Quels mécanismes pour augmenter la représentativité des sites culturels et naturels africains sur la liste du patrimoine mondial ? Et pourquoi l’Afrique a-t-elle tant de mal à voir ses biens valorisés ? Ces questions étaient au centre des activités, tables rondes, ateliers et webinaire, organisés par l’Université Senghor, sur le campus d’Alexandrie, le 5 mai, pour célébrer la Journée du patrimoine mondial africain, qui correspond cette année au cinquantenaire de la Convention du patrimoine mondial, adoptée par l’Unesco le 16 novembre 1972. Selon cette convention, les Etats concernés s’engagent à protéger sur leur territoire les monuments et les sites reconnus d’une valeur telle que leur sauvegarde concerne l’humanité dans son ensemble.
La manifestation organisée par l’Université Senghor a inclus plusieurs débats traitant notamment le bilan et les perspectives de la Convention du patrimoine mondial pour l’Afrique, la place des jeunes dans la conservation du patrimoine naturel et culturel et l’engagement de la jeunesse au profit du patrimoine africain. « L’Université Senghor est un exemple sur le continent qui nous rappelle l’importance de sensibiliser davantage les Africains à leur patrimoine, pour créer dans les générations futures les experts et les professionnels de patrimoine qui accompagneront les gouvernements dans la préservation et la connaissance du patrimoine culturel africain », a souligné Mohamad Juma Mohamad, chef de l’Unité Afrique du centre du patrimoine mondial de l’Unesco, avant de préciser les deux grands axes de travail pour les années à venir : augmenter le nombre des biens sur la liste du patrimoine mondial et développer les stratégies pour cibler et connaître d’autres sites du patrimoine africain.
Une notion qui fait débat
En fait, beaucoup de rapports de l’Unesco ont signalé la sousreprésentation du patrimoine culturel africain en comparaison avec les autres aires géographiques. Seuls 96 des 1 092 sites inscrits sur la liste du patrimoine mondial sont africains, soit moins de 9 %. A titre de comparaison, la région Asie et Pacifique en compte 257, l’Europe et l’Amérique du Nord comptent 513 et la France, seule, compte 43 sites répertoriés. « L’Afrique est sous-représentée dans les sites inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco, alors qu’elle dispose de nombreuses et importantes richesses de valeur internationale. La prise de conscience de cette situation va nous permettre de continuer sur les efforts conquis depuis des années, de renforcer les capacités des cadres africains et de porter des dossiers auprès de l’Unesco pour protéger et inscrire les patrimoines africains au patrimoine mondial », indique Thierry Verdel, recteur de l’Université Senghor. Au-delà des conflits politiques et administratifs et des problèmes de gestion des biens, la notion même de « patrimoine » en Afrique fait débat.
La vision du patrimoine en Europe est surtout très monumentale. C’est ainsi que les premières inscriptions au patrimoine mondial concernaient surtout des villes, des monuments et des constructions. Mais ce n’est pas le type de patrimoine important pour l’Afrique qui possède toute une variété de cultures traditionnelles et de styles architecturaux authentiques.
Consciente de ces failles, l’Unesco a créé de nouvelles catégories de sites du patrimoine mondial regroupant désormais des itinéraires culturels, des musiques, des plats ou encore des paysages culturels, qui représentent un levier de développement pour l’Afrique. Et pour donner un coup de pouce à l’Afrique, l’Unesco a lancé, en 2015, la Journée du patrimoine mondial africain, établie au 5 mai, chaque année, pour célébrer la richesse culturelle et naturelle du continent.
Des richesses en danger
Un autre thème discuté lors d’une table ronde était : Quelles politiques de sauvegarde des sites existants et ceux en péril en Afrique ? L’Afrique constitue 30 % de patrimoine en péril. Les conflits qui s’élèvent au niveau des guerres dans plusieurs zones du continent, la création des routes, les explorations pétrolière et minière, les changements climatiques sont autant de facteurs qui mettent en péril les sites patrimoniaux africains. Cinq sites libyens inscrits depuis les années 1980 sur la liste du patrimoine mondial sont reconnus en péril en 2016.
Ainsi, dans le cadre de la célébration de la Journée du patrimoine mondial africain, le directeur de l’Ecole du Patrimoine Africain (EPA) a signé un accord de coopération avec l’Université Senghor pour l’organisation d’activités communes de formation au profit des jeunes du continent. L’EPA, qui a un statut d’organisation internationale au Bénin, propose à 26 pays d’Afrique subsaharienne francophone, lusophone et hispanophone de former des professionnels de la conservation et de la mise en valeur du patrimoine culturel. Depuis sa création à Bénin, en 1998, l’EPA a formé plus de 700 professionnels du patrimoine africains. A la fin, une soirée culturelle a été organisée par les étudiants de l’Université Senghor pour présenter des éléments inscrits en 2021 sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco : théâtre (avec la contribution des étudiants de l’Université égypto-japonaise des sciences et technologies), danse et slam, rumba congolaise, défilé des couleurs en tenues traditionnelles et animation musicale.
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