Le musicien vu par Seif Wanly.
Personne ne pouvait imaginer qu’un jeune Alexandrin, issu d’un milieu modeste, qui a appris très jeune à psalmodier le Coran, allait bouleverser l’histoire de la musique arabe entre 1915 et 1923. Malgré son talent exceptionnel, le succès n’était pas facile. Il a d’abord chanté dans les cafés populaires, et avec de petites formations musicales. Il a été contraint de travailler comme ouvrier en bâtiment pour subvenir aux besoins de sa famille. Il avait l’habitude de fredonner quelques airs sur le chantier, ce qui a impressionné ses collègues. Les deux frères Amin et Selim Atallah, qui avaient une troupe de théâtre, l’ont remarqué et lui ont proposé de les accompagner dans une tournée aux pays du Levant en 1908, mais leur initiative fut sans grand succès. Ce séjour a permis à Sayed Darwich d’explorer d’autres formes de chant et de spectacles musicaux. Un deuxième séjour de deux ans, toujours aux pays du Levant, a fortement marqué sa carrière. C’était en 1912, en Syrie. Il a fait la rencontre du musicien iraqien Osman Al-Moussely, avec qui il a appris à maîtriser le jeu du oud (luth oriental), le solfège et l’écriture musicale. De retour en Egypte, il signe un premier grand succès, Pourquoi tu aimes mon coeur ? Au Caire, il travaille avec les troupes théâtrales d’Al-Rihani, de Ali Al-Kassar et de Georges Abyad.
Timbre poste commémoratif.
Epris de l’Opéra, aimant l’arrangement harmonieux et l’orchestre, il rêvait de traverser la Méditerranée, d’aller en Italie, pour mieux déchiffrer les codes et les secrets de l’art musical.
Influencé par les formes musicales du Levant (les Qoudoud d’Alep, le théâtre musical) et par les opéras italiens donnés en Egypte à l’époque, Darwich signe une vingtaine d’opérettes dans lesquelles il s’adresse à toutes les catégories du peuple égyptien : les ouvriers, les paysans, les communautés d’origine étrangère, etc.
Caricature de Darwich par Bahgoury.
Une source d’inspiration intarissable
Ses chansons diffusées dans les années 1950 sur les ondes de la radio Sout Al- Arab (la voix des Arabes) ont par la suite influencé le style musical des Frères Rahbani et le chant de la diva libanaise Faïrouz. Cette dernière a repris quelquesunes de ses oeuvres en les réarrangeant différemment et leur a donné ainsi une seconde vie. Parmi celles-ci : Aho Dah Elli Sar (voilà c’est ce qui s’est passé), Al- Helwa Di (cette belle s’est levée du bon matin) et Zourouni Kol Sana Marra (venez me voir une fois par an). Réarrangée par Ziad Rahbani, le fils de Faïrouz et de Assi Rahbani, cette chanson a clôturé leurs concerts pendant une dizaine d’années.
Sayed Darwich aimait être surnommé « Le serviteur de la musique ».
Le répertoire de l’interprètecompositeur libanais Marcel Khalifé a toujours comporté des chansons de Darwich. Même chose pour plusieurs autres musiciens contemporains au Liban, en Palestine, en Syrie et en Iraq qui, aujourd’hui encore, s’inspirent de son répertoire. Pour eux, Sayed Darwich est une source d’inspiration intarissable. Les écrits récents de musicologues levantins tels Victor Sahab et Fadi Al- Abdallah en sont la preuve.
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