Le correspondant français en visite en Egypte m’a interrogé à propos de la nouvelle théorie proposée par Mohamad Hassanein Heikal lors d’un entretien télévisé. Heikal avait dit que la force des Arabes est une force basée sur l’argent et son influence. Il l’appelle la « force liquide », par comparaison à la force intransigeante représentée par les armées ou encore la force douce représentée par la culture et les médias. Joseph Nye, professeur à l’Université américaine de Harvard, a été le premier à mettre en avant le concept communément appelé « force douce », mais qui est en réalité une traduction incorrecte. Nye avait publié deux livres sur la question. Le premier en 1990 était intitulé « Le Leadership prédestiné ». Il a été suivi par « force souple » en 2004. Nye faisait allusion à l’impact des arts, des lettres et des médias sur le cours des événements et sur l’influence de l’Etat qui détient ces outils. Ceci sans avoir recours à la force militaire « rigide ».
Heikal était le premier à introduire ce concept dans le discours politique arabe, lorsqu’il l’a proposé dans l’une de ses interviews télévisées il y a quelques années. Il avait indiqué que la force de l’Egypte représentée par la culture, la pensée, les arts, les lettres, la presse et les médias a régressé au cours des dernières décennies de manière dangereuse à cause de la décadence du rôle de l’Egypte et du recul de sa position et son prestige régional et international.
Si notre force douce a reculé et si notre force rigide a été brisée après la destruction de l’armée iraqienne, la dure épreuve de l’armée syrienne et l’engagement de l’armée égyptienne dans la lutte contre le terrorisme, la seule force irrévocable que détiennent les Arabes actuellement, selon Heikal, est celle des fonds fluides résultant du pétrole ou du gaz. Il s’agit d’une force importante sans nul doute, mais elle peut se dissiper facilement parce qu’elle n’a ni teneur ni noyau solide. Raison pour laquelle Heikal l’appelle la « force liquide » et estime que la meilleure manière de l’investir est de contrôler son flux à l’intérieur d’un canal que Heikal compare à un canal fluvial qui a un cours bien connu entre deux rives clairement identifiées. Voilà une manière exemplaire d’investir cette force et de la mettre à profit de manière constructive au lieu de la laisser se dissiper dans un désert aride où elle serait absorbée par les sables. Le correspondant était ébahi par cette théorie. Il a affirmé qu’il écrira des articles dès qu’il sera en France.
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