Un parc éolien au large d'Aberdeen, le 29 avril 2022 dans le nord-est de l'Ecosse. Photo : AFP/Archives
L'accord, conclu entre Etats membres et eurodéputés après une nuit d'ultimes pourparlers, « nous aidera à réduire encore davantage notre dépendance au gaz russe », à « stabiliser les marchés à long terme » et permettra « d'offrir une électricité plus abordable », a résumé la ministre espagnole de l'Energie Teresa Ribera, dont le pays occupe la présidence tournante de l'UE.
Après l'envolée des prix de l'électricité l'an dernier, cette réforme entend notamment faire baisser les factures des ménages et entreprises grâce à des contrats de long terme --à prix décidé par avance-- permettant de lisser sur la durée l'impact de la volatilité des cours du gaz.
Dans ce cadre, les Etats pourront choisir de favoriser « exclusivement » les contrats pour de l'électricité issue de nouvelles centrales de renouvelables.
Surtout, le texte --qui doit encore être formellement entériné par les Etats et le Parlement-- offrira davantage de prévisibilité aux investisseurs grâce au recours à des « contrats pour la différence » (CFD) à prix garanti par l'Etat pour tout soutien public à des investissements dans la production d'électricité décarbonée (renouvelables ou nucléaire).
Dans ce mécanisme, si le cours du marché de gros est supérieur au prix fixé, le producteur d'électricité doit reverser les revenus supplémentaires engrangés à l'État, qui peut les redistribuer aux consommateurs. Si le cours est en-deçà, l'État lui verse une compensation.
Satisfecit français
Les CFD s'appliqueront pour les financements publics dans de nouvelles centrales -- mais aussi sous conditions aux investissements destinés à prolonger l'existence des centrales nucléaires existantes, selon l'accord, qui laisse la porte ouverte à des mécanismes équivalents "ayant les mêmes effets".
C'est ce point qui suscitait le plus de crispations, entre les Etats comme au Parlement européen, très divisés sur l'extension du mécanisme au nucléaire existant.
L'Allemagne s'y était opposée farouchement, redoutant la concurrence d'une électricité française rendue plus compétitive grâce à un soutien public massif, tandis que la France voit dans les CFD un outil incontournable pour soutenir à l'avenir la réfection de son parc nucléaire vieillissant et réguler les prix.
Paris avait réussi à faire valoir ses positions face à Berlin fin octobre lors de l'adoption de la position commune des Etats, mais les eurodéputés, eux, défendaient un encadrement drastique et une couverture limitée des CFD sur le nucléaire existant.
L'accord final « offre la possibilité de prix stables et représentatifs des coûts (de la production), et nous donne les moyens d'assurer le financement pérenne de la transformation de notre système électrique » en dopant à la fois renouvelables et atome civil, a affirmé la ministre française de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher.
« Socialement juste »
Pour la redistribution des recettes tirées des CFD, autre pomme de discorde, l'accord "offre une flexibilité" aux Etats.
Ils pourront choisir de les redistribuer aux consommateurs finaux (entreprises, ménages), mais aussi de financer des investissements dans le secteur ou des régimes de soutien allégeant les factures --et conforter la compétitivité des industriels, plombés par l'inflation des cours de l'énergie.
Le texte prévoit par ailleurs, en cas de nouvelle envolée durable des prix, le déclenchement d'une situation de crise au niveau européen permettant aux États d'adopter des mesures de type bouclier tarifaire pour protéger ménages vulnérables et entreprises.
Le Conseil européen (qui réunit les Etats) aura le pouvoir de décréter une telle crise « sur proposition de la Commission européenne », mais les mesures adoptées nationalement devront éviter « toutes distorsions ou fragmentation indue » du marché commun.
Autre sujet épineux : les « mécanismes de capacité » qui permettent aux États de rémunérer les capacités inutilisées des centrales pour garantir leur maintien en activité et éviter des pénuries futures d'électricité.
Plusieurs pays souhaitaient être exemptés des contraintes écologiques prévues (limites d'émissions CO2), notamment la Pologne désireuse d'appliquer l'outil à ses centrales à charbon. In fine « une dérogation exceptionnelle » pour ces centrales polluantes sera possible, mais temporairement et sous contrôle de Bruxelles.
Enfin, le texte renforce la protection des « consommateurs vulnérables en situation de précarité énergétique », menacés de coupures de courant.
« L'Europe disposera d'un marché de l'électricité socialement juste », s'est félicité l'eurodéputé socialiste Nicolas Gonzalez Casares, rapporteur du texte.
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