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L'Etat islamique en Libye

Dimanche, 22 février 2015

La montée en puissance de l’Etat Islamique (EI) en Libye pose un dilemme à la communauté internationale, en premier lieu à l’Egypte, aux pays voisins et aux Etats européens du nord de la Méditerranée, notamment l’Italie, le plus proche géographiquement, et la France.

Comme c’était le cas en Syrie et en Iraq, le groupe terroriste profite en Libye du vide politique et de l’instabilité sécuritaire pour percer. Ces conditions, terreau de détérioration des conditions de vie, rendent plus attractive l’adhésion aux groupes radicaux, qui jouent sur l’insatisfaction et le désoeuvrement des jeunes. Les succès militaires rapides remportés depuis l’été dernier par l’EI, en Syrie et en Iraq, où il a conquis presque le tiers du territoire de chacun des deux pays, l’ont rendu autrement attractif que les autres formations islamistes extrémistes. Il est établi, par exemple, que plusieurs des recrues de l’EI en Libye viennent des rangs d’Ansar Al-Charia, qui prolifère dans l’est du pays, notamment à Benghazi. Quelque 300 autres militants libyens ont rejoint le groupe en octobre dernier, après être rentrés de Syrie, où ils combattaient dans les rangs de plusieurs groupes extrémistes. Le Conseil de Choura de la jeunesse islamique, un groupe extrémiste établi dans la petite ville portuaire de Derna, à l’est de la Libye, a annoncé en novembre son allégeance à l’EI. Grâce à ces renforts, l’EI a pu créer depuis décembre des zones d’occupation et d’influence dans les villes de Derna, historiquement un fief des islamistes radicaux, de Syrte, dans la région centrale de la côte libyenne sur la Méditerranée, de Benghazi et de Tripoli.

Pour les groupes locaux en Libye, et dans d’autres pays arabes et islamiques, adhérer à l’EI signifie profiter de la notoriété, certes macabre, de ce groupe terroriste. Celui-ci en retour peut se targuer d’avoir étendu son influence dans plusieurs pays arabo-islamiques. Cependant, les groupes qui se réclament de l’EI ne maintiennent en réalité que des liens organisationnels vagues, voire inexistants, avec l’organisation mère, dirigée par Abou-Bakr Al-Baghdadi. Ils n’ont pour ainsi dire que l’enseigne de l’Etat islamique, alors que leurs décisions et leurs actions sur le terrain obéissent aux appréciations des dirigeants locaux, sans concertation préalable ou instructions en provenance de l’EI en Iraq et en Syrie.

Alors que l’Egypte était prompte à réagir, en menant, en concertation avec le gouvernement libyen légitime, des frappes aériennes contre les positions de l’IE, la réaction internationale se fait attendre.

Les Etats occidentaux, qui ont joué un rôle de premier plan dans le renversement de Muammar Kadhafi en 2011, hésitent aujourd’hui à s’engager dans le bourbier libyen, au risque de laisser le pays sombrer davantage dans le chaos et devenir une plaque tournante du terrorisme au nord de l’Afrique. Ces Etats avaient estimé que le travail était fait avec la chute de Kadhafi. Or, il fallait retenir la leçon tirée de l’invasion américaine de l’Iraq, qui certes s’est soldée par le renversement de Saddam Hussein, mais a échoué à accompagner et à aider à la remise sur pied de l’Etat iraqien, avec les résultats que l’on voit aujourd’hui.

En Iraq, comme en Syrie, l’Occident et les Etats de la région n’ont commencé à réagir que lorsque le danger de l’EI est devenu trop menaçant, avec un prix trop lourd à payer en vies humaines et en argent, et avec des résultats incertains. La même erreur semble se répéter en Libye. L’intérêt majeur de l’Onu, de l’Occident et de plusieurs acteurs régionaux est focalisé sur le laborieux processus de règlement politique, sans payer suffisamment d’attention à la dangereuse montée des groupes terroristes, qui risquent de faire capoter une possible solution politique et de perpétuer un état de désordre et de violence, faisant de la Libye un Etat failli .

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