Les négociations entre l’Egypte et le FMI ont commencé en mars dernier, un mois après l’invasion russe de l’Ukraine.
Washington,
De notre envoyée spéciale —
Le nouveau gouverneur de la Banque Centrale d’Egypte, Hassan Abdallah, se montrait confiant sur les perspectives de conclusion d’un accord de crédit avec le Fonds Monétaire International (FMI). « Il ne faut pas s’inquiéter, tout sera arrangé, notre économie est résiliente », a-t-il confié à l’Hebdo en marge des réunions annuelles de la Banque Mondiale (BM) et du FMI, tenues à Washington du 10 au 16 octobre. La directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, s’est également montrée rassurante. « Nous avons résolu les grandes questions des politiques (économiques). Nous continuons de discuter des plus petits détails techniques. Il s’agit notamment de la politique du taux de change », a-t-elle expliqué lors d’une conférence de presse un jour avant la clôture des réunions.
Le montant du nouveau crédit n’est pas encore révélé, ni sa nature, le ministre des Finances, Mohamad Maeit, a pourtant révélé à une chaîne de télévision égyptienne qu’il s’agit d’un montant entre 3 et 5 milliards de dollars.
Les négociations entre l’Egypte et le FMI ont commencé en mars dernier, un mois après l’invasion russe de l’Ukraine. Le FMI demande aux pays qui le sollicitent comme l’Egypte des mesures comme la dévaluation de la monnaie et des économies budgétaires, notamment à travers la suppression des subventions à l’énergie et à la nourriture. L’Egypte a opté pour une dévaluation graduelle de la livre égyptienne, qui a perdu dès lors plus de 25% de sa valeur, dans le but d’éviter une inflation incontrôlée. Une approche qui semble insuffisante pour le FMI.
Lors des sept derniers mois qui ont suivi la guerre Russie-Ukraine, les conditions de l’économie mondiale se sont détériorées. Les réunions BM-FMI ont commencé par le lancement d’un rapport pessimiste sur les « Perspectives de l’économie mondiale », estimant que cette dernière connaît l’une des pires périodes depuis deux décennies (à l’exception de la crise de 2008 et la brève récession lors du premier trimestre du Covid-19). « Le pire est à venir », a averti le premier économiste du FMI, Pierre-Olivier Gourinchas, devant une salle comble de participants aux réunions.
La région MENA réaliserait en revanche une meilleure croissance en 2022 que la moyenne mondiale (5 % versus 3,6%). Et ce, grâce à la performance des pays exportateurs du pétrole dans la région. Jihad Azour, directeur de la région MENA au sein du FMI, a souligné que la région est frappée par une multitude de chocs: le ralentissement de l’économie globale est marqué par les fluctuations des prix de la nourriture et du pétrole. En plus, un dollar plus fort, ainsi que des taux d’intérêt plus élevés aux Etats-Unis signifient que les économies émergentes trouvent plus de difficultés à financer leurs budgets. Azour a noté, lors d’une conférence de presse, que les pays de la région font face à « de plus hauts services de dettes ». Et d’ajouter que les prix élevés de la nourriture et le manque d’offre mondiale marié au prix élevé des engrais peuvent présenter un défi « à la sécurité alimentaire et pourraient présenter des tensions sociales ».
En Egypte, contre vents et marées, le FMI prévoit que la croissance serait de 6,6% en 2022. Ce taux devrait baisser à 4,4 % en 2023. En fait, l’Egypte a continué à remplacer les subventions universelles à la nourriture par des transferts en espèces ciblant les plus pauvres, en élargissant le nombre de bénéficiaires. Pour ce faire, en 2022, une vingtaine de millions (qualifiés de non-méritants) ont été exclus du système des cartes de subventions. Le poids du pain subventionné a été par ailleurs diminué de 4% (au lieu d’augmenter le prix). « Nous continuons de consolider notre budget et de cibler l’assistance aux catégories les plus méritantes », a expliqué Maeit, lors d’un communiqué de presse publié au dernier jour des réunions de la BM et du FMI. Selon le ministre, l’Egypte a réalisé un déficit budgétaire de 6,1 % en juin 2022. Et ce, en dépit de la sortie de 20 milliards de dollars de capitaux étrangers qui investissaient dans les bons de Trésor égyptiens au début du conflit en Ukraine. Dès lors, l’Egypte a imposé des restrictions sur les importations « non essentielles » et récemment sur les transferts individuels en dollars hors du pays. Tous les produits de première nécessité par contre n’ont connu aucune pénurie.
Alternatives aux investissements étrangers
Le pari: remplacer l’endettement à court terme par d’autres à long terme. Ainsi, pour compenser le manque d’investissement étranger dans les instruments de dette publique à court terme, l’Egypte a élaboré un plan généreux de privatisation, où le gouvernement se retirera entièrement au profit du secteur privé dans quelque 79 activités économiques et ouvrira la porte à la participation du secteur privé dans 45 autres activités.
En plus, les pays du Golfe ont déposé quelque 13 milliards de dollars auprès de la Banque Centrale. Le gouvernement cherche également à mobiliser des ressources extérieures à travers le lancement des obligations à long terme sur le marché international. Il s’agit d’obligations destinées aux marchés asiatiques, comme les « obligations-panda », les « obligations-samouraï », les « obligations vertes » ou encore les « obligations-ODD ». Ces dernières sont destinées à financer le plan de l’Egypte 2030 pour atteindre les Objectifs onusiens du Développement Durable (ODD).
Or, dans un contexte mondial où le taux d’intérêt américain est à la hausse et les perturbations économiques augmentent les incertitudes, le lancement de nouvelles obligations serait à un taux d’intérêt élevé, soit de 1 000 points de base de plus que le taux d’intérêt américain, ou de 10% de plus. Or, la conclusion d’un accord avec le FMI devrait diminuer ce taux d’intérêt, car il garantit que dans un monde où plus de 70 pays émergents font face au fardeau de la dette, l’économie de l’Egypte est capable de remboursement.
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