L’Afrique est le continent le moins électrifié du monde. 43 % de sa population, soit environ 600 millions de personnes, n’ont toujours pas accès à l’électricité, dont 590 millions en Afrique subsaharienne. Aujourd’hui, la plus célèbre crise de coupures de courant se trouve en Afrique du Sud. Le pays est plongé dans l’obscurité une ou plusieurs fois par jour. Les avertissements de coupures de courant apparaissent fréquemment sur les téléphones portables et les gens essaient de planifier leurs journées et leurs nuits en fonction des pannes de courant dans leur région. Depuis 2008, le pays a eu recours au délestage, ou pannes continues, pour économiser l’électricité, mais les pannes actuelles sont pires. Au seul mois d’avril, 1 054 gigawatt/heure d’électricité ont été coupés dans tout le pays, alors que 2 521 gigawatt/heure ont été coupés pour l’ensemble de l’année 2021.
Dans d’autres pays de l’Afrique subsaharienne, les coupures de courant peuvent durer huit heures ou plus, pénalisant l’activité économique qui peine toujours à se remettre de la pandémie du coronavirus. En fait, avant le Covid-19, beaucoup de pays africains ont marqué de bonnes notes en matière de développement, notamment le Ghana, le Kenya et le Rwanda. Mais à cause de la pandémie et ses répercussions économiques, cette tendance positive s’est inversée. L’invasion de l’Ukraine par la Russie a compliqué la situation. Le conflit a fait monter en flèche les prix de l’énergie, de la nourriture et d’autres produits de base. « Selon des estimations, l’année dernière, le nombre de personnes en Afrique subsaharienne sans accès à l’électricité a augmenté pour la première fois en huit ans. Les restrictions dues à la pandémie ont freiné la production d’électricité en Afrique. Et le ralentissement économique mondial a imposé de sévères contraintes sur les budgets des pays africains. Conséquence : une limitation considérable à la capacité des gouvernements africains de financer les projets de production des énergies propres, faisant basculer des millions de personnes dans l’extrême pauvreté, ce qui ne leur permet pas de s’offrir les services d’électricité de base », explique Mohamed Shadi, expert économique.
Besoin d’investissement
Quelles solutions donc face à la pénurie énergétique en Afrique ? L’Agence Internationale de l’Energie (AIE), dans son rapport sur les perspectives énergétiques en Afrique 2022, a proposé certaines mesures pour parvenir à un meilleur approvisionnement en électricité d’ici 2030. Le rapport présente un scénario pour « une Afrique durable ». Selon ce scénario, les gouvernements africains doivent respecter les engagements climatiques et poser des stratégies et des politiques claires, alors que les institutions internationales doivent augmenter considérablement leurs niveaux de soutien, indique le rapport. Selon Faith Bidal, directeur exécutif de l’AIE, l’Afrique a besoin de 25 milliards de dollars d’investissement par an pour obtenir un accès complet à l’électricité d’ici la fin de la décennie. Une somme équivalente au coût de construction d’un seul terminal de gaz naturel liquéfié. Le continent a également besoin de 22 milliards de dollars supplémentaires pour financer des projets d’infrastructure. Selon le rapport, le progrès technologique et une baisse sans précédent du coût des énergies renouvelables peuvent désormais fournir l’électricité la moins chère que l’humanité ait jamais vue.
L’Egypte, pionnière de l’interconnexion
L’interconnexion électrique figure aussi parmi les solutions proposées. Plusieurs projets d’interconnexion sont en cours. L’Egypte, qui fait partie des rares pays africains avec un taux de pénétration de l’électricité de 100 % à partir de 2022, selon le nouveau rapport de la Banque mondiale (voir tableau), donne l’exemple. Se concentrant désormais sur l’augmentation de la part de l’énergie propre, l’Egypte a lancé des projets régionaux pour alimenter certains pays en électricité. Comme le projet d’interconnexion électrique à double circuit égypto-soudanais (Tochka2-Wadi Halfa) et le projet de liaison électrique avec la République démocratique du Congo (Inga-Assouan).
L’ambassadrice Mona Omar, ancienne viceministre des Affaires étrangères, explique comment ce type de partenariat égyptien avec certains pays africains dans le secteur de l’électricité renforce la présence de l’Egypte en Afrique. Et d’ajouter que « les entreprises égyptiennes telles qu’Elsewedy Electrometer Group (EMG) et The Arab Contractors ont une longue histoire dans la gestion des grands projets et ont une large présence et d’énormes investissements en Afrique dans le secteur de l’électricité ».
Potentiel solaire
L’Afrique est également le meilleur endroit au monde pour exploiter l’énergie solaire. « Avec des énergies renouvelables bon marché et des investissements verts à la suite de la pandémie, l’Afrique peut abolir sa pauvreté énergétique au cours de la prochaine décennie. L’accès complet à l’énergie d’ici 2030 est possible, mais il faut commencer à faire de grands progrès », souligne Mohamed Shadi. Alors que l’Afrique abrite 60 % des meilleures ressources solaires au monde, elle ne dispose que de 1 % de la capacité d’énergie solaire installée. Selon le rapport de l’AIE, les énergies renouvelables, y compris l’énergie solaire, éolienne, hydroélectrique et géothermique, pourraient représenter plus de 80 % de la nouvelle capacité de production d’électricité en Afrique d’ici 2030. « L’Afrique a besoin de doubler les investissements énergétiques dans tous les secteurs énergétiques, y compris l’énergie propre pour atteindre ses objectifs énergétiques et climatiques », a déclaré Bidal. Toutes ces solutions seront réexaminées lors de la Conférence des Nations-Unies sur le changement climatique (COP27) qui sera tenue en Egypte en novembre prochain. Selon le rapport de l’AIE, la COP27 est une « plateforme cruciale qui permettra aux dirigeants africains de travailler à l’échelle mondiale pour identifier les moyens de la conduite des changements climatiques ».
Selon le dernier rapport The Energy Progress Report de la Banque mondiale, l’Afrique du Nord est la région la mieux électrifiée du continent, avec trois pays affichant en 2022 un taux d’accès à l’énergie de 100 % : L’Egypte, le Maroc et la Tunisie.
Après le Covid-19, le nombre des Africains vivant sans électricité a augmenté de 4 %, soit 25 millions de personnes, entre 2019 et 2021.
Lien court: