Avec un répertoire riche, constitué d’une dizaine d’oeuvres, et le son cristallin de sa harpe, elle soulève dans le coeur de son public une large palette d’émotions. Il s’agit de Mona Wassef, professeure de musique et fondatrice de la troupe Gawla maa Al-Harpe. Passionnée et créative, cette harpiste, qui se produit à l’Opéra du Caire, passe sa vie entre les orchestres, les concerts en solo, les chorales et les ateliers de sensibilisation musicale au Conservatoire. Elle adore jouer la musique traditionnelle occidentale et orientale. En fait, elle mélange l’ancien et le contemporain, la musique classique et la musique moderne. « A travers ce mariage, j’ai pu créer un programme inédit destiné à l’un des instruments de musique de l’Egypte ancienne : la harpe », dit-elle. C’est l’idée de la troupe Gawla maa Al-Harpe (tournée avec la harpe), fondée et dirigée par Mona Wassef en 2013. Il s’agit d’un sextuor à cordes avec percussion où la harpe est prédominante. Wassef évoque l’oeuvre du compositeur et harpiste français Bernard Andrés, Danses d’Automne. Il s’agit de six pièces pour petite et grande harpe où il voit l’amitié qui s’effrite comme des fleurs qui perdent leur fraîcheur en automne. Wassef transforme la chanson classique en la dotant d’une nouvelle combinaison de sons sans jamais en changer les mots. « J’interprète la chanson du compositeur égyptien Sayed Darwich Zourouni Kol Sana Marra (visitez-moi une fois par an) qui date de 1917, en accompagnement de la harpe. Cette combinaison est plus adaptée aux temps contemporains », explique-elle. La harpiste se lance aussi dans l’improvisation musicale en inventant des mélodies au gré de son imagination. Elle touche son audience en partant d’une chanson connue comme Ahwak (je t’admire) et Ana Lak Alatoul, Khalik Leya (je serai toujours là pour toi) de Abdel-Halim Hafez. Puis, en jouant sur l’harmonie des autres instruments, elle arrive à ornementer, varier et embellir la mélodie de la harpe. « Ainsi, le grand public égyptien et arabe réalise le côté très concret de cet instrument. A vrai dire, la harpe se prête à tous les styles de musique, du jazz aux variétés », dit-elle avec confiance.
Mona Wassef est une figure incontournable de la musique d’aujourd’hui, avec sa personnalité artistique hors du commun, et sa musique rare et sensible. Elle a fait ses études sur la harpe au Conservatoire de musique du Caire, obtenant un master en 2009. Elle obtient ensuite une bourse d’études à l’Ecole de musique de l’Université d’Arizona aux Etats-Unis. « Je voulais être formée auprès des plus grands maîtres harpistes aux Etats-Unis », souligne la professeure, qui sensibilise les petits à la musique et leur enseigne les techniques de la harpe avec amour.
Mona a grandi dans une famille musicale. Sa mère, pianiste, est diplômée de la faculté de pédagogie musicale de l’Université de Hélouan. Son frère est un musicien doué. Il est diplômé, lui aussi, du Conservatoire. Aujourd’hui, il est enseignant de contrebasse à la faculté de pédagogie musicale. Quant à son père, vétérinaire, il a toujours éprouvé un grand amour pour la musique et l’art. « Quand nous étions enfants, mon père nous amenait, mon frère et moi, aux concerts de l’Opéra du Caire et aux soirées musicales qui avaient lieu à la salle Sayed Darwich de l’Académie des arts. On pouvait écouter tous les genres de musique : classique, moderne, jazz, hip-hop et la musique arabe aussi », raconte-t-elle.
A l’âge de 8 ans, c’est le coup de foudre entre la harpe et l’artiste en herbe. Mona découvre cet instrument majestueux le jour où elle fait son audition pour passer le niveau de base au Conservatoire. Elle ne se rendait pas compte du gabarit de l’instrument qui mesure en moyenne 1m90 et pèse plus de 45 kg. « A l’époque, pour une petite fille de mon âge, c’était une rencontre magique. J’en suis tombée littéralement amoureuse », se souvient-elle.
Au début de sa carrière, son père n’était pas du tout d’accord avec le choix de cet instrument gigantesque. Mais peu de temps après, la petite Mona surprend ses parents et insiste à apprendre cet instrument à 47 cordes. « Malgré son jeune âge, elle était géniale en jouant de la harpe. Cet instrument est devenu sa vie ! », souligne Samira Michèle, sa professeure au Conservatoire. « Ma passion pour la harpe m’a été transmise par ma seconde mère, Samira Michèle. Elle a toujours considéré ses élèves comme ses enfants. Elle nous donnait des leçons de musique, mais aussi des leçons d’éthique. Et, jusqu’à présent, je demande toujours son avis », affirme la harpiste avec gratitude.
Connue pour son style raffiné, Mona Wassef présente des concerts à l’Opéra, dans les centres culturels, les ambassades et à la Bibliothèque d’Alexandrie. Mais elle amène sa harpe dans des univers inattendus comme les expositions d’arts plastiques, les écoles ou les maisons de retraite. L’an dernier, elle a accompagné la soprano Amira Sélim dans sa nouvelle chanson chantée dans l’ancienne langue égyptienne Merut Ek (ton amour), diffusée sur toutes les plateformes de streaming musical, ainsi que sur les réseaux sociaux. La chanson, s’inspirant d’un poème d’amour datant de l’époque ramesside, est une fusion entre le prélude de Bach et une improvisation vocale signée Amira Sélim, et accompagnée à la harpe par Wassef. « Amira Sélim m’a appelée et m’a proposé l’idée de la chanson. J’étais très émue. Et j’ai tout de suite accepté de l’accompagner à la harpe. Ce genre de projet musical vise à mettre en relief l’identité égyptienne », a dit la harpiste dans les médias. Mona utilise également sa harpe pour enseigner la musique aux enfants et aux adultes au Conservatoire. Elle trouve que ses élèves et les amateurs en général n’ont pas les moyens d’acheter une harpe à pédales qui coûte pas moins de 18 000 dollars. Elle a proposé de fabriquer une harpe celtique qui coûte entre 20 000 et 25 000 L.E. Cette harpe à 30 cordes et sans pédales pèse 5 kg seulement. Elle est incroyablement agréable à manipuler. « Mon ambition est de redonner des couleurs plus jeunes et plus modernes à cet instrument millénaire pour la génération future », conclut-elle.
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