Lancé en 2007, le projet de la Grande muraille verte vise à restaurer, d’ici 2030, 100 millions d’hectares de terres dégradées dans les 11 pays de la zone soudano-sahélienne.
« Agissons vite, agissons ensemble pour donner une nouvelle vie à nos terres ! ». C’est ce qu’a déclaré le président ivoirien, Alassane Ouattara, lors de l’ouverture de la COP15 à Abidjan. La restauration des terres dégradées est la priorité de cette « COP désertification », alors que l’Onu estime que 40% des terres sont dégradées dans le monde. Les 196 participants devront s’accorder sur des actions et des mesures concrètes pour répondre à l’urgence climatique. Parmi les quelques chefs d’Etat présents auprès du président ivoirien, 9 d’entre eux représentent des pays africains, dont le Niger, le Togo et la République démocratique du Congo.
Le continent africain est, en effet, particulièrement touché par la désertification et la sécheresse, notamment dans la bande sahélienne. Le désert avance, les sols s’appauvrissent et la déforestation s’intensifie. Environ 4 millions d’hectares de forêts sont rasés chaque année en Afrique à la recherche de sols fertiles.
Cependant, les enjeux de la désertification dépassent le seul continent africain. « L’économie mondiale a été fortement affectée par la pandémie, et maintenant par les conflits comme la guerre en Ukraine », explique Ibrahim Thiaw, secrétaire exécutif de la Convention des Nations-Unies sur la Lutte Contre la Désertification (CNULCD). « Donc, la réparation des terres offre des opportunités à tous les Etats du monde pour mieux produire », ajoute-t-il.
Chaque année, ce sont 12 millions d’hectares de terres, une surface équivalente à celle du Bénin, qui disparaissent. Les sols en manque de nutriments affectent la production agricole, et parfois se transforment même en poussière improductive, menaçant la sécurité alimentaire. Les sols dégradés rejettent du carbone plutôt que de le stocker, renforçant le réchauffement climatique. La santé des populations est aussi directement impactée, car la dégradation des terres provoque des maladies pulmonaires. Enfin, à long terme, des vagues de migrations ou des conflits pourraient résulter de l’appauvrissement des terres.
Dans son rapport Global Land Outlook publié en avril, la CNULCD alerte sur la « menace existentielle » que constitue la désertification. 50 % de la population mondiale est déjà affectée et la moitié du PIB mondial est menacée. D’ici 2050, la dégradation des terres devrait coûter 23 000 milliards de dollars.
L’urbanisation croissante ainsi que l’explosion démographique sont à l’origine de ce phénomène. La CNULCD pointe aussi du doigt la monoculture intensive avec l’utilisation d’engrais et de pesticides comme source d’appauvrissement des sols. Ce mode de production est responsable de la déforestation et de 70% de la consommation d’eau douce. Ce modèle n’est pas durable, d’autant plus qu’un tiers de la nourriture produite n’est pas consommé et une partie de la production agricole est destinée à l’alimentation animale.
Accélérer l’achèvement de la Grande muraille verte au Sahel
Face à une détérioration des sols qui s’accélère, la solution est de restaurer les terres dégradées et opter pour une agriculture de conservation, débarrassée des pesticides. C’est dans cette optique que le projet de la « Grande muraille verte » a été lancé en 2007. Une « barrière végétale » devra traverser le continent du Sénégal à Djibouti par la restauration de 100 millions d’hectares de terres arides. Cependant, l’implantation du projet est difficile et coûteuse, et seulement 4 % de l’objectif pour 2030 a été atteint. 12 milliards d’euros ont été récoltés l’année dernière pour relancer le projet.
Le président ivoirien, Alassane Ouattara, souhaite, lui aussi, s’imposer sur le terrain de la lutte contre la désertification. L’« initiative d’Abidjan » prévoit de réunir 1,5 milliard de dollars pour restaurer les terres dégradées et renforcer la productivité agricole. Le couvert forestier ivoirien a diminué de 80% depuis le XXe siècle et, à ce rythme, aura totalement disparu entre les 10 et 30 prochaines années, principalement à cause de la culture intensive de cacao. « L’initiative d’Abidjan est non seulement conçue comme un modèle de gestion durable des terres, mais aussi un modèle de production durable, susceptible de créer des emplois. C’est surtout un modèle qui peut être répliqué en Afrique et dans d’autres régions du monde », a-t-il expliqué.
Cependant, le pays a provoqué quelques remous après avoir nommé à la présidence de la COP contre la désertification pour les deux prochaines années, Alain-Richard Donwahi. L’ancien ministre ivoirien des Eaux et des Forêts a été démis de ses fonctions lors du remaniement du gouvernement en mai dernier, car soupçonné de trafic de bois rare.
L’enjeu de cette COP15 est donc de réussir à décider de mesures réellement contraignantes pour lutter contre la désertification et être à la hauteur de l’urgence climatique. Cependant, cette convention pâtit d’un manque de mobilisation. Seuls 25 chefs d’Etat sont attendus durant les deux prochaines semaines, et cette COP est moins médiatisée que sa grande soeur sur le climat. Car non seulement la désertification coûte cher, mais elle remet aussi en question le modèle agricole intensif dominant.
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