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Sawsan Helal : L’essentiel est de maintenir un équilibre entre notre sentiment de sécurité et nos ambitions

Amira Doss , Lundi, 16 octobre 2023

Sortir de sa zone de confort. Le concept est un peu trop médiatisé et souvent mal compris. Résister au changement est-il nocif ? Faut-il toujours oser le changement ? La psychologue Sawsan Helal nous répond.

L’essentiel est de maintenir un équilibre entre notre sentiment de sécurité et nos am

Al-Ahram Hebdo : Comment définissez-vous la zone de confort et pourquoi ce concept est-il tellement utilisé dernièrement ?

Dr Sawsan Helal : Sortir de sa zone de confort a été présenté, ces dernières années, comme une solution magique ouvrant la voie à une vie nouvelle et épanouissante. C’est devenu une mode, un slogan que l’on répète sans vraiment comprendre son sens. La réalité est beaucoup plus riche et nuancée. Il faut d’abord savoir l’origine de cette expression « zone de confort », explorer ses limites pour pouvoir partir dans cette aventure de découverte de soi et de ses propres zones. La zone de confort est une notion utilisée pour la première fois en 1906 par les psychologues Robert M. Yerkes et John Dodson qui ont démontré qu’il existe une relation entre le niveau de stress chez l’individu et le niveau d’action et de performance. Chacun a un certain niveau optimal propre à lui. La zone de confort est donc cette zone virtuelle imaginaire où la personne se sent à l’aise et en sécurité. Elle est faite d’activités quotidiennes, de lieux familiers et de contacts qui génèrent peu d’anxiété. Ce sont les actions et les tâches que nous répétons avec l’aise de l’habitude. Bref, ne faire que ce que l’on sait faire. Le problème est que cette zone de confort n’est pas faite uniquement de choses positives. Elle peut nous inciter à accepter des relations ou des obligations professionnelles difficiles, car par habitude, on n’ose pas explorer d’autres façons de les rejeter ou de les remettre en question. Ainsi, la zone de confort est associée à des habitudes ennuyeuses, des relations toxiques, un climat peu propice à l’accomplissement.

— Cela signifie-t-il qu’il est indispensable d’en sortir pour évoluer ?

— Chaque personne a sa zone de confort propre à elle, cette zone change aussi à différentes périodes de sa vie, selon les circonstances. Pour certains, c’est la zone géographique, ou le logement. Pour d’autres, c’est le métier, la stabilité financière et professionnelle, alors que pour d’autres c’est le couple, la famille et les enfants. La question que chacun se pose est pourquoi vouloir sortir d’une zone sécurisante. En effet, à un certain moment, la zone de confort ou de routine devient un coin trop familier où il n’existe aucune chance d’évoluer, c’est ce qu’on appelle le syndrome de la prison dorée. On arrive à une phase de notre vie où on ne peut pas quitter cette zone, peu importe les attractions ou les opportunités qui se présentent à l’extérieur. Résultat : la vie perd son sens, et rien ne semble avoir de valeur. Nous nous servons de cette zone de confort pour développer des pensées et des prétextes et pour adopter des affirmations négatives sur nous-mêmes, un repli sur soi. Sortir de sa zone de confort c’est tout d’abord remettre toutes ces idées en question. A un moment, on vit trop d’inconfort dans notre confort. Il devient nécessaire de perdre ses repères pour en créer de nouveaux.

— Quelle serait donc la formule idéale pour affronter ses craintes et prendre ce pas ?

— Tout d’abord, il est important de revisiter ce concept et changer d’approche. Sortir de sa zone de confort ne doit pas être associé à un risque, une tension et une anxiété, mais plutôt à un apprentissage, une fluidité, une flexibilité et un échange. Les recettes de développement personnel mettent trop l’accent sur la fatigue, la douleur, les sacrifices et l’effort que les valeurs et le rendement. Il est important de pouvoir maintenir un équilibre entre notre sentiment de sécurité et nos ambitions. D’ailleurs, certains éléments de notre zone de confort sont indispensables pour notre sentiment de sécurité car ils nourrissent un besoin de stabilité indispensable en cette période d’évolution et de changement. Certains espaces familiers, habitudes et routines doivent être maintenus, ils peuvent même servir de support. Ces repères sécurisants sont essentiels. L’important c’est de réactiver en soi ce goût de la découverte, cette curiosité positive, chercher constamment des éléments qui nourrissent un rêve ou une envie. On peut commencer par de petits pas vers cette zone d’apprentissage et ce processus d’exploration. Chaque changement exige de traverser des zones peu confortables, dans le respect de votre rythme et vos besoins. Mon conseil est toujours de créer une zone de sécurité affective associée au changement, une motivation, plutôt qu’une fuite.

 Cinq étapes essentielles

 1. Identifiez votre zone de confort

Notez les choses que vous faites et qui illustrent votre routine, par habitude non par envie ou plaisir.

2. Fixez des objectifs précis

Envisagez un voyage, une promotion, un changement de carrière, de look, un déménagement, un nouveau projet.

3. Explorez votre zone d’apprentissage

Pour se préparer au changement, pensez aux étapes à prendre, aux actions quotidiennes. Demandez conseil à des personnes ayant franchi le pas.

4. Relativisez les échecs

L’échec n’est pas un drame, mais un guide. Il fait partie de l’apprentissage. Modifiez vos plans, repoussez vos limites tout en pensant positif.

5. Changez de notions

Sortir de sa zone de confort ne signifie pas rentrer dans une zone d’inconfort mais plutôt une zone de croissance et d’opportunités. C’est une mobilisation volontaire pour progresser.

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