Au sein de son école située dans le quartier de Maadi, Injy Teymour fait découvrir à ses étudiants le nouveau langage des fleurs où couleurs, textures et formes s’associent pour créer des bouquets et des objets floraux inédits ! Réunis dans une atmosphère conviviale autour des plus belles fleurs, amateurs et débutants y percent les secrets de l’art floral et apprennent à concevoir et à réaliser des compositions plus originales les unes que les autres grâce à des cours théoriques et pratiques. La méthode d’enseignement est décontractée. Autrement dit, les maîtres mots sont créativité et convivialité. « Il faut s’amuser et laisser sa créativité parler. Regarder, comprendre une structure. Percevoir une forme et admirer l’association des couleurs. Le plaisir de la composition est très corporel et émotionnel. C’est une manière de prendre conscience de la beauté naturelle et silencieuse des fleurs qui existe tout autour de nous », explique Injy. Désignée experte dans le métier de designer floral, Injy s’y est lancée il y a 23 ans. Ses créations sont synonymes de style, d’élégance et de sophistication. « Le bouquet de fleurs ne doit pas être composé de la même manière et chacun a sa spécificité en fonction de l’occasion », dit-elle en soulignant le rôle et la signification de chaque fleur. « Par exemple, poursuit-elle, les fleurs qui sont associées à la Saint-Valentin sont les roses rouges. Car c’est la couleur de l’amour, du désir, de la passion et des sentiments ». Mais les amoureux peuvent, aussi, offrir des violettes parfumées qui symbolisent la tendresse. Lors du mariage, autre événement heureux de l’existence, on peut offrir des fleurs plus délicates aux futurs mariés : des orchidées, des iris, des callas, des tulipes, ou encore des roses, mais à condition qu’elles soient de couleur crème. L’oeillet blanc et la marguerite blanche, quant à eux, amènent la bonne fortune à celui qui en reçoit pour le Nouvel An.
L’école florale propose des formations pour transmettre la passion et l’expertise de l’art de la fleur.
Pour la maîtresse en art floral, tout a commencé dès l’enfance. Lorsque sa grand-mère l’a incitée à l’horticulture et lui a transmis l’amour des fleurs. Ses compétences s’améliorant sans cesse, elle a gagné la confiance des clients de sa boutique et son nom, ainsi que son enseigne « Fleurinjy » sont devenus au fil des années de plus en plus connus. Voulant redonner sa place à la beauté, transmettre son savoir-faire et surtout diffuser la culture de cette discipline de l’esthétique, Injy a créé la première école de design floral en Egypte. « En Egypte, les fleurs sont prisées seulement lors des fêtes et des événements tels que la période de Noël, la Saint-Valentin, la Fête des mères … et surtout les nuits de noces ! Les fleurs sont des choses que l’on prévoit sur la facture déjà salée du mariage. Mais en Europe, les fleurs occupent une si grande place dans la vie quotidienne des gens et ils achètent leurs bouquets au supermarché, chaque jour, ou encore le week-end », explique Injy dont le plus grand défi était d’éduquer les gens aux bienfaits des fleurs. Elle ajoute : « Un cours d’art floral c’est apprendre à composer un bouquet, maîtriser la vrille, couper des tiges, imaginer son terrarium, mais aussi créer ses propres compositions avec des fleurs fraîches ». Son école offre un stage composé de 5 cours (un cours par semaine) de 4 heures chacun pour un tarif de 7 000 L.E. Durant ses cours, Injy montre à ses élèves les bases qui leur permettent de maîtriser rapidement les techniques de composition florale. Elle leur apprend tout d’abord les noms des fleurs et la manière de les entretenir. Elle aborde notamment les notions-clés à maîtriser pour obtenir un résultat harmonieux : les couleurs à associer, les éléments à assembler, la taille, la quantité et la texture de chaque composant. En même temps, elle leur apprend à équilibrer visuellement la composition pour éviter que celle-ci ne soit trop chargée ou pas assez. « Les fleurs, avant, je les admirais et je les sentais, mais les avoir manipulées, observées, arrangées de si près, avec attention et précaution, a accru ma sensibilité », affirme Sarah, 25 ans, qui a suivi des cours d’art floral. Idem pour Nadine, une autre élève à qui le design floral a permis de développer soin et minutie dans son travail. « Une bonne résistance au stress et une capacité à rester concentré en dépit des événements sont aussi des atouts », confirme-t-elle, tout en ajoutant que grâce à ces cours, elle a acquis non seulement de nouvelles compétences, mais aussi un savoir-être indispensable pour pratiquer au mieux son futur métier.
Pour Injy Teymour, les fleurs sont une évidence et sa passion incommensurable se ressent à travers son école.
Un métier en vogue
Un nouveau métier vient d’apparaître en Egypte : designer floral. C’est tout un art qui s’exprime et qui met les sens en fête. Aujourd’hui, la liste des amoureux des fleurs s’est allongée et les Egyptiens sont de plus en plus nombreux à débourser de l’argent pour s’en procurer. La décoration d’intérieur et celle d’extérieur font la part belle à l’art floral.
