« Il ne pourra être question d’une Baltique non nucléaire si les pays scandinaves rejoignent l’Otan ». C’est ce qu’a affirmé Dmitri Medvedev jeudi 14 avril. L’ex-président russe et numéro deux du Conseil de sécurité de Russie réitère ses menaces, alors que le gouvernement finlandais a remis au parlement la veille un rapport présentant les avantages et inconvénients d’une potentielle intégration à l’Otan.
L’invasion de l’Ukraine par la Russie a fait sortir la Finlande et son voisin suédois de la traditionnelle neutralité de ces pays scandinaves envers l’alliance. Le gouvernement finlandais promet de prendre une décision « dans les semaines qui viennent » et la première ministre suédoise affirme que l’hypothèse d’une adhésion à l’Otan est sur la table.
Alors que Poutine avait déjà fait de l’élargissement de l’Otan vers l’Est une des justifications de l’invasion de l’Ukraine le 24 février dernier, Moscou menace la Finlande et la Suède de « graves conséquences, politiques et militaires ». Ce sont 1 300 kilomètres de frontière qui séparent la Russie de la Finlande, et en cas d’adhésion à l’Otan, « les frontières de l’alliance avec la Russie feraient plus que doubler », explique Medvedev dans son message sur Telegram. « Et ces frontières, il faudra les défendre », ajoute-t-il, faisant allusion aux troupes, dispositifs antiaériens et forces navales que la Russie prévoit de déployer.
Le début de la guerre en Ukraine a été un tournant décisif pour l’opinion publique finlandaise : selon un sondage, 60 % des Finlandais sont favorables à l’adhésion à l’Otan, deux fois plus qu’avant la guerre, et la part des opposants a chuté de 20 %. De même, parmi les députés, une majorité est en faveur de rejoindre l’alliance. Le débat se cristallise autour des questions sécuritaires. Pour les partisans de l’adhésion, il s’agit de se protéger de la volonté expansionniste russe. Les opposants indiquent de leur côté que rester en dehors des alliances est un gage de stabilité. Le président finlandais, Sauli Niinistö, a aussi appelé ses compatriotes à « garder la tête froide ». Les menaces russes réactivent la peur d’une invasion, rappelant les deux guerres qui ont opposé la Finlande à l’Union soviétique depuis son indépendance en 1917, ainsi que l’annexion de la Carélie du Sud en 1944.
Bien qu’une adhésion à l’Otan fasse sortir la Finlande et la Suède du non alignement instauré depuis les années 1990, les deux pays souhaitent réaffirmer leur souveraineté sur les questions de sécurité. Face aux menaces russes, le président finlandais a rappelé dans son discours du Nouvel An que « la liberté de manoeuvre et de choix de la Finlande inclut également la possibilité d’alignement militairement et la demande à devenir membre de l’Otan ». Il en va de même pour la Suède qui affirme que c’est elle « seule et de façon indépendante qui choisit sa ligne en matière de sécurité ».
La Finlande a décidé d’augmenter de 40 % le budget militaire d’ici 2026 et a commandé 64 avions de combat américains. Déjà suite à l’annexion de la Crimée en 2014 et la présence grandissante de la Russie en mer Baltique, la Finlande avait commencé à moderniser son armée. En Suède, le gouvernement a annoncé une augmentation de 3 milliards de couronnes du budget de la défense en 2022.
En devenant membre de l’Otan, la Finlande bénéficierait donc de l’article 5 du traité qui stipule que si un pays membre est victime d’une agression, c’est l’ensemble de l’alliance qui est attaquée. Cependant, rejoindre l’Otan comporte des risques concrets de représailles russes. Des sites gouvernementaux finlandais ont été la cible de cyberattaques vendredi dernier. La Russie pourrait aussi choisir de suspendre le contrôle des frontières. De même, les relations économiques avec Moscou seraient affectées, la quasi-totalité du gaz importé par la Finlande provenant de Russie.
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