Et la docteure réussit vraiment à joindre l’utile à l’agréable.
Son job en cathétérisme cardiaque pédiatrique interventionnel se résume en un examen radiologique invasif effectué sous anesthésie générale pour fermer un trou entre les oreillettes, dilater une valve ou un vaisseau rétréci ou bien remplacer une valve défectueuse du coeur.
Bien connectée, Amal Al-Sissi parvient à collecter les dons nécessaires pour financer ses projets. Ce fut le cas de la campagne « Coeur à coeur » lancée en Egypte, qui a bénéficié grâce à elle d’une contribution tangible du Rotary international et de subventions offertes par l’Autriche, l’Angleterre, l’Allemagne, les Etats-Unis et le Canada. 98 millions de dollars pour l’année 2019-2020, 92 millions de dollars pour 2020-2021, 80 millions pour 2021-2022 et 77 millions pour 2022-2023. « Ceci nous a permis jusqu’à présent d’effectuer 97 cathétérismes cardiaques interventionnels au Caire, à Alexandrie, à Sohag et à Béni-Soueif. Ainsi, l’Egypte pourrait atteindre à long terme une stabilité en matière de financement de la santé cardiaque pédiatrique. Le projet réduit notre dépendance du budget étatique et donc notre exposition aux fluctuations économiques », souligne Dr Amal Al-Sissi.
Ses activités remarquables ne lui ont guère fait oublier son rôle de mère qui doit prendre soin de ses deux enfants. Sa fille aînée a obtenu un diplôme d’histoire en Angleterre. Son fils, plus jeune, a effectué des études de sciences politiques en France. Elle a travaillé pendant dix ans tout en préparant son master et son doctorat à Londres ; en même temps, elle s’occupait de ses enfants âgés de 6 et 4 ans. « C’était un vrai challenge ! Concilier son travail et son rôle de mère ? Impossible de le faire sans aide. On avait une aide-ménagère qui venait 12 heures par jour, 5 jours par semaine. Je ne savais même pas où se trouvait le détergent ! », sourit-elle. Et d’ajouter : « Quand j’avais des meetings, je m’arrangeais de les tenir très tôt le matin ou dans la soirée pour que les enfants soient couchés. Les week-ends étaient axés autour des cours de piano et de leurs séances de sport. Je n’arrêtais pas ».
L’amour qu’elle voue pour ses enfants ou celui qui la pousse à aller vers tous ces enfants et ces jeunes femmes qu’elle traite constitue l’aspect dominant de sa personnalité. Elle aime prodiguer l’amour et le sème à tout vent.
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