La construction de l’autoroute panafricaine Le Caire-Le Cap, reliant l’Egypte à l’Afrique du Sud, devrait s’achever en 2024. Cette route, également appelée autoroute de l’Afrique ou la Grande Route du Nord en Afrique subsaharienne, s’étend sur 10288 kilomètres du nord au sud du continent et traverse 10 pays.
Le projet est cofinancé par la Banque africaine de développement, en coopération avec la Commission économique des Nations-Unies pour l’Afrique et l’Union africaine. « La route Le Caire-Le Cap est un projet marquant qui permettra d’atteindre la connectivité terrestre et d’accroître les échanges commerciaux entre les pays africains. Cette route transfrontalière jouera un rôle important dans le soutien à l’intégration économique régionale du continent africain. Elle améliorera les moyens de circulation entre les pays voisins et permettra aux pays enclavés d’accéder aux ports maritimes appartenant à d’autres pays. Les routes transfrontalières améliorent le commerce international et régional en réduisant les coûts de transport et de fret, ainsi qu’en réduisant la latence des importations et des exportations », explique Magdy Salah, professeur d’ingénierie des autoroutes et des transports à l’Université du Caire.
Mais, comment se dessine cette route? L’autoroute commence en Egypte, dans la ville côtière d’Alexandrie, et traverse Le Caire pour se rendre au point de passage d’Arqin, à la frontière égypto-soudanaise. Elle passera successivement par les gouvernorats du Fayoum, Béni-Soueif, Minya, Assiout, Sohag, Qéna, Louqsor et Assouan, puis vers Tochka et Arqin. Après l’Egypte, la route traversera le Soudan, en passant par le Soudan du Sud, l’Ethiopie, le Kenya, la Tanzanie, la Zambie, le Zimbabwe, le Botswana et l’Afrique du Sud, pour se terminer au Cap, dans l’extrême sud du continent.
L’autoroute Le Caire-Le Cap suit en grande partie l’itinéraire de la route inverse Le Cap-Le Caire, mais présente quelques différences.
L’idée de créer cette route n’est pas entièrement nouvelle. Elle s’inspire d’un ancien projet d’autoroute proposé sur toute la longueur de l’Afrique, du Caire au Cap en passant par les colonies britanniques. La proposition était aussi similaire au chemin de fer Le Caire-Le Cap qui est un autre projet d’infrastructure proposé par les mêmes colonies (voir sous-encadré).
Selon Ahmad Al-Fadly, ambassadeur d’Egypte en Afrique du Sud, cet axe favorisera l’intégration du continent africain selon de nouveaux cadres dépassant le découpage géographique traditionnel hérité du colonialisme, qui divisait le continent en Nord, Est, Centre, Ouest et Sud. « L’Egypte et l’Afrique du Sud sont les pôles de cet axe, Nord et Sud. Par conséquent, cet axe pourrait accélérer leur capacité à diriger le processus de développement économique et la réalisation de l’intégration commerciale africaine. En outre, l’axe Le Caire-Le Cap renforcera le partenariat entre ces deux grandes économies africaines. Notamment avec le lancement de la Zone africaine de libre-échange qui augmente les taux d’échanges commerciaux, les investissements conjoints et l’intégration entre les pays africains, afin de réaliser l’intégration africaine que chacun cherche à atteindre, l’Afrique que nous voulons », indique l’ambassadeur.
Stimuler les exportations égyptiennes
L’Egypte cherche le développement de l’Afrique par la contribution à la construction de la route Le Caire-Le Cap. Cette route qui relie l’Egypte à 9 pays africains s’inscrit dans le cadre des efforts visant à stimuler le développement et à renforcer les exportations égyptiennes vers l’Afrique. Le tronçon de 1155 kilomètres de la route en Egypte atteindrait Arqin, à la frontière égypto-soudanaise, d’ici 2024 et se connectera à partir de là avec Wadi Halfa au Soudan, ainsi qu’avec d’autres pays. Selon les responsables au ministère du Transport, le tronçon de la route allant jusqu’aux frontières avec le Soudan a déjà été réalisé et est prêt à fonctionner.