En effet, l’accord des tons et l’association des couleurs qu’offre le design floral permettent d’élargir le champ d’innovation des professionnels pour satisfaire toutes les envies. Que ce soit pour les cérémonies de mariage, les grands hôtels, les restaurants, les entreprises, etc., il y a des compositions plus originales pour les différentes occasions. Ce qui donne du grain à moudre aux fleuristes, passionnés et professionnels de la décoration. Et, chacun y trouve son compte.
Dr Mohamed Yasser, psychiatre, pense que le fait de s’entourer de fleurs et de plantes a de nombreux avantages psychologiques. Les fleurs apportent le bonheur et ont des effets immédiats et durables sur les réactions émotionnelles, l’humeur, le comportement social et même sur la mémoire. « Réduction du stress, amélioration de l’humeur et création d’un instant de bonheur instantané : les effets des fleurs sur nos émotions sont tous positifs », explique-t-il. Un avis partagé par Dr Ahmed Helmi, président du Centre de recherches agricoles (ARC). Il estime que la manipulation de la terre et des fleurs apporte des bactéries qui favorisent la production de sérotonine, l’hormone antistress. Autrement dit, le simple fait de se reconnecter à la nature, de manipuler des feuilles, des branches et des tiges a des vertus relaxantes. Raison pour laquelle le Centre de recherches agricoles tient à organiser régulièrement des ateliers proposant des formations pour transmettre la passion et l’expertise de l’art floral. « Dans cet art, les sens sont particulièrement stimulés avec les parfums et les couleurs des fleurs, ainsi que la variété des textures qu’offrent les végétaux. C’est très différent de notre quotidien souvent éloigné de la nature », affirme-t-il.
(Photo : Mohamad Mounir)
En dehors des écoles qui fleurissent un peu partout sur le territoire, l’art floral se propage aussi sur YouTube. Il suffit de taper « Tutoriel d’art floral » sur le moteur de recherche pour voir apparaître un vaste choix consacré à la décoration florale, du niveau débutant au niveau professionnel. Avec l’envie de partager sa passion, Walid Ahmed anime des cours d’art floral pour tous les âges. Il explique en ligne comment composer un bouquet « simple » en trois étapes : quelles fleurs, quelles couleurs et quelles formes. « D’abord, il ne faut pas avoir plus de trois fleurs différentes, et au maximum trois couleurs dans un bouquet. Quant à la forme du bouquet, elle est dictée par le choix des fleurs : des roses ou des gerberas, aux formes régulières, feront plutôt des bouquets ronds, tandis que des glaïeuls ou des arums impliquent une forme plus évasée », lance-t-il.
L’ikebana : l’art de faire vivre les fleurs
Ahmed pense que l’art floral a beaucoup évolué ces dernières années de sorte que des styles contemporains sont apparus, notamment influencés par l’ikebana. Signifiant « la voie des fleurs », l’ikebana est un art japonais ancestral dédié à la composition florale. Il se définit comme étant une philosophie encourageant l’expression de soi et la connexion avec la nature.
L’apprentissage de l’ikebana aux enfants à l’ambassade du Japon. (Photo : Mohamad Mounir)
Autre scène, autre image. C’est un moment de détente pour décompresser, apprendre et découvrir aux enfants l’ikebana. Au sein de l’ambassade du Japon, un groupe d’enfants âgés de 12 à 16 ans est en train d’assembler fleurs, feuillages, branchages, bois et autres accessoires, alliant formes et couleurs. Muni d’un sécateur, de ciseaux et d’un pique-fleurs, chacun d’eux essaie de composer un bouquet adapté à la forme, à la taille et à la couleur du vase. Tout d’abord, l’enseignante commence à donner à ses élèves une explication concernant le style de l’ikebana à réaliser et donne des conseils sur la meilleure manière de couper, d’implanter et d’orienter les végétaux, puis les aide à ajuster la composition. « Sécateur en main, avec précaution, on va raccourcir les rameaux et on dégage les fleurs. Il est important de bien couper les fleurs selon des dispositions précises et en prendre soin pour maintenir leur fraîcheur », leur explique Mona Al- Labanne, l’enseignante qui a étudié l’ikebana à l’Institut de Kyoto et en Egypte. Elle a ensuite, à son tour, donné des stages de composition florale ikebana dans plusieurs écoles et universités. « L’ikebana appelle à la concentration et à la paix intérieure. C’est pour cela qu’au Japon, cet intérêt qu’apporte l’art floral en a fait une matière enseignée à l’école afin d’apprendre aux enfants à maintenir leur attention et à coordonner leurs gestes », ajoute-t-elle. Si le cours de l’art floral se fait en groupe, aucun bouquet ne se ressemble. Il est singulier pour l’élève, selon sa sensibilité et sa créativité. « Et, je le dis toujours pour tranquilliser les participants aux ateliers : en art floral, il n’y a pas de fautes de goût, le résultat est toujours joli ! Le but est que tout le monde prenne plaisir et réussisse sa composition », conclut Al- Labanne.
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