Selon des chiffres officiels, en 2019, les échanges commerciaux de l’Egypte s’élevaient à 899 millions de dollars avec la Libye, 608 millions avec le Soudan, 550 millions avec le Kenya, 173 millions avec l’Afrique du Sud et 144 millions avec l’Ethiopie. La future route Le Caire-Le Cap traversera ces cinq pays. « L’Egypte travaille dur pour achever la route d’ici 2024. La route réduira le temps d’arrivée des marchandises égyptiennes sur les marchés africains, en particulier les produits agricoles, et donnera une impulsion majeure aux efforts du gouvernement pour réaliser le développement économique et renforcer son influence sur le continent africain », prévoit Salah, qui a imputé le retard dans la réalisation du projet routier au manque de financement.
Selon Abdel Motelbprofesseur d’économie à l’Académie de Sadate au Caire, L’Egypte a réalisé un bond en avant en matière de qualité et d’efficacité des routes. Elle mobilise des ressources pour doubler les exportations et le commerce avec les pays africains, et cherche à augmenter ses exportations vers l’Afrique à 30 milliards de dollars. La route Le Caire-Le Cap aidera le gouvernement à atteindre cet objectif»,
L’Egypte construit également une route de 1102 kilomètres pour se connecter au Tchad via la Libye, ainsi qu’une autoroute côtière de 585 kilomètres entre Salloum à l’ouest du pays et Benghazi à l’est de la Libye. Les projets routiers avec les pays africains visent à réaliser un développement durable, à promouvoir les échanges commerciaux avec les voisins de l’Egypte et à améliorer l’accès des exportations égyptiennes aux marchés arabes et africains. En plus, l’Egypte et le Soudan ont signé un accord pour construire un réseau ferroviaire transfrontalier pour transporter à la fois des passagers et des marchandises entre les deux pays, dans le cadre des efforts visant à accroître leurs échanges commerciaux.
Ces routes transafricaines contribuent à réduire les coûts et les délais élevés de transport des marchandises et à renforcer l’intégration économique entre les pays africains. « Les corridors mondiaux améliorent l’environnement favorable au secteur privé, attirent les investissements directs étrangers en supprimant les obstacles physiques au commerce transfrontalier et élargissent la portée des marchés au-delà des frontières nationales. En plus d’améliorer le commerce et de renforcer l’intégration régionale, les routes transfrontalières contribuent également à la réduction de la pauvreté, en améliorant l’accès aux marchés et aux services sociaux », conclut Abdel-Hamid.
Une route datant de l’époque coloniale
La route du Cap au Caire, ou route panafricaine, était une proposition lancée pour la première fois dans les années 1890, lorsque le premier ministre de la colonie du Cap Cecil Rhodes rêvait d’une « ligne rouge » sur la carte, faisant référence aux dominions britanniques. Il est similaire à la proposition de Cape-Cairo Railway à travers le territoire britannique à cette époque. A la fin du XIXe siècle, à l’époque de la domination coloniale occidentale, le projet de chemin de fer Le Cap-Le Caire (Cape-Cairo Railway) a été lancé dans le but de relier les possessions africaines adjacentes de l’Empire britannique. Il s’agit d’une ligne de chemin de fer qui traverse l’Afrique du sud au nord, étant le chemin de fer le plus grand et le plus important de ce continent, et sert de lien entre Le Cap, en Afrique du Sud, et Port-Saïd, à l’est de l’Egypte. Mais de grandes parties du parcours destiné à traverser l’Afrique n’ont pas été accomplies et sont restées inopérantes en raison des guerres, du manque de capital financier, des obstacles géographiques et géologiques et de la faible volonté politique. Aucune de ces routes n’a été achevée avant la fin de la domination coloniale britannique dans les années 1960.
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